Perdre 10 kilos en 10 jours ou régler ses dettes en moins de deux ? On est souvent accro à ces recettes miracles… Alors qu’on le sait bien, elles ne fonctionnent pas. « Vouloir résoudre les problèmes à toute vitesse, c’est comme poser un plâtre sur un os cassé quand une opération s’impose », dit le Canadien Carl Honoré. On obtient seulement un sursis.
Après le mégasuccès d’Éloge de la lenteur, il nous revient avec Lenteur, mode d’emploi, qui vient de paraître en français. Il y explique que l’heure des solutions lentes – longuement mûries et pensées pour le long terme – a sonné.
Vous amorcez le livre en racontant avoir cherché à vite guérir de vos maux de dos, sans succès. Ainsi, le spécialiste de la lenteur que vous êtes n’est pas insensible aux charmes de la vitesse ?
Personne n’est à l’abri ! Le virus de la hâte nous a tous contaminés. Et ce n’est pas étonnant. D’un côté, notre corps nous pousse vers la vitesse. Nous avons hérité du cerveau de nos ancêtres de la savane africaine. À cette époque, avoir une réflexion stratégique à long terme n’était pas nécessaire. Notre système biologique et chimique est programmé en conséquence. De l’autre côté, nous avons créé une culture qui renforce cette tendance en entourant la lenteur d’un énorme tabou, qu’on associe à la bêtise ou à la faiblesse.
Pour régler toutes sortes de problèmes, autant personnels que sociaux, vous préconisez une « solution lente ». Ce qui veut dire ?
C’est d’abord et avant tout une démarche de réflexion. Comme chaque situation est unique, je ne propose pas de recette rigide. La solution lente comporte une douzaine d’ingrédients, comme la collaboration et la pensée globale. Mais le point de départ, c’est d’admettre qu’il y a un problème et qu’on a commis une erreur, ce qui est profondément contreculturel. On est encouragé à dire qu’on est le meilleur, à présenter une vie parfaite sur Facebook. Nous avons pratiquement éliminé le mot problème de notre vocabulaire pour le remplacer par des mots positifs comme enjeu ou défi. Mais c’est en admettant une erreur qu’on peut commencer à élaborer une solution.
Quel est le danger des solutions rapides ?
Superficielles et bon marché, elles ne fonctionnent pas. Pour résoudre des problèmes complexes – dans le couple, au travail, en politique –, il faut investir de l’énergie, des ressources et du temps. Sinon, on s’attaque seulement aux symptômes, pas à la cause. À long terme, ça engendre des problèmes encore plus graves. D’un point de vue collectif, l’excès de vitesse est à la source de maux sérieux auxquels nous faisons face. La crise des marchés financiers en 2008 découle d’un système basé sur la dette rapide, la consommation rapide et les profits rapides. Et elle nous a menés au bord d’un gouffre économique apocalyptique. Même chose avec l’environnement. Mais attention, la philosophie slow ne consiste pas à tout faire à pas de tortue. Dans certaines situations, une solution rapide s’impose. L’objectif est de trouver la vitesse qui produit les meilleurs résultats.
Comment déterminer la bonne vitesse, alors ?
D’un point de vue individuel, quand on cesse de compter les minutes et qu’on commence à simplement les vivre, c’est bon signe. Si on fait moins de choses, mais qu’on les fait bien, c’est aussi un indice.
Mais est-ce qu’on veut vraiment ralentir ?
Certainement. Partout sur la planète, les gens pressés rêvent d’aller moins vite. Le défi, c’est de passer du désir à l’application. Sans surprise, je pense que le changement se fera doucement. Mais je suis plus optimiste aujourd’hui que quand j’ai commencé à me pencher sur le sujet il y a 10 ans.
On a pourtant l’impression que le rythme de vie s’est accéléré…
Le courant majoritaire est celui de l’accélération, notamment à cause des outils technologiques. Mais le mouvement slow existe et il ne cesse de prendre de l’ampleur. Quand j’ai commencé à réfléchir à la lenteur (dans les années 2000), l’existence d’un courant en sa faveur n’allait pas de soi. Aujourd’hui, la réponse est sans équivoque. À preuve, le mot slow est devenu un synonyme universel pour une démarche de qualité, plus humaniste : slow food, slow sex, slow cities, etc.
Et l’intérêt ne se limite pas aux professeurs de yoga ! Des gens de tous les cercles de la société commencent à changer. Même en entreprise – un univers qui glorifie pourtant la vitesse –, on cherche à ralentir. Chez Amazon, les cadres commencent leurs réunions par une trentaine de minutes de silence. C’est long ! Ils utilisent cette période pour réfléchir. Ensuite, la réunion est beaucoup plus efficace. C’est le délicieux paradoxe de la lenteur : quand on ralentit, les résultats sont meilleurs et, souvent, ils viennent plus rapidement.
Peut-on ralentir quand on est toujours branché ?
Absolument ! Moi-même, j’adore la techno et je passe beaucoup de temps en ligne. Ce n’est pas non plus nécessaire de se retirer au fond de la campagne. On peut vivre lentement n’importe où. Tout est dans l’approche. Abordez-vous chaque tâche en voulant l’accomplir le plus vite possible ou le mieux possible ? Nous avons tous un lièvre et une tortue intérieurs. Il faut savoir osciller entre les deux.
Ce journaliste canadien – il a grandi à Edmonton –, maintenant installé à Londres, a longtemps été pressé. Un jour, il est même passé près d’acheter une collection d’histoires d’une minute pour accélérer le rituel du soir avec ses enfants. « Ça a sonné une alarme. Je me suis dit qu’il devait y avoir une meilleure façon de vivre », raconte-t-il. Sa réflexion a donné lieu en 2004 à Éloge de la lenteur (Marabout) – un énorme succès traduit dans une trentaine de langues –, puis à Manifeste pour une enfance heureuse (Marabout, 2008 ; paru depuis en format de poche sous le titre Laissez les enfants tranquilles !) sur la lenteur appliquée à la parentalité. Il continue de lutter contre la tentation d’aller trop vite. « Mais c’est beaucoup plus facile qu’avant, confie-t-il. Malgré mon emploi du temps chargé, je me sens rarement pressé. » Qui peut en dire autant ?
Décélérer en 7 points
1 Respirer
La respiration lente et profonde réoxygène le corps, ce qui ralentit la fréquence cardiaque et stabilise la pression sanguine. Elle permet aussi de s’arrêter un moment… et de réfléchir. Quand la panique monte, on prend quelques grandes respirations.
2 Évaluer sa vitesse
Marquer à l’occasion un temps d’arrêt et se demander si on effectue trop vite la tâche qu’on est en train de faire.
3 Alléger son emploi du temps
On regarde son horaire de la semaine suivante en repérant l’activité la moins importante et on la laisse tomber.
4 Prévoir du temps libre
On garde deux heures par semaine sans rien au programme. On se garantit ainsi du temps pour aller à son propre rythme.
5 Planifier des battements plus longs
On a tendance à surcharger son agenda. Résultat : on court d’une activité à l’autre. Si on alloue normalement 10 minutes entre deux activités, on devrait en prendre 15.
6 Débrancher !
On ferme tous ses appareils électroniques 30 minutes par jour – la première demi-heure de la journée ou celle en rentrant du travail, par exemple.
7 Adopter un rituel lent
On trouve une activité qui agit comme un frein : lecture, yoga, tricot, couture, dessin, peinture…
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