Blogue La course et la vie

L’art de courir tout en gardant ses amis

Les amis pour qui le mot « courir » n’évoque que l’autobus qu’il faut rattraper un matin désespéré.

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Les amis qui ne courent pas, évidemment.

Ceux qui courent, ça va, ils s’abreuvent au même Gatorade que nous, se contaminent aux mêmes vices, et bouillent de la même fièvre. Avec ceux-là, on a partagé la file pour les toilettes chimiques. Forcément, ça crée des liens indestructibles.

Non, je vous parle de garder nos amis « civilisés ». Ceux pour qui le mot « courir » n’évoque que l’autobus qu’il faut rattraper un matin désespéré, et qui ne comprennent pas tout le charme d’un mollet brut moulé dans son bas de contention ni le pouvoir ensorcelant de l’odeur du Bengay.

Eux. Les « normaux ».

De deux choses, l’une. Soit on les aime, on voudrait bien les garder comme amis, et quelques balises nous aideront à perpétuer la beauté de notre amour, soit on ne les aime pas tant que ça, et alors… au diable la dépense, on vire en mode mono maniaque et on les saoule avec nos histoires de course!

Présumons qu’on les aime.

1)   Je ne prends pas pour acquis que ma passion les passionne.

Non ?

Non.

Jamais ?

Mmmm…

Soyons francs. Est-ce que la passion de notre ami pour l’algèbre (ça s’est vu), la fabrication de cerfs-volants, ou le talent prodigieux de son enfant pour le piano, nous passionne tant que ça ?

Mmmm…

Certes, oui, tu es mon ami et te voir t’empourprer d’émotion quand tu me causes polynômes, génie précoce et modèle à coller, c’est émouvant. J’aime te voir heureux, n’en doute point.

Mais en même temps, comment dire?

Je sens que vous voyez exactement ce que je veux dire.

2)   J’attends que mes amis me posent des questions. S’ils osent (malheureux, tu sais pas dans quoi tu t’embarques) me parler de course, j’essaie fort fort de ne pas sombrer dans l’enthousiasme dithyrambique (coupable, je l’avoue, coupable, coupable, encore coupable), et de répondre sobrement, et en omettant les détails scabreux (voir tout ce qui se rattache aux fluides corporels et autres réalités gastriques).

3)   Quand ils viennent souper, leur épargner la visite guidée de la cave où on a élevé un autel (not) à nos médailles. Non, un paquet de bling bling simili gold, ce n’est pas une rétrospective Alex Colville. De toute façon, tous ceux qui ont vu un film d’horreur savent que sous aucune considération, il ne faut aller dans la cave.

4)   De prosélytisme, je ne ferai point (c’est difficiiiiiile). Dans mon cas, il a fallu que mon fils me regarde dans le blanc des yeux, avec beaucoup d’amour, et me dise « Maman, arrête » pour que je comprenne. Non, on ne va pas les convaincre. On ne va même pas essayer.

Cela dit, c’est toujours plaisant de lâcher un « pas de cholestérol, pas de haute pression, pas de diabète » dans la conversation. En reprenant une généreuse portion de carbonara. La la la lère.

5)   Sur les réseaux sociaux, traiter la course comme une folie de jeunesse. On ne s’en cache pas, on n’a pas honte (j’assume, j’assume, si, si, même cet épisode tumultueux avec ce garçon qui…), mais on ne s’en vante pas (trop) non plus. De temps en temps, ça rehausse, juste assez pour mettre du piquant, pour donner envie à quelqu’un qui aurait envie de s’y mettre de venir voir de quoi il en retourne (ou de partir en voyage avec un mauvais garçon), mais éviter quand même de de garrocher le pot de pili-pili dans la marmite sous le prétexte de vouloir épicer un gruau un peu terne. Une brûlure au troisième degré est si vite arrivée.

En fin de compte, les passions, c’est comme l’huile de truffe ; ça parfume toute la vie… tant qu’on sait s’arrêter avant la goutte de trop.

Alors, toujours amis?

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