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Psychologie

Bonheur: une question de gènes ou de choix?

Naissons-nous heureuses ou apprenons-nous à le devenir? Sommes-nous toutes égales devant le bonheur? Y a-t-il un gène du bonheur? En avez-vous hérité?
Par Françoise Genest
Bonheur: une question de gènes ou de choix?

Photo: Canva

Mélissa L. habite une banlieue de Montréal et travaille comme directrice d’un grand département de production. En 2014, un burnout l’a obligée à s’arrêter et à s’interroger sur son rapport au bonheur. « Je me suis rendu compte qu’en dépit de mon enfance saine, de mon travail intéressant et de ma vie de couple plutôt harmonieuse, je ne me suis jamais sentie vraiment heureuse. J’étais souvent triste ou inquiète. »Mélissa souffre d’un déséquilibre de la sérotonine. Elle présente le profil de ce que les chercheurs appellent « un petit transporteur de sérotonine ». De fait, chez elle, le gène responsable de la synthèse des protéines qui « transportent » la sérotonine dans le cerveau synthétise des protéines courtes n’en transportant que de petites quantités. Chez d’autres personnes, le gène synthétise des protéines plus longues, qui sont de plus « gros transporteurs » de sérotonine.

Or, la sérotonine, qui sert de neuromédiateur entre deux neurones, joue un rôle primordial dans la régulation de l’humeur. Cette hormone contribue aux fonctions cognitives, favorise les sensations de plaisir et stimule le désir. Les médicaments, comme les antidépresseurs, ont d’ailleurs pour fonction d’augmenter le taux de sérotonine. La prédisposition au bonheur serait donc génétique et en lien direct avec le taux de sérotonine, ce qui lui a valu l’épithète d’« hormone du bonheur ». Les recherches ont permis de constater que les « petits transporteurs » de sérotonine sont hypersensibles aux émotions et au stress, en plus de moins bien réagir aux événements difficiles en raison de leur « déficit » en sérotonine. Les gros transporteurs, eux, semblent plus « doués » pour le bonheur…

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À Montréal, le neurologue et professeur à l’Université McGill Alain Dagher reconnaît la composante génétique, mais soutient que les neurotransmetteurs ne sont pas les seuls en cause. « Il existe différentes parties du cerveau qui s’activent lorsqu’on ressent du plaisir. À l’aide de scans, on peut même voir de quel type de bonheur il s’agit. S’il y a sécrétion de dopamine, c’est un bonheur lié à l’accomplissement, s’il y a sécrétion d’opioïde, c’est un bonheur lié aux sensations », expliquait-il à l’émission Une pilule, une petite granule sur les ondes de Télé-Québec. De son côté, le neuropsychiatre de réputation internationale Boris Cyrulnik soutient que le bagage génétique n’est pas une fatalité et qu’il n’est pas, à lui seul, une garantie de bonheur ou de dépression. D’autres facteurs physiques, environnementaux, circonstanciels et psychologiques exercent également une influence.

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Une question de gènes ou de choix?

Bonheur: une question de gènes ou de choix? Photo: iStock Photo

À bas le stress!

La sérotonine n’est pas la seule hormone en cause. Une autre hormone, le cortisol, que le cortex sécrète sous l’effet du stress, est intimement liée au bonheur. Le cortisol a pour rôle d’« alerter » les différents systèmes du cerveau, dont l’hippocampe, chargés de réagir lorsque notre organisme est soumis à des facteurs stressants. Or, plusieurs études cliniques, dont celles de Chantal Henry, psychiatre au CHU Albert-Chenevier, en France, ont révélé les effets pervers d’un trop haut taux de cortisol.

Si ce dernier est trop abondant, il sature, entre autres, les récepteurs de l’hippocampe, qui ne peut alors plus réguler les effets du stress sur l’organisme. De plus, sous l’action répétée du cortisol, le nombre de certains autres types de récepteurs diminue, notamment ceux qui fixent la sérotonine, la fameuse hormone du bonheur! Un cercle vicieux qui fait du stress une menace directe au bonheur et à notre capacité à le ressentir.

Bonheur: une question de gènes ou de choix? Photo: iStock Photo

Le bonheur est dans le coin gauche avant

En 2002, le professeur de psychologie, de psychiatrie, et directeur du laboratoire d’imagerie cérébrale de l’Université du Wisconsin Richard Davidson a surpris la communauté scientifique en démontrant que le bonheur est une sensation de bien-être intimement liée à l’activité du cortex préfrontal gauche (chez les droitiers). Il révéla en outre que la pratique régulière de la méditation contribuait à développer cette partie du cerveau, et du coup, à élever le niveau de bonheur ressenti. Davidson avait déjà démontré, dans des études antérieures, que les gens ayant un cortex préfrontal gauche plus développé s’estimaient plus heureux que les autres.

Il a obtenu ces résultats en scannant, en temps réel, le cerveau de centaines de moines bouddhistes pendant leurs séances de méditation. Il a d’ailleurs mené une partie de ses recherches avec le moine bouddhiste français Matthieu Ricard, auteur du fameux Plaidoyer pour le bonheur (Édition de poche, 2004). Résultat? Les moines suivis lors de l’étude avaient un cortex préfrontal gauche beaucoup plus développé que les sujets qui ne méditaient pas. Davidson conclut que la pratique méditative assidue peut changer le fonctionnement du cerveau. Et d’autres études qu’il a menées auprès de moines bouddhistes l’ont convaincu que la méditation ou d’autres formes d'entraînement mental pourraient même renforcer certaines émotions positives, comme la compassion.

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Bonheur: une question de gènes ou de choix? Photo: iStock Photo

Un workout du bonheur

Le professeur Davidson a également démontré qu’un programme d’entraînement intensif de huit semaines à la méditation dite de « pleine conscience » (mindfulness, en anglais) amplifiait l’activation électrique du lobe frontal gauche du cerveau, phénomène traduisant un état affectif positif. Le site lecerveau.mcgill.ca, de l’Université McGill, rapporte les résultats obtenus par le chercheur : « De plus, la maîtrise de soi et la sensation de bien-être qui résultent de la méditation stimulent également les circuits de gratification, à base de dopamine, provoquant cette sensation de bien-être. Et en prime, la production de cortisol due au stress cesse, la sérotonine se régularise. » Retour à la case bonheur! La théorie de Davidson a été reconnue et reprise par des chercheurs du monde entier.

Bonheur: une question de gènes ou de choix? Photo: iStock Photo

Le bonheur, ça s’apprend et ça se cultive

Avec ou sans prédisposition génétique, on peut donc entraîner notre cerveau au bonheur! Mais ça ne s’arrête pas là! Notre bagage génétique n’est pas notre seul capital de bonheur. Le milieu familial, le climat émotif, les conditions socioéconomiques dans lesquels nous avons grandi conditionnent notre potentiel d’être heureux et notre attitude devant la vie. Et même ces conditionnements de l’enfance peuvent être renversés. Plusieurs chercheurs, dont Boris Cyrulnik, qui a lui-même « survécu » à son enfance, soutiennent cependant être aptes au bonheur malgré une enfance difficile. Selon lui, les rencontres et les expériences de l’adolescence et de la vie adulte peuvent « remodeler » notre cerveau et influencer nos perceptions. Une théorie que partage Richard Davidson, dont les études lui ont permis de prouver la « plasticité » du cerveau, même à l’âge adulte.

Bonheur: une question de gènes ou de choix? Photo: iStock Photo

La psychologie positive

Martine S. avait 37 ans lorsqu’elle a perdu sa meilleure amie dans un accident de la route, durant lequel elle a elle-même frôlé la mort. Après l’hôpital et des mois de réhabilitation, elle a résolument choisi le bonheur. « J’ai décidé de faire le compte de ce que j’avais au lieu de compter ce que je n’avais pas ou ce que j’avais perdu. J’avais passé une grande partie de ma vie à vivre comme si la vie n’était pas extraordinaire. Quand j’ai eu peur de la perdre, j’ai choisi d’aimer la vie, d’avoir du plaisir et de vivre intensément. Je me sens beaucoup plus heureuse. »

Sans le savoir, Martine applique les principes de la psychologie positive, élaborée par Martin Seligman de l’Université de Pennsylvanie. Selon lui, il faut cultiver les émotions positives, opter pour l’optimisme, s’obliger à voir les choses de façon constructive. « Savourer les petites joies, mais aussi prendre le temps de vivre les émotions positives, car le bonheur, ça se cultive », souligne Léandre Bouffard, professeur retraité de psychologie à l’Université du Québec et spécialiste de l’étude du bonheur.

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Selon Seligman, le bonheur authentique repose sur notre aptitude à développer nos forces et à les utiliser dans notre quotidien et nos relations avec les autres.

Bonheur: une question de gènes ou de choix? Photo: iStock Photo

Pas de recette, mais quelques stratégies

Attention, toutefois, si on peut développer notre potentiel de bonheur en modifiant certains comportements, il faut se méfier des recettes de bonheur souvent proposées dans la pop psy. La recette miracle du bonheur n’existe pas… Si elle existait, il y a longtemps que nous serions toutes heureuses. Cependant, il est possible de mettre en pratique certaines stratégies proposées par de véritables experts pour améliorer notre aptitude au bonheur.

La directrice du laboratoire de psychologie positive de l’Université de Californie Sonja Lyubomirsky a publié Comment être heureux et le rester (Marabout, 2011), un ouvrage que recommande Léandre Bouffard. « Ce sont des énoncés basés sur des données et des observations cliniques. Cela ne constitue pas une formule infaillible, mais certainement un bon outil, et la douzaine de stratégies qu’elle propose sont le résultat de recherches scientifiques », conclut-il.

À consulter

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Une conférence de Richard Davidson sur l’entraînement du cerveau (en anglais) Un article de Psychologies.com sur les bienfaits de l’entraînement mental Une conférence de Martin Seligman sur la psychologie positive (en anglais)

À LIRE: Le bonheur, vous connaissez?

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