Photo: Getty Images/Westend61/Philipp Nemenz
Plusieurs maladies et symptômes laissent des traces sur nos dents, nos gencives ou nos mâchoires. L’examen de routine ne sert donc pas qu’à embellir notre sourire, mais aussi à effectuer une détection précoce d’éventuels troubles de santé.
« La bouche est une belle fenêtre sur la santé plus générale du patient », souligne Gisèle Mainville, pathologiste buccale et professeure à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal. Voici certains des troubles de santé que les dentistes peuvent aider à identifier.
Les indices se trouvent dans les plus petits détails. En inspectant toutes les parois de notre bouche, le dentiste est à l’affût d’ulcérations suspectes ou de zones blanches, qui pourraient constituer des lésions précancéreuses. « Ça peut partir de quelque chose de banal, on ne veut pas faire peur aux gens avec ça. C’est un peu comme les dermatologues qui surveillent les taches sur la peau, au cas où il s’agirait de mélanomes », illustre Daniel Kandelman, professeur associé à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal.
Les problèmes familiaux ou les périodes difficiles au travail peuvent parfois avoir des impacts jusque dans notre bouche. « Lorsqu’un patient qu’on suit depuis longtemps se met tout à coup à montrer des signes d’usure dentaire, c’est peut-être parce qu’il serre les mâchoires ou grince des dents. Et on sait que ce comportement est associé au stress », explique la Dre Mainville. Le dentiste pourrait alors s’enquérir auprès de son patient sur les changements qui sont survenus dans sa vie, et lui conseiller des méthodes pour se détendre.
La radiographie panoramique ne sert pas qu’à repérer une dent incluse ou une carie bien cachée entre deux molaires. Elle permet également de détecter un début d’ostéoporose. « On arrive à déceler un appauvrissement du tissu osseux dans les mâchoires en effectuant une comparaison avec les résultats des années précédentes. On peut alors suggérer au patient de subir une densitométrie osseuse (un examen d’imagerie par rayons X) pour obtenir un diagnostic précis », explique le Dr Kandelman, qui a lui-même participé à l’étude ayant mené à cette découverte avec des radiologues brésiliens.
Une maladie des gencives agressive et difficile à contrôler, une haleine particulière, dite cétonique, ou des infections fongiques à répétition (qu’on appelle communément « muguet ») : ce sont là tous des indicateurs d’un potentiel diabète de type 2, énumère la Dre Mainville. Le patient sera alors est dirigé vers son médecin pour effectuer des tests qui valideront le diagnostic.
Étonnant, mais cette maladie inflammatoire chronique de l’intestin peut se manifester par des symptômes visibles dans la bouche. « Le signe caractéristique, c’est un long ulcère étroit dans le creux du vestibule, là où la gencive se replie et devient la joue », indique la Dre Mainville. Des bosses sur les parois des joues, ou une gencive rouge et gonflée sans qu’il y ait de problème de plaque, mettront aussi la puce à l’oreille du dentiste.
L’usure de nos dents ouvre elle aussi de nombreuses pistes. La perte d’émail peut être un signe de surconsommation de boissons acides ou bien de mauvaise digestion. L’érosion ou l’abrasion dentaire révèle souvent des problèmes de reflux gastrique nocturne, c’est-à-dire que l’acide de l’estomac remonte jusqu’à la bouche pendant le sommeil. À long terme, le reflux peut causer une toux chronique, des ulcères, ainsi qu’une inflammation ou un rétrécissement de l’œsophage.
Lorsque l’usure des dents se trouve principalement sur le dessus des molaires et derrière les incisives du haut, elle peut indiquer des vomissements fréquents et, peut-être, une boulimie. « Il y a vraiment un patron d’érosion dentaire typique de la personne qui régurgite fréquemment. C’est à cause de l’acidité du contenu gastrique qui frappe ces dents », précise la Dre Mainville. Dans le cas où un dentiste constate de tels dommages dans la bouche d’une jeune – la boulimie affecte surtout les femmes, le plus souvent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte –, il peut avec délicatesse aborder la question avec elle ou ses parents.
Quand les gencives saignent, c’est en général à cause d’une mauvaise hygiène, surtout si on n’intègre pas la soie dentaire à sa routine quotidienne. Mais cette sensibilité pourrait aussi être causée par une carence en fer. De la même façon qu’une langue rouge et lisse, accompagnée d’une sensation de brûlure, pourrait pointer vers une carence en vitamine B12, selon la Dre Mainville.
Il s’agit d’une affection chronique auto-immune qui touche les glandes exocrines, celles qui produisent les larmes et la salive, entre autres. Dix fois plus de femmes que d’hommes en souffrent, et elle survient en général dans la cinquantaine. Cette maladie peut être assez difficile à diagnostiquer puisque de nombreux autres facteurs peuvent être à l’origine de la sécheresse buccale, comme la prise de médicaments, les traitements de radiothérapie ou la préménopause. « Il est important de traiter le manque de salive, car il entraîne un développement beaucoup plus rapide des caries », souligne le Dr Kandelman.
Tous les dentistes du Québec ont récemment été formés afin de participer au dépistage de cette pathologie, qui cause des interruptions respiratoires durant le sommeil. « Le patient typique est un patient obèse, qui présente un gros cou, une grosse langue, avec peu d’espace avec le voile du palais. Il peut ronfler la nuit et se sentir fatigué le jour », précise la Dre Mainville.
Au cours des derniers mois, des articles ont fait état de manifestations buccales de la COVID-19, parfois sous le nom de « COVID tongue ». « Il est question d’ulcères, de rougeurs, de bulles, de petits points d’hémorragie, de langue enflée, crénelée ou géographique, de brûlure en bouche, de douleurs musculaires… Rien de très spécifique, malheureusement, et bien des conditions pourraient être causées par le stress d’avoir la COVID ou par ses traitements », signale la Dre Mainville. L’Académie américaine de pathologie et maxillo-faciale a d’ailleurs déclaré qu’aucun lien causal n’avait été établi entre la fameuse « COVID tongue » et l’infection à la COVID-19.
Ce texte est une mise à jour d’un article publié en 2020.
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