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Qui était vraiment Agatha Christie?

Ce mois-ci, le musée Pointe-à-Callière consacre une grande exposition à l’écrivaine Agatha Christie, qui était aussi passionnée d’archéologie. Portrait d’une femme libre et énigmatique.

Photo: Presse canadienne

Elle a pris place à bord d’un aéroplane qui aurait fait peur aux frères Wright. En 1924, elle a fait du surf à Hawaii, remorquée sur sa planche jusqu’aux bonnes vagues par un boy ! Sa carrière de pianiste de concert avortée pour cause de timidité extrême, la dame a plutôt écrit 80 romans, qui se sont vendus à plus de deux milliards d’exemplaires. Qui l’eût cru puisqu’on la trouvait, comment dire, « un peu lente », enfant !

Agatha Miller naît le 15 septembre 1890 à Torquay, une bourgade de bord de mer d’allure typiquement victo­rienne, située sur la Riviera anglaise. Cadette de trois enfants, elle grandit dans un milieu aisé, son grand-père américain ayant fait fortune dans le secteur immobilier.

À Ashfield, la maison familiale, Agatha vit une enfance sans histoire, sauf celles qu’elle se raconte, une habitude qu’elle ne perdra pas. À cette époque, la cuisinière pré­pare chaque jour cinq plats différents pour le dîner.
Plein de gens « intéressants », dont l’écrivain Rudyard Kipling, rendent visite à ses parents.

Agatha a 11 ans lorsque son père meurt, et ce décès entraîne un changement radical du train de vie familial. Comme elle l’expliquera plus tard, « mon grand-père réalisa une fortune considérable, mon père la laissa s’effriter […] et mon frère ­dilapida ce qui restait en un temps record ». L’heure étant dorénavant à la frugalité, Ashfield est louée à plusieurs reprises, ce qui ­permet à madame Miller de s’installer avec Agatha là où le coût de la vie est inférieur à celui en Angleterre.

En 1910, les voilà au Caire. Ah ! ah ! se dit-on : la future romancière y développera son intérêt pour la chose archéologique. Pas du tout ! À 20 ans, elle est plutôt emballée à l’idée de « faire son entrée dans le monde » et de courir les bals.

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Une carrière in progress

C’est d’ailleurs dans une telle soirée, en sol anglais, qu’elle rencontre l’officier militaire Archibald Christie. Elle l’épouse en 1914 et, à l’instar de son bel aviateur, elle participe à l’effort de guerre et s’engage à l’hôpital de Torquay, dans le sud de l’Angleterre.

Alitée le temps d’une grippe et s’ennuyant à mourir, elle est mise au défi par sa sœur aînée d’écrire un roman policier. Elle couche sur papier quelques histoires, une graine est semée.

Photo: The Sherwin Collection/Bridgeman Images

De retour à l’hôpital, elle est mutée au nouveau service de pharmacie, où elle apprend tout ce qu’il faut pour être en mesure d’empoisonner la moitié de ses personnages ! Hercule Poirot, son célèbre détective, lui sera par ailleurs inspiré par les nombreux réfugiés belges qui s’installent à Torquay pendant la Grande Guerre.

En 1920, Agatha accouche d’une fille, Rosalind, et de son premier roman, La mystérieuse affaire de Styles. Écrire n’est encore rien de plus qu’un hobby pour elle. Mais, à partir de la publication du Meurtre de Roger Ackroyd, ce sera une façon de se payer un peu de luxe, explique-t-elle dans Une autobiographie. Elle souhaite remplacer la serre de sa maison par une loggia ? Elle s’installe devant sa machine à écrire et voilà !

En 1926, c’est le choc : Archibald demande le divorce. Agatha orchestre alors sa propre disparition, digne d’une de ses intrigues (et qui n’est pas sans rappeler celle du récent roman à succès Gone Girl). Tandis que tout le pays la cherche, elle s’installe à l’hôtel sous le nom de la maîtresse de son mari. Elle en émergera au bout de 10 jours et ne s’expliquera jamais sur cet épisode.

« Je prétends que le respect est nécessaire dans un couple. Respect qu’il ne faut pas confondre avec l’admiration. Admirer un homme durant toute une vie doit être extrêmement monotone. On doit y attraper, si j’ose dire, un torticolis », a-t-elle écrit dans Une autobiographie, ce qui illustre bien son indépendance d’esprit.

Deux ans plus tard, Agathe chasse sa peine en mettant le cap non pas sur Cayo Coco, mais sur… Bagdad via Istanbul, à bord de l’Orient-Express. Ce sera le début d’une longue histoire d’amour tant avec le Moyen-Orient qu’avec l’homme qu’elle y rencontre en 1929, puis qu’elle épouse : l’archéologue Max Mallowan, de 14 ans son cadet.

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Agatha Christie et son mari / Photo: Musée Pointe-à-Callière

Bonjour, Bagdad !

« Épousez un archéologue : plus vous vieil­lirez, plus il vous aimera ! » Trop bonne pour être vraie, la boutade est faussement attribuée à l’auteure à succès. Toujours est-il que ce couple s’est aimé, à la ville comme sur les chantiers de fouilles d’Irak et de Syrie.

Ils y passent six mois par année jusqu’à ce que la Seconde Guerre mondiale interrompe leurs travaux. La romancière nettoie les artefacts à l’aide d’une broche à tricoter très fine, d’un quartier d’orange ou, encore, de sa crème de beauté, « que je trouvais plus efficace que toute autre chose pour détacher doucement la saleté des anfractuosités […] ». Elle étiquette les vestiges, les photographies, les emballe et prend aussi des notes en vue de prochains romans, dont Meurtre en Mésopotamie.

Après la guerre, le couple coule des jours heureux à Greenway, un magnifique manoir georgien surplombant le fleuve Dart, non loin de Torquay. C’est aujourd’hui un musée.

Du courrier y attend toujours les anciens occupants. La table de la salle à manger est dressée. Dans les chambres et les boudoirs, des tiroirs de commode à demi-ouverts débordent d’objets ayant appartenu au couple. Partout, mobilier d’époque et pièces rares rapportées de Damas, en Syrie, comme de Bagdad, en Irak (dont un bahut qui servira à cacher un cadavre dans l’un de ses romans), témoignent d’une vie bien vécue.

Les gens heureux ont plein d’histoires ! Tant et si bien que, près de 40 ans après sa mort, Agatha Christie ne cesse de nous en raconter.

Les mythiques personnages Miss Marple et Hercule Poirot. / Photo: International Agatha Christie Festival

Suspens en stock

Le Festival international Agatha Christie, qui se tient chaque année vers la mi-septembre, autour du jour de l’anniversaire de l’écrivaine, est le clou de la vie sociale de Torquay. À chaque édition, quelque 10 000 fans finis se réunissent dans la petite ville du Devon le temps de visites thématiques, de conférences, de présentations « Meurtre et mystère » et de fêtes. Y ayant déjà participé, nous confirmons que le tout est… to die for !

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