Psychologie

Quand maternité rime avec calamité

L’une n’a pas aimé être enceinte, l’autre a détesté allaiter…

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« Si j’avais su ce que c’était d’avoir un enfant, je pense que je n’en aurais pas eu… » Valérie, 38 ans, laisse tomber cette phrase en plein milieu d’un souper entre copines. La déclaration surprend. Silence. Malaise. Puis, les questions fusent. Deux verres de vin plus tard, les confidences déboulent : l’une n’a pas aimé être enceinte, l’autre a détesté allaiter, l’autre encore refuse d’avoir un deuxième enfant à cause du manque de sommeil constant…

Cette version de la maternité, nous l’entendons peu. « Il y a des femmes qui n’ont pas d’affinités avec le rôle de mère, dit Dominique Girard, auteure d’Être maman : bien vivre la maternité au quotidien. Souvent, on nous présente un seul modèle de maternité, celui où la future maman est en symbiose avec son bébé à naître pendant neuf mois, elle accouche naturellement, elle allaite, tout se passe bien, etc. » Bref, devenir mère, c’est l’apothéose.

« Il n’y a pas d’autre discours, alors les femmes croient que si elles ne vivent pas ça ainsi, elles sont de mauvaises mères », dit Marie-Ève Goyer, mère de deux fillettes et médecin.

La psychologue Susan Bermingham confirme : la pression est énorme. « Aujourd’hui, la maternité est idéalisée », dit-elle. Elle cite en exemple les vedettes qui montrent, tout sourire, leur bébé dans les pages glacées des magazines, coiffées, maquillées et minces comme des fils 10 jours après l’accouchement… « Tout le contraire de ce qui attend la maman-tout-le-monde! », s’exclame-t-elle. Michelle Boulanger, intervenante en périnatalité aux Relevailles de Montréal, rencontre régulièrement des mères découragées, tristes, impuissantes… qui se sentent coupables, de surcroît. « Elles n’osent pas en parler, dit-elle. Il y a des femmes qui n’aiment pas la période ‘bébé’ : elles n’aiment pas catiner, elles trouvent ça plate, redondant. Elles ne se sentent pas valorisées. »

Geneviève, 37 ans, est passée par là. Après une grossesse difficile, où elle avait « l’impression d’avoir un corps étranger » en elle, Geneviève n’a pas eu le coup de foudre à l’arrivée de son garçon. « Enceinte, je me sentais mal de ne pas me sentir belle, sereine et épanouie, raconte-t-elle. Lorsque j’ai eu mon bébé, je me sentais coupable de ne pas être dans un état euphorique et extatique… » L’allaitement fut un calvaire. « Les infirmières se sont acharnées. Si ça ne marche pas, c’est évidemment parce que tu ne fais pas ça comme il faut… », confie-t-elle, une pointe d’amertume dans la voix.

Les circonstances dans lesquelles la femme vit sa grossesse (risque de malformation du bébé, diabète, nausées, saignements, etc.), son accouchement, ses antécédents médicaux de même que son tempérament et celui du bébé influencent son état psychologique. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, de 50 à 80 % des mères traversent une période de baby blues dans les 10 jours suivant l’accouchement. La dépression post-partum touche de 3 à 20 % des nouvelles mamans durant les six premiers mois de vie du bébé.

Que faire si l’attachement tarde, si on se sent malheureuse et démunie? La psychologue Susan Bermingham est formelle : il faut s’écouter. « Respectez et écoutez votre intuition, dit-elle. Si une petite voix vous dit que vous n’allez pas bien ou que quelque chose cloche avec votre bébé, parlez-en. Allez consulter. » Son autre avertissement aux nouvelles mères : dormez! Dominique Girard, elle, suggère de chasser la sacro-sainte culpabilité et de conserver des activités à son agenda, dans la mesure du possible.

Quant à Geneviève, elle est aujourd’hui la mère (très heureuse) d’Hugo, quatre ans. Mais la famille est terminée. « Je n’ai pas envie de revivre ça », avoue-t-elle. Son conseil aux mamans en pleine tourmente : « Il faut passer par-dessus sa honte et oser se confier, que ce soit à des amis ou sur un forum… C’est là qu’on se rend compte qu’on n’est pas seule. »

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