Nutrition

Sensibilité au gluten : effet de mode ou mal chronique?

Entretien avec une sommité mondiale en la matière, Dr Alessio Fasano.

Photo: © istock by Getty Images

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La maladie cœliaque touche 1 % de la population. Mais le gluten incommode bien plus de gens encore. De 5 % à 6 % des Nord-Américains y seraient sensibles. Un trouble dont les experts ont prouvé l’existence en 2011, mais qui reste entouré de scepticisme. Entretien avec une sommité mondiale en la matière, le Dr Alessio Fasano, du Center for Celiac Research du Massachusetts General Hospital.  

En quoi la sensibilité au gluten diffère-t-elle de la maladie cœliaque (ou intolérance au gluten)?

Sur le plan clinique, il est difficile de les différencier puisqu’elles provoquent les mêmes symptômes. Mais, contrairement à la maladie cœliaque,
la sensibilité au gluten n’est pas auto-immune et elle n’endommage pas l’intestin grêle (petit intestin). Chez certains, la sensibilité est très aiguë et le gluten doit être évité coûte que coûte. D’autres le supportent mieux.

Comment savoir si on est atteint?

Pour l’instant, on ne dispose d’aucun test. Mais si une personne – qui n’a pas de maladie cœliaque ou d’allergie au blé – voit ses symptômes disparaître quand elle supprime le gluten de son alimentation, on peut penser qu’elle l’est.

Faut-il cesser de consommer du gluten si on soupçonne une sensibilité?

Il faut d’abord consulter un médecin et passer un test de dépistage de la maladie cœliaque. Ensuite, ceux qui veulent changer leur alimentation devraient le faire sous la supervision d’un professionnel de la nutrition. Car même si le gluten n’est pas un nutriment essentiel, les régimes qui l’excluent peuvent être pauvres en fibres, en vitamines et en minéraux.

Comment expliquer la progression de cette affection ?

Nous consommons davantage de gluten qu’avant, notamment à cause de son utilisation dans les aliments transformés. Nos grands-parents ingéraient cette protéine en mangeant du pain ou des pâtes. Aujourd’hui, un plat de poulet congelé du supermarché en contient.

L’an dernier, une étude australienne qui a fait grand bruit attribuait les douleurs abdominales d’une quarantaine de participants croyant être sensibles au gluten aux sucres qu’ils consommaient. Comment interprétez-vous ces résultats?

À mon avis, les chercheurs ont raté la cible en sélectionnant des participants qui souffraient du syndrome du côlon irritable (maux de ventre, selles irrégulières), plutôt que de sensibilité au gluten. Les FODMAP – un acronyme qui désigne des sucres contenus dans les fruits, les légumes, les noix, le miel, etc. – sont difficilement absorbés par le corps. Ils fermentent dans le côlon et produisent des gaz, ce qui entraîne des maux de ventre. Mais ils n’expliquent pas les manifestations non gastriques de la sensibilité au gluten, comme les douleurs articulaires, les maux de tête ou l’anémie.

Il est normal qu’on mette en doute une affection découverte aussi récemment. Il y a à peine 30 ans, avant qu’on trouve un test pour la détecter, bien des chercheurs n’ajoutaient même aucune foi à l’existence de la maladie cœliaque.

Les signes à surveiller

  • Crampes d’estomac, ballonnements, diarrhée, constipation, gaz
  • Douleurs articulaires, particulièrement aux mains, genoux et aux coudes
  • Maux de tête, difficulté à se concentrer (cerveau embrumé)
  • Anémie
  • Infertilité
  • Éruptions cutanées
  • Gain ou perte de poids

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