Féminin universel

2017: une année en demi-teinte

L’heure des bilans a sonné et, en matière de quête d’égalité, l’année qui se termine n’a pas été de tout repos.

Valérie Plante. Photo: La Presse canadienne

D’abord, j’ai été particulièrement secouée de constater la quasi-absence des femmes dans cette liste de l’agence de monitoring Influence communication parue la semaine dernière.

Au Québec, sur les 50 personnalités ayant occupé le devant de la scène médiatique en 2017, c’est-à-dire celles qui ont été le plus mentionnées dans les médias, on compte seulement deux femmes. Deux. Femmes. Et elles ne font même pas le top 10.

Hillary Clinton arrive au 28e rang et Valérie Plante au 41e.

De fait, on a davantage parlé de Barack Obama en 2017 que d’Hillary Clinton. Et plus du président français Emmanuel Macron que de toutes les femmes ministres au sein des cabinets Couillard et Trudeau réunis.

À titre comparatif, dans le palmarès canadien, il y a une femme dans le top 10 (mais elle arrive 10e, faudrait pas non plus s’emballer…) et dans le top mondial, Theresa May arrive en 3e position. Après ça, venez encore nous dire que le Québec est l’eldorado de l’égalité atteinte, le «plusse» meilleur endroit du monde pour les femmes…

Sortir du ghetto

Non seulement nous, les femmes, sommes sous-représentées dans les parlements, mais notre parole ne trouve pas d’écho dans les médias. Elle a peu ou prou de résonance et d’importance. On le sait, les «vraies affaires» sont des affaires d’hommes…

D’ailleurs, peu de voix se sont élevées pour déplorer la quasi-absence de femmes dans ce palmarès québécois. Il y a bien eu cette chronique de Martine Desjardins et ce texte de Mélanie Thivierge, nouvelle PDG du Y des femmes de Montréal et ancienne directrice principale de l’information pour les sections «Pause» dans La Presse+. Madame Thivierge a donc été aux premières loges pour constater l’effacement de la parole des femmes et la ghettoïsation des enjeux les concernant dans les médias.

Il en va de même sur les réseaux sociaux, j’ai parfois l’impression que nous y avons des conversations entre femmes, auxquelles la vaste, très vaste, majorité des hommes ne s’intéresse tout simplement pas.

En 2018, je continuerai donc de me battre pour le rayonnement et la reconnaissance du travail et de la parole des femmes, même si j’ai par moments l’impression d’évoluer dans un monde parallèle à force de me buter au confort et à l’indifférence de ces messieurs à notre endroit.

Déchirements

Si l’on a connu un superbe élan de solidarité cet automne sur la question des agressions sexuelles grâce à la déferlante #MoiAussi, il reste que le mouvement des femmes a encore une fois connu son lot de déchirements en 2017.

Ces dernières années au Québec, la question de la laïcité (autrement dit, l’espèce de référendum permanent sur le port du voile par certaines musulmanes) a provoqué des scissions. Et puis l’élection cet automne d’une femme transgenre à la tête de la Fédération des femmes du Québec a créé de nouvelles lignes de faille.

J’ai signé un texte sur cette question pas plus tard que la semaine dernière, une sorte de plaidoyer bienveillant. Appelons ça une chronique de la main tendue.

Or, depuis, j’ai lu des horreurs sur les personnes trans qui m’ont fait sortir de mes gonds. Je vais donc me payer ici le luxe d’une saine colère, ce que de tout temps on a refusé aux femmes.

Le péril trans…

Ainsi, j’ai lu ce texte publié dans Le Journal de Montréal avançant des choses comme «le discours du transgenrisme repose sur des mythes». Voyez-vous ça? Comme si être une personne trans était une quelconque lubie, une mode ou un caprice. Remarquez, il s’en trouve encore pour penser qu’on choisit d’être homosexuel et qu’on peut «en guérir»…

Le fait est que l’Occident n’a jamais été épargné en matière de discours intolérant nourri par la peur et l’ignorance.

Par exemple, des États-Unis sécessionnistes du 19e siècle au jour de l’An 2016 à Cologne, en Allemagne, le mythe de l’étranger (qu’il soit noir ou arabe) qui viole «nos femmes» a la vie dure.

Rappelons-nous aussi que, pendant les années 1920 et 1930, il était de bon ton pour un quotidien comme Le Devoir de publier des discours antisémites.

Taper sur les plus faibles

Toujours dans ce texte, on dit que le transgenrisme est «une idéologie préjudiciable aux femmes».

Prenez garde, les Québécoises sont en danger! Après les méchants musulmans qui veulent nous faire reculer sur le plan de l’égalité homme-femme, voici maintenant les vilaines personnes trans idéologiques, qui menacent les droits des femmes! Et par là, on veut dire les vraies, celles nées avec des organes génitaux féminins, contrairement à ces hommes ayant comme passe-temps favori de se dire femme.

Le pire, c’est que je caricature à peine…

Revenons à la base. D’abord, c’est quoi une personne trans? Quelqu’un dont le sexe biologique constaté à la naissance ne correspond pas à son identité de genre. Pour une petite minorité de la population, cela ne va pas nécessairement de pair. Dit fort grossièrement, il y a des femmes qui naissent dans des corps d’hommes (et inversement).

Voulez-vous bien me dire ce que ça nous enlève collectivement? Essayons plutôt d’imaginer le drame personnel qu’elles vivent…

C’est comme si, au lieu de s’unir, de se serrer les coudes, il s’agirait pour certaines de se lancer dans un concours de misère, une compétition pour s’assurer de savoir qui a le plus souffert. Personnellement, je préfère rassembler les femmes, toutes les femmes, et leurs enjeux.

Par exemple, beaucoup trop de femmes sont violées, y compris des femmes trans. Des femmes ont besoin de services d’avortement et nous devons militer toutes et tous ensemble pour l’accès à ce service partout et en tout temps. Des femmes meurent en accouchant dans le monde, c’est terrible, il faut se mobiliser. Des femmes trans sont battues et assassinées parce qu’elles sont trans, c’est terrible, il faut se mobiliser.

Voyez-vous le portrait? C’est difficile d’être une femme en ce monde et c’est difficile d’être une femme trans en ce monde. Unissons-nous, bon sang!

Je voudrais tant qu’on arrête de se conter des peurs en alimentant les préjugés envers certains groupes minoritaires. Et je trouve très dangereux ce discours cherchant à stigmatiser les femmes trans au nom d’un prétendu féminisme.

Sincèrement, je pense que nous sommes collectivement capables de mieux. Les gens du Québec sont réputés raisonnables, chaleureux et accueillants. Puisse l’esprit des fêtes nous réchauffer le cœur.


Journaliste indépendante et conférencière, Marilyse Hamelin est l’auteure de l’essai Maternité, la face cachée du sexisme.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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