Ma parole!

Ces petites choses que ça ne me tente jamais de faire

Que ce soit changer une ampoule ou enlever les décorations d’Halloween, écrit Geneviève Pettersen, il y a des choses que je n’ai jamais envie de faire.

Ma_parole

Je suis certaine que vous en avez, vous aussi, des trucs que vous reportez à demain parce que, à la seule idée de vous y mettre, vous êtes assaillie par une violente nausée. Je n’ai jamais aimé être «obligée de». Je crois que je suis rebelle. C’est pas ma faute. Dès qu’on me dit que je dois me rendre quelque part à telle date ou que je dois absolument effectuer une tâche, mon cerveau se met à «on», à la recherche de stratégies d’évitement sophistiquées.

Reading a book on the sofa, home interior; warm colors.

Photo: iStock

À LIRE: L’apparence comme une prison

Il y a deux semaines, j’ai commandé des vêtements en ligne. Trois jeans en trois tailles différentes. Les deux pantalons qui ne faisaient pas, l’un trop petit et l’autre trop grand, traînent depuis ce temps dans un coin de la salle à manger, emballés dans l’enveloppe de retour. Je pourrais marcher les 30 mètres qui me séparent du bureau de poste pour aller garrocher l’enveloppe dans la boîte aux lettres, mais je n’y vais pas. Je ne sais pas pourquoi j’agis comme ça. Je n’y vais pas même si je sais que ma carte de crédit sera créditée moins vite et que le délai de 30 jours alloué pour retourner la marchandise menace d’arriver à échéance.

C’est la même chose avec les décorations d’Halloween ou de Noël. Elles restent accrochées beaucoup trop longtemps. Je les enlève juste quand la pensée de mes voisins me jugeant ardemment devient insupportable. Et il y a les ampoules brûlées, aussi. J’ai compté, et ça fait deux mois et demi que le luminaire au-dessus de la table de la cuisine éclaire mal. Il y a trois ampoules brûlées. On reste dans le noir. Ça ne nous dérange pas tant que ça. C’est ma mère qui les a changées les ampoules mortes dans la cuisine la dernière fois qu’elle nous a visités. Elle ne voyait pas le macaroni qu’elle essayait de préparer pour mes enfants et ça l’énervait. Je souligne au passage la patience légendaire de ma femme de ménage, qui a résisté jusqu’à présent à l’envie de me dire qu’on ne voit rien dans le petit corridor où est rangée la balayeuse pis que ça serait le fun de poser une nouvelle ampoule pour qu’elle puisse mieux éliminer la poussière.

À LIRE: Une dictature du bonheur?

Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. Je dis que c’est parce que je suis rebelle, mais je ne pense pas que ceci explique cela. On dirait juste que ces choses n’ont pas la même importance pour moi que pour le reste du monde. Je fais ces affaires-là juste quand, poussée à bout, je me dis que ça n’a aucun sens de laisser ça en plan. Je me dis que les gens normaux sont toujours à jour dans tout ce qu’ils ont à faire, qu’ils enlèvent leurs décorations le lendemain de la veille et qu’ils ont toujours des ampoules de rechange dans un petit tiroir quelque part. Je me dis que ça n’a aucun sens de laisser une vieille plante morte accrochée au plafond de la cuisine depuis deux ans, que je devrais faire le ménage du sous-sol parce que je risquerais fort probablement d’y retrouver les manuscrits de la Mer Morte. Je me dis tout ça, puis je retourne à ce que j’ai à faire de plus important, comme de vous écrire et lire de la poésie.

Pour écrire à Geneviève Pettersen: genevieve.pettersen@rci.rogers.com
Pour réagir sur Twitter: @genpettersen
Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)

POUR TOUT SAVOIR EN PRIMEUR

Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
  • En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d'utilisation et politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.