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Opinions

#MoiAussi a fait son effet!

J’ai accueilli le mouvement #MoiAussi avec un enthousiasme prudent. Avec le pied sur la pédale de frein. Il est temps maintenant de le lever!
#MoiAussi a fait son effet!

Quand #MoiAussi a débuté, il y a un peu plus d’un an, j’y avais consacré ici même deux chroniques un brin sceptiques. J’écrivais: «Début d’un temps nouveau? Peut-être. Mais il est encore trop tôt pour le dire.» («Les agressions sexuelles ne sont pas que le fait des puissants», 23 octobre 2017).

Heureusement, la prise de parole s’est poursuivie sans discontinuer. Alors quand le reflux est arrivé, que la «liberté d’importuner» a été évoquée, j’ai ressenti un grand «ah non!». J’ai donc fait partie du petit groupe qui, au Québec, a lancé la réplique Et maintenant, pour ne pas que la parole s’éteigne et pour que la société continue d’avancer sur la question («Et maintenant, on ne laisse pas tomber!», 15 janvier 2018).

Les femmes ont répondu par milliers à cet appel à ne pas baisser les bras. Une réjouissante réaction!

#MoiAussi a fait son effet! Photo: Eric Myre

Mais avancer, avancer… Quand on voit la lenteur du système de justice ou la quasi-nécessité d’être plusieurs à dénoncer pour être crédibles, j’ai fini par me demander si, concrètement, on avait fait tant de pas au fil des mois. À nouveau, je m’en étais désolée ici («Agressions sexuelles: combien de victimes pour être crues?», 30 avril 2018).

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Depuis, l’actualité a continué de me faire lever les yeux au ciel. Le comble en fut l’odieuse nomination de Brett Kavanaugh comme juge à la Cour suprême des États-Unis, alors que son accusatrice, Christine Blasey Ford, était pointée du doigt avec mépris et même menacée de mort! Ici, on parle plutôt de dossiers qui stagnent, de longues discussions pour arriver à mettre en place des mécanismes de plaintes dans les cégeps et les universités, de plaignantes qui se retirent de démarches entreprises…

Enthousiaste ou sceptique, je n’arriverais donc jamais à trancher?

Mais depuis quelques jours, je vois à nouveau le verre à moitié plein!

À lire aussi: Mais pour qui se prennent-ils?

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Début novembre, Statistique Canada a publié des données sur les dénonciations d’agressions sexuelles acceptées par les services de police canadiens. Que constate-t-on? Que la vague #MoiAussi a fait son effet! Depuis octobre 2017, les dénonciations sont à la hausse presque partout au pays.

Au Québec, l’élan est tout bonnement formidable! Plus que partout ailleurs au Canada – et de loin –, les femmes ont osé aller frapper à la porte de la police pour y exposer leur cas. Les plaintes retenues par les services de police au Québec ont ainsi fait un bond de 61% entre le 1er octobre et le 31 décembre 2017. Terre-Neuve suit, mais avec une hausse de 36%.

On ne parle pas ici de régler le passé, mais de dénoncer une agression qui venait d’arriver – le jour même pour près de la moitié des cas (47%) ou dans le mois précédent (26% des plaintes).

Ces chiffres ne signifient pas qu’il y a une augmentation réelle des agressions (de ça, on ne sait rien car les délits sexuels sont au nombre des crimes les moins rapportés à la police), ni que les dossiers acceptés ont tous débouché sur des poursuites. Mais ils sont bel et bien le reflet de deux choses: les femmes ont moins peur d’agir et les services de police sont à leur écoute, prenant au sérieux la plainte déposée plutôt que de tout bloquer au départ, comme c’est très souvent arrivé dans le passé.

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Au Québec, on dit que le fait que des vedettes d’ici ont dénoncé de présumés agresseurs extrêmement connus a eu un effet d’entraînement. Le public québécois a un rapport particulier avec «ses» artistes: de voir les Julie Snyder, Pénélope McQuade, Salomé Corbo porter plainte contre le producteur Gilbert Rozon a été pour certaines une véritable inspiration.

Mais il faut ajouter un contexte: le Québec peut compter sur un fond de féminisme tranquille qui, à défaut d’atteindre le pouvoir, s’inscrit dans le quotidien.

Ça donne des hommes qui partagent les tâches davantage qu’ailleurs; des mères de jeunes enfants qui vont travailler en profitant des programmes sociaux qui les soutiennent – longs congés de maternité, CPE; des femmes qui se regroupent pour prendre leur place en politique, en cinéma, au théâtre, dans les festivals; des épouses qui gardent leur nom, phénomène rare même dans le reste du Canada!

En bref, des femmes fortes et des hommes qui les acceptent.

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À lire aussi: Des Québécoises se prononcent sur l’après #MoiAussi

Cela fait en sorte qu’au Québec, avec #MoiAussi, nous avons sans peine reconnu collectivement que les agressions sexuelles contre les femmes sont trop nombreuses et bien trop cachées. Cette indignation collective a facilité le passage à la dénonciation individuelle. Non seulement il n’était plus «mal vu» de se plaindre, mais cela contribuait en plus au grand brassage féministe en cours. Des femmes de partout ont été touchées par cette prise de conscience: leur histoire s’insérait dans un grand tout à changer. D’ailleurs, c’est à Québec, à Sherbrooke et à Saguenay que la hausse des plaintes à la police a été la plus forte.

Il reste encore au système de justice à faire face à cette ébullition et à s’adapter. Bien du travail en perspective! Mais au vu de tant d’action et de vigilance — on l’a encore constaté cette semaine à Tout le monde en parle, quand Marie-Mai a affiché son agacement face à la légèreté avec laquelle un invité traitait de harcèlement sexuel —, je me dis qu’inévitablement, ça viendra.

Car cette fois c’est décidé : je serai optimiste!

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Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir, où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime et signe des livres.

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