Féminin universel

Accoucher dans le respect, est-ce trop demander?

Le milieu médical traite-t-il les femmes enceintes comme de simples enveloppes corporelles portant un foetus?

Nous sommes en pleine semaine mondiale de l’accouchement respecté (SMAR). L’événement est porté au Québec par le Regroupement Naissance-Renaissance, qui chapeaute 30 organismes québécois oeuvrant à humaniser les naissances depuis plus de 40 ans. Cette semaine de réflexion se tient judicieusement au lendemain de la fête des Mères.

Durant cette période, il s’agit de réfléchir à toutes sortes d’enjeux comme le travail des sages-femmes au sein du système de santé, l’accouchement à la maison et le respect du consentement en milieu hospitalier, la reconnaissance du savoir autochtone autour de l’accouchement, l’autonomie pendant la période périnatale pour les personnes en situation de handicap, les femmes incarcérées, racisées de même que le vécu des personnes trans ou non binaires, entre autres nombreux sujets chauds.

Syndrome de l’impostrice

Ce n’est pas facile pour une nullipare (une femme n’ayant jamais accouché, par choix dans mon cas) d’écrire sur ce sujet. Et pourtant, c’est important. On ne peut pas se dire féministe et ne pas s’intéresser, par exemple, à la question des violences obstétricales, dont on parle de plus en plus, mais souvent à mots couverts.

Si, de nos jours, on passe moins pour une «granola adepte du macramé» dès que l’on s’interroge sur la surmédicalisation de l’accouchement, il existe encore beaucoup de réticences à s’ouvrir à d’autres modèles, bien souvent chez les femmes elles-mêmes. On leur a tellement dit que mettre un enfant au monde était un acte dangereux, un péril mortel! C’est vrai, dans une minorité de cas, mais il y a tous les autres…

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Penser autrement?

J’ai lu récemment deux textes marquants à propos de tout ce qui entoure la grossesse et l’accouchement. J’ai envie de vous en parler. D’abord, j’ai été interloquée à quelques reprises en parcourant l’essai «Mon corps ne vous appartient pas» de l’auteure française Marianne Durano.

Je ne suis pas toujours d’accord avec son propos (scoop : j’irai en parler plus longuement au micro de l’émission « Plus on est de fous, plus on lit » le 22 mai prochain). Je trouve qu’elle embrasse large, parfois trop large, et lâche quelques énormités chemin faisant. Mais lorsqu’elle aborde la grossesse et l’accouchement, elle fait mouche.

Dans le chapitre intitulé «Je suis enceinte, pas malade», elle écrit ces mots puissants: «Pendant neuf mois, la femme enceinte devient le centre d’une attention paradoxale. J’ai souvent eu l’impression que le soin des médecins envers mon corps était à la mesure de leur mépris pour ma personne.»

Combien d’amies m’ont dit à peu près la même chose? Elles se sont senties comme un simple numéro, ont hésité à poser leurs questions devant tant de froideur et, lorsqu’elles ont insisté, ont obtenu quelques marmonnements succincts et peu éclairants.

Et puis vient la suite, quand les enfants grandissent et que, comme mères, dans les rendez-vous de suivi avec le médecin de famille, le pédiatre ou les médecins spécialisés, elles ont souvent l’impression que leur bien-être passe à la trappe et qu’il n’est question que de l’enfant, comme si leur santé mentale à elles n’avait aucun impact sur leur progéniture…

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Violences et non-consentement

Plus près de nous, j’ai trouvé bouleversant le texte de Mariane Labrecque dans le collectif «Libérer la colère» publié aux éditions du Remue-Ménage (autre scoop : j’ai signé un des 35 textes de cet ouvrage).

L’auteure, qui termine une maîtrise sur les violences obstétricales, s’y demande «comment expliquer que, camouflé sous “l’expertise”, il y a parfois de l’abus de pouvoir?» et que «caché derrière les protocoles, il y a des considérations organisationnelles qui priment parfois sur le bien-être des gens?».

Je n’ai jamais accouché, je n’ai qu’une vague idée de ce que c’est que de le faire sans que le médecin ne me regarde ou ne m’adresse la parole tout du long. J’ignore ce qu’on ressent en effectuant le travail sur le dos alors qu’on préférerait pousser accroupie, mais que c’est donc pas pratique pour le personnel hospitalier… Je frissonne d’effroi en m’imaginant me faire insérer autant de doigts dans le vagin en une seule journée par le médecin, les résidents et les infirmières, ou encore de subir contre mon gré une épisiotomie.

Je n’ai rien vécu de cela, mais je sais que ce ne sont qu’un très bref échantillon de toute la gamme des actes non consentis que subissent les femmes en accouchant, et que plusieurs voix dénoncent à présent en les appelant par leur nom: violences obstétricales.

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Marilyse Hamelin est journaliste indépendante et conférencière. On peut notamment la lire dans Le Devoir, La Gazette des femmes et le magazine spécialisé Planète F. Elle blogue également pour la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et est l’auteure de l’essai Maternité, la face cachée du sexisme, publié chez Leméac.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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