On courait peinard tout seul, on faisait sa petite affaire en douce, l’air de rien, incognito et puis, un jour, au détour d’une conversation, paf!
« On ira courir ensemble si tu veux ».
L’invitation est lancée. Youppi! Une amie de course qui va me stimuler, m’encourager, me divertir sur tous ces kilomètres, me pousser dans le…
Stop. On ne s’emballe pas le pompon.
Ah boooon? Mais, mais, mais… Courir à deux, c’est mieux, non?
Oui.
Et non.
Courir avec quelqu’un, c’est plus intime qu’il n’y paraît et un partenariat de course, c’est comme un mariage. Si on peut folâtrer avec plusieurs personnes sans que ça oblige à l’engagement, rencontrer celle avec qui on fera une équipe du tonnerre, c’est plus rare… et c’est précieux.
En vrac, quelques réflexions avant de dire « oui, je le veux ».
Connais-toi toi-même
En amour comme dans la course, tous les choix sont bons, à condition de suivre le grand principe de coach Socrate : sachez qui vous êtes.
Comme coureur, comme individu, comme partenaire. Plus on est solide et lucide dans ses runnings, meilleurs sont nos choix.
Et je ne parle pas que de votre vitesse de course.
D’abord dire oui
Aller courir une fois avec quelqu’un ne nous engage à rien. Devant l’Inconnu, y’a rien comme d’essayer. On a parfois des surprises fantastiques, ce serait trop bête de passer à côté.
Oui, d’accord, je suis libre en fin de journée, allons courir.
Ensuite savoir dire non
On a essayé, testé, répété et ça n’est toujours pas naturel ni plaisant?
Inutile de blâmer qui que ce soit. Ce n’est « de la faute » ni de l’un, ni de l’autre. Des incompatibilités, ça existe.
Non, je ne suis pas libre en fin de journée, bonne course à toi.
Cultiver son autonomie
Sans autonomie de l’un et de l’autre, il n’y a pas d’union heureuse.
Les coureurs qui savent trouver leur bonheur dans la solitude font de merveilleux partenaires de course. Ils n’ont pas « besoin » de l’autre, ils ont « envie » d’être avec lui, ce qui, comme en amour, change tout à l’affaire.
Rien de pire que quelqu’un qui se quête « quelqu’un pour courir » parce qu’il est incapable d’y aller tout seul. Désastre assuré et plaisir non remis.
De la simplicité avant toute chose
Un bon partenaire de course, c’est quelqu’un avec qui c’est (sauf exception tout à fait justifiée) simple d’aller courir.
Proximité géographique, souplesse d’horaires quand l’un ou l’autre a besoin d’être accommodé (enfants, boulot), dispositions pour l’impromptu, capacité d’adaptation, peu (voire pas du tout) de chialage, pas de chichis, à go on y va.
Il y a déjà suffisamment de complications dans le reste de nos vies pour qu’on n’en rajoute pas.
Penser à rendre
Yé (bis), une amie de course qui va me stimuler, m’encourager, me divertir sur tous ces kilomètres, me pousser dans le…
Je, je, je, moi, moi, moi. Hum.
On ne peut pas que prendre. Il faut aussi penser à rendre.
Qu’est-ce que j’apporte dans ce partenariat de course? Ma bonne humeur? Mes encouragements? Mon ado qui garde les enfants de l’autre? Mon oreille attentive? Mes connaissances? Comment puis-je contribuer à la course de l’autre et pas juste en profiter?
La course, c’est comme le café et le chocolat : c’est meilleur quand c’est équitable.
Amis à la course, amis à la ville
L’effort partagé est un puissant révélateur de personnalité, pour le meilleur… et parfois pour le pire!
C’est pas parce qu’on est amis dans la vie qu’on fera de bons partenaires de course. Et, à l’inverse, on peut s’entendre à merveille sur la route, et ne pas forcément se voir dans la vie civile.
Il faut savoir départager les deux. Ça aide à préserver les amitiés auxquelles on tient, et à évoluer comme coureur.
Honorer ses engagements
L’air de rien, la désinvolture est plus courante qu’on ne le croit. T’es là, au milieu du parc, à grelotter comme une dinde par un matin glacial de janvier et l’autre, celle qui vous avait pourtant suppliée de courir avec elle… dort.
Deux heures plus tard, en bâillant nonchalamment, elle s’excuse « je te jure, ça ne m’arrive jamais ». Et bien sûr, elle recommence à la première occasion.
Les désinvoltes sont comme les mauvais garçons qui promettent de s’amender. Leur charme est surestimé.
Connaître sa vitesse de croisière
Oui, on peut courir avec quelqu’un de plus lent, ou de plus rapide à l’occasion. C’est une excellente façon de s’améliorer pour le plus lent, et un rappel bénéfique des difficultés des débuts pour le plus rapide.
Mais on ne peut pas être dans une relation exclusive avec quelqu’un quand il y a de trop grandes disparités de vitesse. Il y aura forcément des frustrations de part et d’autre.
Le plus lent se sentira largué, constamment épuisé, et au bout du compte, il sera découragé.
Le plus rapide aura l’impression de sacrifier sa course, de rater ses objectifs et au bout du compte, il en voudra à l’autre de le ralentir.
Avoir des objectifs communs
S’entraîner ensemble pour le même marathon par exemple. Partager un entraînement au même rythme simplifie de beaucoup l’organisation des sorties. Pas besoin d’ajuster son kilométrage, ni le type d’entraînement que l’on doit faire ce jour-là, l’autre a la même chose au programme.
En plus, on passe par les mêmes étapes psychologiques, de la frénésie excitée du début à la fatigue de la fin, en passant par les crises d’angoisse devant l’échéance qui approche. À deux, quand on s’entend bien, on est capables de s’entraider avec humour.
Sans compter l’aspect « distraction » fondamental sur une longue distance. Cette fille qui vous fait oublier vos jambes pendant 20 kilomètres parce qu’elle vous fait rire sans bon sens avec ses histoires épiques, c’est une excellente « partner ».
Et traverser la ligne d’arrivée en chœur, ça n’a pas de prix.
Partager une vision similaire de l’entraînement
Les raisons qui nous poussent à courir sont toutes différentes et elles sont toutes valables.
Mais une fille qui court « pour le fun » n’aura aucun plaisir avec une fille qui court avec un objectif de performance bien précis. Une fille qui veut prendre ça « mollo » tapera forcément sur les nerfs de celle qui a envie de se défoncer.
Et inversement.
Juger les choix de l’autre est idiot et contre-productif. Il n’y a rien de mal à vouloir courir pour le fun. Il n’y a rien de mal non plus à vouloir se qualifier pour Boston. Chacun ses objectifs et vive le running libre.
Je ne saurais terminer ce billet sans vous parler de polygamie
C’est très possible, voire même souhaitable, d’entretenir plusieurs relations de course en même temps, chacune nous enrichissant d’éléments différents. Avec un on travaille sa vitesse, avec l’autre, son répertoire de blagues douteuses, et avec le troisième, sa technique de course.
Contrairement à l’amour, ces relations ne mettent le cœur de personne en danger, elles sont excellentes pour la santé et personne ne peut réclamer l’exclusivité de votre corps d’athlète! Libre, volage et en forme.
Avouez que c’est formidable.
Dans tous les cas, le mariage comme la course, le même impératif s’applique; quand on veut de bons partenaires, il faut soi-même être prêt à donner le meilleur.
À voir : les vidéos de course à pied de notre expert, Jean-François Harvey.