À bien y penser

L’opération «mon chat à sauver»!

J’ai à mon tour une histoire de chats – oui comme il en pullule sur les réseaux sociaux. Mais la mienne est si abracadabrante que vous n’y échapperez pas!

Photo: Unsplash / Alexander Andrews

Par un après-midi de juillet, en route pour Radio-Canada, je reçois un texto de mon tendre époux: «As-tu vu Janette?»

Janette, c’est notre chatte, animal de maison qui de temps en temps aime bien mettre le nez dehors, ce que nous n’encourageons pas. Je réponds par un «oui, ce matin» assuré. Ouf, parce que lui, ça fait un bout qu’il ne l’a pas aperçue…

Du coup, le doute m’effleure, grandit. Mais je dois entrer en ondes, alors le doute attendra.

Une heure plus tard, je réécris à l’époux que finalement, ça remonte plutôt à la veille. Lui, ne la voyant toujours pas, répond, de manière inhabituelle: «Je suis inquiet, je pense que c’est sa fugue de trop.»

Euh, explique-toi chéri, et par téléphone cette fois!

Eh bien en matinée, le chéri avait rendez-vous au centre-ville de Montréal. Près de deux heures plus tard, de retour à la voiture, il trouve un mot en anglais glissé sous les essuie-glaces: «Il y a un chat pris après votre capot!!!»

Hein!? Il fait aussitôt le tour du véhicule, se penche, tapote, appelle, mais ne voit ni n’entend rien. Le mot a été écrit à 10h et il est 11h30, la bête a dû s’éloigner.

Il continue donc son chemin, traverse le pont Jacques-Cartier, se rend à Longueuil pour un petit tour au bureau. Puis réemprunte le pont pour rentrer travailler à la maison. Il y est depuis quelques heures, n’a pas encore croisé Janette. C’est ainsi que la note manuscrite lui est revenue en tête…

Tout à coup, j’ai une vision de cauchemar: notre chatte agrippée à la voiture et maintenant perdue au centre-ville. Chéri, viens me chercher, on retourne où tu étais stationné!

Moins d’une demi-heure plus tard, on file vers la rue Sherbrooke. À bord, la discussion est vive. Lui, réaliste: «Ne te crée pas trop d’attentes, ça remonte à ce matin!» Moi, péremptoire: «Les miracles, ça existe!»

D’ailleurs j’ai un plan: on va quadriller le secteur et interroger les itinérants qui sont souvent dans le coin. Justement, on arrive.

Alléluia: en cette heure de pointe achalandée, la seule place de stationnement disponible est celle que le tendre époux occupait le matin!

À peine la voiture arrêtée, je fonce vers le commerce qui nous fait face, toutes portes ouvertes. Ils sont deux à tenir la boutique. Je leur débite mon histoire, ils me regardent, sceptiques, disent n’avoir rien vu. Puis l’un d’eux, Saïd, s’exclame: «Mais oui, j’ai entendu miauler ce midi!».

Alléluia bis! Je ressors en courant pour dire au chéri, resté près de l’auto, que Janette est en ville…

Et c’est là qu’on entend miauler. Si fortement que mon duo de la boutique sort. Or ça vient… de l’intérieur du capot de notre voiture!

Vite, faut ouvrir! Saïd se précipite sur le bouton de commande, et le capot se soulève. Je m’éloigne: que d’autres que moi soient les premiers confrontés au corps calciné ou démantibulé de Janette!

Sauf que… seul un nuage de poils s’élève! Rien d’autre. Et il y a tellement de trucs sous ce capot, cordés serrés en plus, que même en scrutant le tout, pas le moindre interstice pour que l’ombre d’un chat n’apparaisse. Les miaulements, eux, se font stridents!

On est quatre autour de la voiture, aussi sidérés que désemparés. Pas le temps de niaiser: j’appelle le 911. Mauvais réflexe me fait comprendre sèchement celui qui me répond: on ne dérange pas le 911 pour un animal à sauver!

Ok, mais j’appelle où d’abord pour un chat pris «dedans» un char? Faut googler «sauvetage et animal» et la réponse apparaîtra, me dit-on avec un brin d’impatience… Mais je suis si énervée que Google m’envoie sur des pistes vraiment pas claires.

Essaie la SPCA! me lance alors l’époux qui, lui, sonde l’auto avec Saïd et son collègue. Bon réflexe: on m’y transfère vers un service d’aide où je pourrai laisser un message – «Ils vont vous rappeler vite». Arrgghh! Pas de l’attente encore… Alléluia, on répond à la première sonnerie!

Je décris l’affaire et mon aimable interlocuteur me rétorque: avez-nous une auto de telle marque et de telle couleur? Euh oui… «Eh bien la personne qui a laissé une note sur votre voiture nous a aussi appelés.» Gulp!

Mais le charmant jeune homme entend alors Janette. Il me rassure aussitôt: elle a encore de la vigueur, elle va s’en tirer car, sachez-le madame, les chats sont incroyablement résilients.

Certes, mais encore faut-il la sortir de là!

C’est ainsi que nous découvrons une surprenante habitude de la gent féline. Le jeune homme nous dit d’aller voir sous l’aile gauche, côté conducteur, car bien des chats aiment s’y faufiler, dans un creux entre la roue et le moteur. De fait, mon tendre époux entraperçoit un œil! Sauf que Janette est bien prise. Faudrait dévisser l’aile… Mais on n’a pas d’outils et il faut compter une heure avant que la brigade des sauveteurs d’animaux en péril arrive.

Le brave Saïd part en trombe, revient tout aussi vite, armé d’une perceuse! Alléluia! Il tente de s’installer mais le trafic, si lourd à cette heure-là, le frôle. Heureusement, on est à Montréal, royaume des cônes orange qui traînent partout. Son collègue va en chercher trois. L’opération Sauvons Janette peut s’enclencher.

Moi, je suis toujours en ligne, toujours affolée. Les trois gars, eux, la jouent cool, vrai stéréotype de la division des rôles, mais je me fous d’être le catalyseur d’émotions si ça les incite à se contrôler pour régler le problème! Et j’ai une immense pensée pour ceux qui ont des humains, des enfants, à sauver… J’en mourrais d’angoisse.

Le temps passe, l’opération s’étire; je suis sur le point de donner le ok final pour qu’on nous envoie de l’aide quand j’entends un cri: «On l’a!»

Je me retourne et j’ai devant moi trois hommes aux yeux brillants qui me sourient de toutes leurs dents. Dans les bras de mon époux se love une Janette qu’il vient de doucement extirper, pitoyable, amaigrie, au pelage tout mouillé, l’air hagard, haletant comme une damnée…, mais en vie, entière et sans une blessure!

J’ai à peine le temps de la prendre qu’une dame approche, me lance: «Ce chat va vraiment mal, il est gravement déshydraté!» Et sans plus attendre, elle part chercher de l’eau au magasin du coin. Alléluia, encore une fois.

Elle revient au trot et pendant que, toujours ébranlée, je rafraîchis Janette, elle se présente: amoureuse des bêtes, heureuse de donner un coup de main. «Mais je vous reconnais…» Oui, madame je fais aussi de la télé, mais voyez comme on est loin ici du côté léché de l’écran!

Finalement, l’aile de la voiture a été replacée et Janette, tout en continuant d’haleter, s’est mise à ronronner dans mes bras. Même le 911 a rappelé, laissant cette fois un aimable message pour me préciser vers qui me tourner…

Nous sommes rentrés à la maison avec coup de fil à la vétérinaire pour savoir quoi surveiller. Et tel qu’indiqué, au bout d’une heure, Janette avait retrouvé ses repères, quoiqu’encore un peu sonnée. Et nous donc!

Refaisant le fil des événements, on estime que notre chatte a été près de 24 heures prisonnière de la voiture. Ç’aurait pu être pire, très souvent mon conjoint circule pendant des heures sur l’autoroute!

Je peux par ailleurs confirmer que les chats ont sept vies; qu’il y a des gens qui ont la serviabilité chevillée au corps et le coffre à outils qui vient avec; que les protecteurs des animaux ont l’oreille fine, l’œil affûté et la réaction rapide.

Et que les miracles existent… Mais Dieu que c’est pas reposant!

***

Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres. Son plus récent, J’ai refait le plus beau voyage, est paru aux éditions Somme toute.

 Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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