Lundi, les Polonaises sont descendues dans la rue par milliers pour protester contre une loi qui aurait pu interdire complètement l’avortement dans leur pays. Vêtues de noir, elles ont bravé la pluie et sorti leurs pancartes pour dénoncer ce projet de loi anti-avortement, une initiative citoyenne appuyée par certains membres du parti conservateur, menaçant les droits et la vie de plusieurs femmes.
Mercredi, toutes et tous ont poussé un soupir de soulagement quand l’infâme projet de loi a été rejeté en commission parlementaire. Les manifestations du « Lundi noir » ont visiblement influencé le vote des conservateurs au pouvoir. Le ministre polonais des Sciences et de l’Éducation a même dit au micro d’une radio : « Cette mobilisation nous a fait réfléchir et nous a appris l’humilité. »
Je ne sais pas pour vous, mais cette déclaration me donne envie de faire ça :
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Toutefois, c’est une petite victoire dans un pays où la loi actuelle concernant les interruptions volontaires de grossesse est l’une des plus strictes en Europe. L’avortement est illégal sauf dans les cas de viol, d’inceste, quand le fœtus n’a pas de chance de survie ou que la vie de la mère est en péril. Déprimant, mais pas étonnant lorsqu’on sait que la Pologne se caractérise par « un catholicisme profondément enraciné et d’une atmosphère politique très conservatrice. »
Cette histoire me fait penser à cette chère Simone de Beauvoir qui a un jour écrit : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits de femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilante votre vie durant. »
C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les droits par rapport à la procréation et l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Pour reprendre un slogan militant célèbre : « I can’t believe I still have to protest this s***. » En Pologne, il aura suffi d’un groupe pro-vie motivé et de 450 000 signatures apposées sous un texte. On pourrait penser que ça ne se passe qu’ailleurs dans le monde, dans des pays lointains aux mœurs différentes des nôtres, mais le Canada ne fait pas exception.
Dans Le manuel de résistance féministe (Marie-Ève Surprenant, éditions du Remue-ménage, 2015), on apprend qu’« Entre 1987 et 2010, 45 projets de loi et motions ont été déposés pour rouvrir la porte vers la recriminalisation de l’avortement. Deux autres projets de loi privés ont été déposés depuis (…). C’est donc 47 tentatives jusqu’à maintenant. » C’est chez nous ça!
Rappelons-nous de la ministre de la Condition féminine sous le gouvernement Harper, l’inoubliable Rona Ambrose (URL), qui avait voté en faveur de la motion M-312 en 2012. Celle-ci proposait de créer un comité pour réévaluer à quel moment le fœtus est considéré comme un être humain selon la loi, ouvrant toute grande la porte à un débat sur l’avortement. Au Canada, l’avortement a été décriminalisé en 1988 avec l’arrêt Morgentaler, soit il n’y a même pas encore 30 ans.
C’est pourquoi je ne peux qu’être solidaire avec les Polonaises. Je les félicite pour cette mobilisation fantastique qui a su faire plier le gouvernement. Un exemple inspirant qui fait mentir tous ceux qui croient que marcher dans la rue, ça ne change rien.
La grève générale des Polonaises vous a-t-elle inspirée? De quelle façon?
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