Un ami m’a raconté l’autre jour les derniers détails de sa nouvelle histoire d’«amour»: il a approché une fille dans un bar, qui lui a sèchement répondu qu’elle n’était pas intéressée, avant de l’inviter à dormir chez elle cinq minutes plus tard. Ça l’a complètement allumé et j’étais complètement confuse.
- T’as aimé ça, qu’elle te dise que tu l’intéressais pas? Et qu’elle agisse ensuite en opposition avec ce qu’elle venait de te dire? Tu trouves pas ça mélangé, étrange, pas gentil, malhonnête, plutôt qu’attirant comme comportement?
- Non, ça m’a vraiment fait triper de sentir que je pouvais pas la saisir. J’arrête pas de penser à elle.
Malgré moi, j’étais découragée, voire fâchée, par sa confidence, parce que je sentais qu’elle venait de me «dévalider» complètement. Moi, la personne qui dit presque tout ce qu’elle pense en amour, toujours. Et qui en demande autant à l’autre. Quitte à me faire trahir, juger, tenir pour acquise, laisser.
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Quand je rencontre un garçon qui me plaît et à qui je plais, je suis INTENSE. Pas (assez) longtemps après le début de la relation, j’ose même parfois lui balancer par la tête toutes sortes de trucs complètement terrifiants.
- Je veux des enfants. D’ici deux ans maximum. Que tu rencontres ma grand-mère, parce que c’est ma dernière grand-mère. Qu’on aille dans la famille de l’autre pour Noël. Je veux une relation durable et fusionnelle. Je veux qu’on soit là l’un pour l’autre dans les bons comme les moins bons moments. C’est à prendre ou à laisser.
Je sais, right. Autant le demander en mariage.
Un peu avant ma conversation avec ledit ami, je m’étais aussi presque chicanée au restaurant avec d’autres copines qui, elles, ont des relations amoureuses satisfaisantes et durables.
- Tu devrais être plus douce, moins pressée, moins exigeante. C’est évident que tu peux faire peur aux garçons.
- QUOI? Parce qu’il faut jouer des games pour qu’une relation commence sur de bonnes bases? Parce qu’il faut faire semblant qu’on est inaccessible et prête pour rien de sérieux? Si c’est ça, j’aime mieux être toute seule. Le gars qui va triper sur moi, il va triper sur mon intensité aussi.
J’aimais penser que j’avais raison d’être si transparente, honnête, sur mes principes et dévouée en amour. J’avais l’impression d’être précieuse, d’un autre temps – un temps où les gens n’étaient pas jetables et où on travaillait ensemble, fort, pour s’aimer. Je me félicitais de marcher dans une voie où on avait le droit d’être des versions sans compromis de nous-mêmes.
Aujourd’hui, j’ai compris que j’avais un peu tort. Quoique je continue à trouver discutable de feindre le désintérêt juste pour aller chercher quelqu’un par l’orgueil. Quoique je continue de croire beaucoup en la vérité. Je réalise pourtant que les raisons qui me poussent à être pressée, intransigeante, trop franche, sont peut-être moins nobles que je le pensais. Besoin de fusion totale, de validation. Insécurité, bobos pas guéris. Dépendance affective. Dépendante affective, je le suis, oui. Je sais donc que, toute ma vie, je vais devoir apprendre à faire la part des choses entre mon besoin d’attachement et une notion plus réaliste du couple.
Vouloir être dans la vérité la plus entière et inconditionnelle, rapidement, c’est un peu vouloir créer la fusion amoureuse à tout prix. C’est presque souhaiter entrer dans l’autre, dans sa tête, dans ses secrets. C’est beaucoup essayer de le «posséder» et d’être «possédée» par lui. C’est vouloir effacer la frontière entre soi et autrui. Et ça, c’est dangereux. Surtout, ça déçoit souvent.
Mon psy, cette semaine, m’a demandé: «Trouves-tu finalement que chaque chose est bonne à dire, sans exception?»
Et je n’en étais plus certaine.
«Non, han? Des fois, on est mieux de garder ses petits cacas pour soi.»
Je vous quitte sur ces sages paroles.
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Auteure-compositrice-interprète au sein du duo Les Sœurs Boulay, Stéphanie Boulay est également l’auteure du roman À l’abri des hommes et des choses (Québec Amérique).
Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.
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