Tête à chapeaux

La roulette russe du fun familial

«Pourquoi ma vie à moi, elle n’a jamais l’air d’une brochure de voyage?» écrit notre blogueuse Manal Drissi qui nous fait (avec humour!) des confidences au sujet de son quotidien.

Tête à chapeaux

T’as pensé à tout. Ta progéniture est drapée dans son linge propre-mais-utilitaire. Tu as atteint le parfait ratio divertissement-vêtements de rechange-collations dans le sac de sortie. La météo respecte ses engagements. Ta face et ta tenue sont passablement instagrammables. T’es presque contente d’aller braver foule, files et conversations mondaines avec d’autres parents pour voir ta portée s’épanouir. Aujourd’hui, tu te dis que vous allez vous gosser de bons souvenirs de famille.

Que ce soit lors d’un pique-nique ou d’un voyage, comme parent on tire une fierté presque malsaine du fait de voir ses enfants ravis dans un contexte qu’on a provoqué. CHECK ÇA, COMMENT JE T’ÉPANOUIS ÇA, MOI, UN ENFANT!

Le problème, c’est que nous surestimons notre rôle dans leur épanouissement. Certes, on est importante et influente et bla-bla-bla. Mais l’intersection entre le moment de l’activité qu’on organise et la bonne humeur de l’enfant tient du hasard. Y’a pas d’application MétéoMédia pour l’humeur des petits. (Les parents des garçons nommés Matéo pourraient parler de MatéoMédia. You’re welcome.)

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Ils s’en foutent que t’aies avalé deux Valium pour avoir le courage de les emmener dans un centre d’amusement intérieur un samedi à Laval. Ou que t’aies mis tes REER dans un voyage à Disney pour eux. Ça ne les empêchera pas de faire leur meilleure imitation de vedette de death metal possédée par le démon toutes les 15 minutes.

Au début, tu sors tous tes outils du coffre parental: menacer de partir, compter jusqu’à trois, faire semblant de partir, t’accroupir au niveau de l’enfant et le discipliner entre les dents en souriant comme une psychopathe, puis te résoudre à acheter le silence sous la forme d’une balloune, d’une barbe à papa ou d’un toutou, même s’il te faut les financer sur 12 mois. Mais absolument rien n’y fait. Et ton enfant be like:

En tant qu’adulte équilibrée et raisonnable, tu en veux à ta progéniture d’avoir gâché la journée. «T’es content, kid? Ça m’a coûté les yeux de la tête pour que tu show off tes prouesses oppositionnelles devant le plus de gens possible. Avoir su, je t’aurais fait garder, pis je me serais payé une fin de semaine au spa.» *boude*

Et la journée où tu déclares forfait en bobettes avec ton café, bien calée dans ton empreinte de sofa, en scrollant sur ton iPhone, ignorant l’existence de tes p’tits; le moment où tu mets un escabeau devant le garde-manger, pis t’espères que l’école publique les réchappera…

Joke’s on you, parce que ce jour-là, ta progéniture est sereine et coopère et pétille et bat des paupières comme un petit agneau sans défense pour avoir ton attention. Toi qui pensais prendre ça relax, te voilà sac au dos sur le sentier de la culpabilité.

Tu pleures en regardant toutes les Instagram de parents qui réussissent à faire coïncider les bons moments avec les moments photogéniques comme si de rien n’était. Pourquoi, moi, ma maison est jamais rangée en même temps que mon kid est heureux pis que mes cheveux sont propres? Pourquoi ma vie à moi, elle a jamais l’air d’une brochure de voyage?

Et juste quand tu t’apprêtes à appeler la DPJ, drapeau blanc en main, pour plaider l’incompétence parentale, un moment parfait survient, comme une étoile filante. Un instant de bonheur tellement apaisant que tu te retiens pour ne pas brailler de joie. Naïvement, tu te laisses convaincre que tu es pour quelque chose dans la rencontre trépidante entre les trajectoires du plaisir et du temps en famille.

Mais en fait, c’est une stratégie évolutionnaire pour te faire considérer recommencer à zéro avec un nouveau rejeton parce que «REGARDE COMMENT T’ÉPANOUIS ÇA, TOI, UN ENFANT. WHY NOT UN AUTRE?». Gare à l’univers qui nous manipule la volonté reproductive!

Et devant les montagnes russes perpétuelles de la parentalité, la meilleure défense demeure de documenter assidûment les moments imparfaits (i.e. #lâcherprise) et de s’abonner à des pages réalistes. 😉

#trucdujour

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manal_drissi

Manal est chroniqueuse, journaliste, blogueuse et aime se dire «ironiste» de profession. Elle nous livrera chaque semaine des réflexions tout en humour et en humeurs sur les aléas de la vie d’une femme moderne. 

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