À la veille du lancement du nouvel album de Madonna, le NYT Magazine a publié un article-fleuve sur la star, d’ailleurs rendu possible grâce à la collaboration de celle-ci. Mais dès sa parution, Madonna a vertement dénoncé le texte sur son compte Instagram.
Elle lui reproche son approche superficielle. Elle a laissé la journaliste Vanessa Grigoriadis la côtoyer pendant des mois, lui ouvrant même les portes de sa demeure, et l’autre s’est attardée au tissu de ses rideaux tout en ne cessant de souligner ses 60 ans. Un traitement auquel jamais un homme n’aurait eu droit, s’indigne Madonna. Elle précise avoir «l’impression d’être violée» tant sa confiance a été trahie.
La conclusion est une véritable charge: «le vénérable NYT est l’un des pères fondateurs du patriarcat», écrit Madonna.
Un peu fort de café quand même. Au palmarès des pires exemples de machisme, bien des institutions – religieuses, militaires, sportives – déclassent sans peine le vénérable quotidien. D’autant qu’ici, c’est une femme qui signe le portrait!
Assez injuste aussi quand on se rappelle que c’est le NYT qui, en octobre 2017, lançait «l’affaire Weinstein». D’autres médias avaient déjà, dans le passé, fait allusion au harcèlement sexuel pratiqué par le producteur Harvey Weinstein, mais c’est le New York Times qui a révélé le grand nombre de victimes laissées dans son sillage pendant trois décennies. D’ailleurs, Madonna elle-même est du nombre, comme le révèle l’article qui vient de lui être consacré.
Reste que la star a le droit de clamer son mécontentement. Mais en lisant l’article, j’étais davantage agacée par la manière dont son auteure se met constamment en scène. Pousse-toi la journaliste, c’est pas toi la vedette!
Quant à l’âge… Que Madonna soit toujours sexy à 60 ans, qu’elle en joue et qu’elle cherche toujours à se réinventer plutôt que s’en tenir à ses vieux succès, bravo! Que ça suscite des commentaires dont sont exemptés les papys du rock, évidemment! À quoi d’autre faut-il s’attendre quand on bouscule les conventions, comme le fait Madonna?
Or les femmes qui assument leur sexualité à l’âge d’être grands-mères, c’est d’une radicale nouveauté! Une avant-gardiste comme Madonna devrait se réjouir de la commotion que ça crée. Et clamer que peu importe ce que l’on dit ou écrit, vieillir pour une femme n’a jamais été aussi chouette qu’en ce 21e siècle.
C’est d’ailleurs l’exclamation d’une autre artiste qui me l’a fait réaliser.
L’artiste, ici, s’appelle… Élyse Marquis! Je sais, on vient de changer de registre! Mais c’est pas mal plus amusant.
À la fin mai, Élyse Marquis était l’invitée de l’émission estivale Bonsoir, bonsoir à la télé de Radio-Canada. Lorsque l’animateur Jean-Philippe Wauthier a souligné son profil «première de classe», elle a acquiescé avec bonne humeur en disant: «Je veux atteindre la perfection, mais beaucoup moins maintenant!»
Ça veut dire quoi? Ça veut dire un chiffre que l’animatrice des Chefs a spontanément lancé: 50!
Qu’est-ce qu’on en laisse tomber, de la pression, à 50 ans! Vais-je faire ceci? Vais-je m’imposer cela?... Coudon’, j’ai 50 ans, je peux bien décider ce que je veux! a résumé l’animatrice, avec un large sourire.
Céline Dion n’aurait su mieux dire, elle qui en fait tellement à sa tête que plusieurs se pincent en la regardant aller. Sauf qu’on applaudisse ou pas, l’important est ailleurs: dans la liberté que la chanteuse, forte de tout ce qu’elle a ramassé comme bagage personnel et professionnel, peut dorénavant assumer totalement.
Mine de rien, l’exclamation d’Élyse comme la douce folie de Céline marquent un véritable renversement sociologique. Autrefois, la joie de vivre d’une femme était synonyme de jeunesse; à 30 ans on était vieilles, donc tenues d’être discrètes et rangées. Le party ne durait pas très longtemps.
Aujourd’hui, le party recommence à 50 ans! Les obligations de performance ont été remplies, les perfectionnistes, travers bien féminin, laissent tomber les exigences irréalistes, et veux-tu bien me dire pourquoi on se plierait encore aux qu’en dira-t-on et aux dictats du moment: heille, j’ai 50 ans!
Moi, à 50 ans, j’ai arrêté de penser à mon âge (dorénavant, il faut vraiment que je calcule: voyons voir, je suis née en 62, on est en xxx, donc je soustrais...). J’ai aussi mis un terme au nombre incalculable de régimes suivis en vain, demandant même à ma médecin de famille de ne plus me parler de mon poids. Elle a accepté sans problème, sachant mieux que moi que ce sont les variations qui doivent inquiéter, pas les normes sociales.
Aussi, j’assume enfin «pour de vrai» ce que je n’aime pas (m’entraîner, cuisiner…) comme ce qui me plaît (mes «programmes de madame» et les blagues crues de Lise Dion qui, pourquoi pas, est rendue là à 63 ans!). Plus envie de trouver mille excuses pour me fondre dans le moule de ce qu’il est convenu de faire ou de voir pour être considérée dans le coup.
Et cent fois par semaine j’ai envie de dire aux jeunes femmes de relâcher la pression: elles reçoivent tant de conseils censés leur simplifier la vie, leur affiner le tour de taille ou leur assurer l’épanouissement professionnel et personnel…
Alors que quelques années encore, et tout rentrera dans l’ordre. Le leur.
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Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres. Son plus récent, J’ai refait le plus beau voyage, est paru aux éditions Somme toute.
Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.
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Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir, où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime et signe des livres.