Pour se rendre sur le chantier du barrage hydroélectrique de La Romaine sur la Côte-Nord, il faut prendre l’avion à Havre-Saint-Pierre puisqu’aucune route ne s’y rend. La poète Erika Soucy y a séjourné il y a quelques années et, en observatrice privilégiée puisque son père y était employé, s’en est inspirée pour son recueil L’Épiphanie dans le front (Éditions Trois-Pistoles, 2012). Les murailles, son premier roman, est issu du journal de bord qu’elle y a tenu. Et comme c’est assez rare d’être transporté dans un univers de forage, de dynamitage, de gang d’hommes isolés en pleine nature, et que l’écriture est directe, brute, vraie, on se surprend à en dévorer les 151 pages en un après-midi. Au-delà du portrait de ces travailleurs, c’est la relation père-fille que l’auteure explore aussi. Beau. [C.F.]
Les murailles, Erika Soucy, VLB éditeur
Ce titre paru à l’automne 2015 fait suite à Rien ne s’oppose à la nuit, roman précédant de l’auteure française ayant connu un énorme succès des deux côtés de l’Atlantique dans lequel elle racontait les problèmes de santé mentale de sa mère. De la même manière cette fois-ci, elle joue habilement de l’autofiction, de la vérité et de la réalité, et décrit finement l’histoire d’une auteure du même nom, Delphine, qui vient d’écrire un roman percutant sur sa mère et qui tente de rédiger son prochain ouvrage. Mais elle décrit surtout comment elle se lie d’amitié avec L., une femme aux intentions nébuleuses. On se plaît à croire l’histoire réelle, car plusieurs éléments véridiques s’y trouvent, mais on est parfois rattrapé par des passages où l’impression de véracité s’effrite. Au fil de la lecture, on se questionne, on cherche la vérité et on réfléchit sur notre besoin du vrai. Fascinant! [S.B.-B.]
D’après une histoire vraie, Delphine de Vigan, JC Lattès, 484 pages.
Ce n’est pas pour rien que la page couverture présente un vieux billet de banque canadien. La famille Delorme vénère – littéralement – l’argent. Du grand-père, Prosper, qui a fait construire une chambre forte au sous-sol pour entreposer la fortune familiale, à son fils, Louis-Dollard (des noms bien choisis), l’amour de la monnaie s’est assurément transmis d’une génération à l’autre. Mais le jour où une jeune femme, Penny Sterling, cogne à leur porte pour louer un des logements de l’immeuble qu’ils possèdent, le capital amassé pourrait se trouver en danger… Martine Desjardins nous offre ici un récit truculent dont la narratrice n’est nulle autre que la maison des Delorme. Et quand il y a péril en la demeure, ladite demeure s’en mêle! Une saga hautement divertissante. [C.F.]
La chambre verte, Martine Desjardins, Alto, 248 pages.
Les fougueuses et talentueuses Cathon et Iris s’allient à nouveau pour nous offrir un second tome à La liste des choses qui existent (La Pastèque, 2013). Originalement un blogue, leur projet a pour but de démystifier (avec humour, il va de soi), l’origine des objets du quotidien. Encore plus de choses qui existent s’attardent à 18 éléments, notamment le tapis, le timbre, la guitare, l’appareil-photo ou la banane. Les bédéistes et amis se mettent encore en scène pour expliquer de manière décalée comment nous en sommes venues à manger des frites ou avoir des divans dans nos salons. Et leur enthousiasme est contagieux et débordant. Les couleurs et les planches de ce nouvel opus pigent à la fois dans la bande dessinée et le roman graphique. On aime. [A.M.]
Encore plus de choses qui existent, Cathon et Iris, La Pastèque, 2015, 120 pages
Les fans de Fabrice Luchini sont choyés ce mois-ci. Outre le film L’hermine, dans lequel il incarne un juge sympathique, l’acteur publie un « autoportrait littéraire », en librairie au Québec depuis le 3 mars. L’inoubliable interprète de Beaumarchais, l’insolent y mêle souvenirs d’enfance, journal de bord, extraits d’auteurs classiques, savoureux traits d’esprit et appréciations personnelles de grandes plumes. Le secret pour mieux apprécier cet ouvrage hors normes? S’imaginer qu’il nous est narré par cet artiste plein de verve qui manie si bien le verbe. [C.F.]
Comédie française, Fabrice Luchini, Flammarion Québec, 244 pages.
Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine