Société

« Je te souhaite une année juste correc’ »

« À l’ère du dépassement continuel de soi, la vraie révolution n’est pas d’essayer de changer, c’est de stagner », écrit notre chroniqueuse Manal Drissi. Et si on arrêtait de prendre des résolutions impossibles?

Tu veux perdre du poids. Arrêter de fumer. Lire plus de livres et moins de commentaires sur les réseaux sociaux. Mieux profiter de la vie. Payer tes dettes. Devenir meilleure, d’une façon ou d’une autre. Et c’est tout en ton honneur… bien que statistiquement, ce soit de la mouise.

92% d’entre nous mettons nos résolutions au chemin avec le sapin de Noël, pour diverses raisons : on en prend trop ou de trop grandes ou trop abstraites; on se décourage; on manque d’organisation (c’est d’ailleurs toujours dans le top de nos résolutions, être mieux organisé).nouvelle.annee.manal.drissi.article

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On se mesure sans cesse à notre idéal individuel, à une version photoshoppée de notre existence. On se gave de témoignages inspirants et on se laisse séduire par l’idée d’une nouvelle année sous le signe du recommencement.

Qu’on me comprenne : je n’ai rien contre les résolutions at large. C’est plutôt contre la culture du self-improvement continuel que j’en ai. Et la société de consommation qui s’en emplit les poches.

On court s’inscrire au gym ou on écrase la cigarette en janvier, tous nos pores suintant la volonté artificielle. Puis quasi systématiquement, la vie reprend son cours dans le sillon des habitudes et les résolutions s’évanouissent, nous laissant avec le goût amer de l’échec. Jusqu’au 1er janvier suivant, quand se pointe à l’horizon le mirage de la grande volonté.

Il y a deux ans, alors que je tournais la page sur une année qui m’avait déjà liposucé toute ma volonté, ma résolution a été d’arrêter d’essayer de faire mieux.

À l’ère du dépassement continuel de soi, la vraie révolution n’est pas d’essayer de changer, c’est de stagner. Délibérément. De dire « je fais déjà mon possible et c’est suffisant pour le moment ».

En attendant qu’on me livre un truck load de volonté qui me donnerait envie de remuer ciel et terre, je me suis dit que je me contenterais d’être correct’. Je miserais sur mes forces et accepterais ma médiocrité à certains égards.

Paradoxalement, abandonner le changement a été pour moi un moteur de changement. À force d’échecs, prendre de nouvelles résolutions ne minait que davantage ma volonté. Denis Diderot disait : « On dit que le désir naît de la volonté, c’est le contraire, c’est du désir que naît la volonté. »

À chaque début d’année, on sème notre volonté artificielle dans l’espoir de voir germer le succès, en vain. Et si on faisait les choses à l’envers? Et si on se donnait le droit d’être juste correc’, pour un temps, en attendant qu’un désir réel, viscéral ne nous propulse vers l’avant?

C’est peut-être ça, le plus grand et le plus nécessaire des changements : s’accepter telle qu’on est, maintenant.

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