Mi Soo Chung, mariée, mère d’un garçon et de deux filles
Le travail, les enfants, les devoirs, les soupers, la maison, les activités de fin de semaine. La vie de Mi Soo Chung, avocate et mère de trois enfants, était toujours pleine à ras bord. Jamais de temps pour elle. Puis, en 2015, sans qu’elle l’ait vu venir, son poste a été coupé…
Elle a eu comme un vertige. Et l’envie soudaine de quelque chose de différent. Quelque chose pour elle-même. « Pas de responsabilité, dit-elle. Aucune obligation de faire à manger pour personne, juste moi avec moi. » Un film (La route ensemble, 2010, par Emilio Estevez, mettant en vedette Martin Sheen) a achevé de la décider: elle irait marcher sur le chemin de Compostelle.
Elle a acheté son billet d’avion sur-le-champ. « Parce que je me connais et que je ne voulais pas me laisser la chance de changer d’idée ! »
Ensuite, seulement, elle s’est occupée de trouver un sac à dos, un sac de couchage, un guide de voyage. Son mari a été compréhensif ; sa belle-mère, qui habite tout près, a accepté de donner un coup de main pour les enfants.
Quinze jours plus tard, elle atterrissait à Madrid en Espagne, toute seule avec, devant elle, deux semaines pour marcher, penser, se retrouver.
Son petit pèlerinage s’est achevé au cap Finisterre. Elle s’est assise devant la mer et le ciel, a longtemps réfléchi. « Malheureusement, je n’ai pas vraiment trouvé les réponses à mes questions », déplore-t-elle. Peut-être un peu quand même. Ainsi, elle est retournée aux études à temps partiel, un projet qu’elle caressait depuis des années. Et s’est promis d’aller, un jour, parcourir le reste du chemin.
« Je n’avais jamais voyagé seule. Ça me faisait un peu peur, alors je n’ai réservé que pour deux semaines. J’ai compris le premier soir que ce serait trop court. Pour éviter de me perdre, j’avais apporté des livres, des cartes, toutes sortes de choses. Finalement, ça s’est très bien passé. Le chemin de Compostelle est bien balisé, très bien organisé, il y a du monde partout. »
– Mi Soo Chung
Tamy Emma Pepin
En 2015, Tamy Emma Pepin a entrepris le tour de l’Islande. Une vingtaine de jours, toute seule avec sa tente, pour se perdre dans les paysages et le silence.
Le voyage, c’est son travail, la carrière qu’elle s’est forgée en conjuguant tourisme et réseaux sociaux. En six ou sept ans, elle est devenue sa propre marque. Plus de 50 000 personnes la suivent sur Instagram. Elle a scénarisé et animé des émissions de télé (Tamy@UK et #TamyUSA sur Évasion); les agences de tourisme et les compagnies aériennes la courtisent. Elle passe plus de la moitié de son temps loin de Montréal, en général avec des équipes de tournage et des horaires serrés. Et quand elle veut décrocher, se retrouver et se reposer, elle reprend la route. En solitaire. « Au moins une fois par an, dit-elle, je pars en road trip solo. Dans ma voiture, j’écoute de la musique, des balados, ou rien du tout. J’aime les grands espaces, les beaux paysages, la nature, le calme. »
Bien sûr, même en vacances, Tamy partage ses photos et ses coups de cœur avec ses abonnés Instagram. « Ce qui fait que je ne me sens pas isolée, dit-elle. Je suis quand même toujours un peu connectée. »
« Quand je voyage seule, j’ai toujours la peur au ventre. Mais je l’affronte. Je prends mes précautions, je lis avant de partir, je donne mes coordonnées, je m’enregistre à l’ambassade. Je ne vais pas m’empêcher de voir le monde parce que j’ai peur. »
– Tamy Emma Pepin
Huguette Poisson, veuve
Avec ses 5 pieds 1 pouce, ses 103 livres et ses 77 ans, Huguette Poisson court le monde. Au cours des dernières années, elle s’est offert la Corée du Sud, l’Islande, l’Indonésie, la Colombie (trois fois !), l’Algérie et le Maroc. Et tout récemment l’Irlande. Le plus souvent toute seule. Parce qu’elle déteste les voyages de groupe, et qu’il est souvent difficile d’accorder ses envies et ses horaires avec ceux d’éventuels compagnons. Et parce que, bien franchement, elle adore…
Elle a quand même son arme secrète: elle est membre de Women Welcome Women World Wide, plus communément appelé 5W. Basé à Londres, ce réseau compte plus de 2 000 membres, un peu partout sur la planète, chacune étant disposée à donner un coup de pouce à une femme qui croise son chemin. « Avant mon départ, je prends contact avec une résidante de mon point d’arrivée qui m’aidera à trouver mes repères et me donnera des tuyaux, indique Huguette. Et qui, parfois, m’hébergera quelques jours. » C’est ainsi qu’elle a pu apprivoiser la Corée du Sud et le Maroc, par exemple.
Elle peut ensuite poursuivre sa route, à son rythme. « Tout un chacun s’étonne de voir une petite dame à cheveux blancs voyager seule, poursuit-elle. Alors les gens me parlent, m’ouvrent la porte de leur maison, acceptent de venir souper avec moi. Je rencontre beaucoup de monde. C’est une merveilleuse façon de découvrir un pays ! »
À peine débarquée de Dublin, Huguette caressait déjà l’idée de partir pour la Norvège.
« La sécurité est un enjeu important. Je suis prudente. Je m’habille sobrement, je ne porte pas de bijoux, j’évite les quartiers louches et je ne sors jamais seule le soir. Je voyage en solo depuis des années et il ne m’est jamais rien arrivé de désagréable. Ma pire crainte : tomber malade. Alors je surveille ce que je mange et ne bois que de l’eau embouteillée ! »
– Huguette Poisson
Caroline Le Blanc, célibataire
Caroline mourait d’ennui et de frustration, assise 40 heures par semaine devant un écran d’ordinateur. Alors elle a planifié son coup. Six mois durant, elle a ramassé ses sous, puis elle s’est envolée pour Bangkok, avec 3 500 $ en poche. « Officiellement, je partais pour six mois, dit-elle. Parce que ça rassurait mes parents de savoir que j’avais un billet de retour. Mais je me doutais bien que je resterais plus longtemps. »
Elle avait d’abord prévu voyager avec une copine… qui s’est désistée. « Je suis partie toute seule mais j’ai rencontré plein de monde, dit-elle. Il est très facile de se faire des amis; on fait un bout de chemin ensemble, puis chacun s’en va de son côté. J’étais en Asie, mais j’ai découvert les cultures italienne, allemande, américaine, française ! »
Pendant 18 mois, elle s’est promenée de la Thaïlande à l’Inde en passant par l’Australie, le Vietnam et le Cambodge, avec, parfois, des arrêts boulot obligatoires. Elle a été femme de chambre, serveuse, prof d’anglais. Elle s’est même payé le luxe de se faire avoir en Tasmanie par un vigneron qui l’a fait travailler pendant deux semaines sans la payer… Ce voyage l’a changée à jamais, croit-elle. Et partir en solo a été une bonne idée. « Je le recommande à tout le monde. J’ai appris à me faire confiance. On ne se doute pas qu’on est capable de faire autant de choses avant de l’expérimenter. »
La preuve: elle vient de s’installer à Vancouver où elle commence une nouvelle carrière… d’agente de bord. Parce qu’elle veut continuer à voyager.
« Les femmes ne devraient pas hésiter à voyager seules. Et il ne faut pas qu’elles écoutent tous ceux qui tentent d’imposer leurs propres peurs. Bien sûr, on doit être prudente et respecter le code vestimentaire local. Mais il faut aussi se rappeler que, dans l’immense majorité des cas, les gens sont bons et gentils. »
– Caroline Le Blanc
Anick-Marie Bouchard, nouvellement en couple
Anick-Marie Bouchard se définit comme une nomade. « Je ne voyage pas, moi, je déménage », dit-elle. Depuis 15 ans, elle a ainsi posé ses valises à Cologne, à Paris, à Montpellier, à Édimbourg, à Bruges… Chaque fois, elle se fait un camp de base, dans l’appartement d’un ami par exemple, d’où elle rayonne pendant quelques mois. Puis, elle met les voiles.
Pas d’emploi, pas de bail, pas de voiture, elle vit avec moins de 10 000 $ par an, qu’elle gagne avec des piges et des contrats. « Les contraintes de la vie sédentaire me donnaient de l’anxiété et des crises de panique, explique-t-elle. La vie nomade m’offre une forme de stabilité qui me convient mieux. »
Son mode de transport principal: le stop. Presque toujours toute seule. Parce qu’elle en a pris l’habitude aux îles de la Madeleine, où elle a grandi et où le pouce est souvent l’unique façon de se déplacer. Et puis, bien sûr, parce que ça coûte moins cher.
Voyager en solitaire, c’est la liberté, dit-elle, et ça permet de développer la résilience. « On apprend à prioriser ses besoins, à demander de l’aide si nécessaire, en sachant laquelle on ne veut pas. Bref, on développe une intelligence intuitive, sorte d’intégration fine de toutes ses expériences, utile dans toutes les sphères de la vie. »
Ces jours-ci, la nomade s’embarque dans un trip complètement nouveau pour elle: le mariage… « Une grande aventure dans l’univers domestique », dit-elle.
Fini le nomadisme ? « Non, juste un camp de base différent. » On lui souhaite tout le bonheur possible.
« Je m’appelle la globe-peureuse. Mon objectif n’est pas de vaincre la peur, mais de la gérer. J’analyse, et je planifie beaucoup. Quand j’ai des craintes, j’y vais doucement, je sors de ma zone de confort de façon contrôlée. Le problème : nos peurs irrationnelles et celles que les autres projettent sur nous. L’anxiété de ma mère n’est pas la mienne… »
– Anick-Marie Bouchard
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