Société

Pourquoi la Conférence de Paris sur le climat est-elle importante?

Les grandes puissances réunies ces jours-ci à Paris doivent à tout prix parvenir à une entente sur le climat. L’écosociologue Laure Waridel nous explique pourquoi.

La Conférence de Paris sur le climat doit aboutir à un nouvel accord universel sur le climat entre les 147 chefs d’État et de gouvernement qui y sont attendus. Le but à atteindre : maintenir le réchauffement de la planète en deçà de 2 °C. En quoi cette concertation est-elle cruciale ?

L’humanité est à la croisée des chemins. Comme dit le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon : « Il n’y a pas de plan B parce qu’il n’y a pas de planète B. » Si la température moyenne de la Terre s’élève de plus de deux degrés par rapport à 1990, on risque d’atteindre un point de bascule. À partir de ce seuil, la température moyenne des océans va augmenter et provoquer leur acidification, ce qui limitera leur capacité d’absorption des gaz à effet de serre. Les glaciers et le pergélisol en Arctique et en Antarctique vont fondre, entraînant d’importantes émissions de méthane, un gaz 34 fois plus dommageable pour le climat que le dioxyde de carbone. Non seulement les émissions de gaz à effet de serre s’accentueront, mais les écosystèmes ne parviendront plus à les éliminer.

Photo: Paul Goldstein/Exodus/Rex

Photo: Paul Goldstein/Exodus/Rex

Certains pays polluent beaucoup plus que d’autres, et depuis bien plus longtemps. Or, tous doivent fournir le même effort aujourd’hui pour limiter leurs émissions…

Les pays en développement ne comprennent pas pourquoi ils devraient se forcer alors que des pays riches comme le Canada et les États-Unis ont développé leur économie en surconsommant. Comble du paradoxe, les pays pauvres en subissent les conséquences – sécheresses, inondations, pénuries alimentaires. En 2012, on comptait six millions de réfugiés climatiques. Mais les pays du Sud n’ont pas le choix d’embarquer puisque tout dépend de la volonté collective. C’est un peu comme un train qui foncerait tout droit vers un précipice. Pour l’immobiliser, il faut actionner les freins tous en même temps.

Pour préparer l’accord qui permettrait à ce « train fou » de s’arrêter, chaque État a dû établir ses objectifs à l’avance. Quels sont ceux du Canada ?  

Le Canada a annoncé que, d’ici 2030, il réduirait de 30 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005. Et l’Union européenne cherche à atteindre une diminution de 40 % par rapport à 1990. Les scientifiques canadiens du collectif Dialogues pour un Canada vert (DCV) s’entendent pour dire que le pays a très mal agi en la matière. Car plus on remet à plus tard, plus le ralentissement économique mondial se fera sentir, selon le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

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Après 10 ans de règne conservateur, à quoi peut-on s’attendre de la nouvelle ministre libérale de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, lors de la Conférence et par la suite ?

Après l’obscurantisme scientifique dont ont fait preuve les conservateurs, la lumière se lève enfin ! J’avoue être remplie d’espoir à l’égard du nouveau gouvernement. Non seulement la nouvelle ministre de l’Environnement et du Changement climatique est une brillante juriste qui a fait ses preuves, mais elle est entourée d’autres ministres qui ont a cœur la lutte contre les changements climatiques – je pense à Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères, qui a contribué à « sauver le protocole de Kyoto » lors de la rencontre de Montréal en 2005 ; à Kirsty Duncan, ministre des Sciences, qui a été membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Pour la COP21 (Conférence de Paris sur le climat), la ministre McKenna est un peu forcée de faire avec le plan déposé par les conservateurs, mais elle a la volonté et les capacités d’aller plus loin. On le verra à Paris et par la suite. Il est évident que le Canada est un pays pétrolier, avec des lobbys qui font pression et le poids des énergies fossiles qui pèse sur l’économie. Mais il y a moyen de préparer un plan de transition qui favorisera d’autres secteurs en faisant preuve d’ingéniosité.

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Vous dirigez depuis peu le Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable (CIRODD). Quel est votre rôle ?

Ma mission est de veiller à créer des synergies entre nos 80 chercheurs multidisciplinaires issus de 11 universités et de 4 cégeps du Québec, et des acteurs sur le terrain (entreprises, organisations sans but lucratif, municipalités et autres organismes publics). L’objectif : faciliter l’émergence d’une économie verte en transformant les pratiques d’un bout à l’autre de la chaîne économique. Le CIRODD est le premier regroupement stratégique du genre au Québec.

Laure Waridel

Laure Waridel

 

De toutes les provinces, c’est le Québec qui est allé le plus loin dans la réalisation de ses engagements de Kyoto. Que peut-il faire encore pour s’améliorer ?

S’il est une région dans le monde qui peut montrer l’exemple, c’est bien le Québec. On dispose d’un fort potentiel hydroélectrique, éolien et solaire. Mais on gaspille encore beaucoup. Il faudrait d’abord remplacer la voiture individuelle, stationnée 95 % du temps, par un système de transport en commun adéquat. En ce moment, se rendre de Montréal à Trois-Rivières en autocar prend autant de temps qu’aller de Paris à Amsterdam. On pourrait aussi revoir le Code du bâtiment pour s’assurer que les nouvelles constructions répondent à des normes d’efficacité énergétique – géothermie, énergie solaire. Et miser sur l’économie circulaire favorisant le recyclage des déchets.

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Personne ne souhaite la perte de la biodiversité, la famine et la pauvreté. Mais personne n’est prêt non plus à abaisser son niveau de vie pour lutter contre les changements climatiques. Que répondez-vous à celles et ceux qui ont des craintes ?

La réduction des émissions de gaz à effet de serre va au contraire améliorer notre qualité de vie ! Ça demande toutefois de considérer d’autres indicateurs que la seule croissance économique – comme ceux liés à la santé et au bien-être. On remarque une prise de conscience et une volonté de faire les choses autrement – plans de verdissement, pistes cyclables, prolongement de lignes de métro et ajout de trains, loi pour le développement durable dans la fonction publique, mobilisation citoyenne contre l’exploitation des gaz de schiste… Le Québec a tout ce qu’il faut pour entamer de plain-pied cette transition vers une économie verte, moins dépendante du carbone et meilleure pour tout le monde.

Quels gestes poser au quotidien pour faire sa part ?

La multiplication des petits gestes peut transformer la société. On commence par faire des choix cohérents pour léguer le monde qu’on souhaite à nos enfants :

– Utiliser le transport en commun plutôt que la voiture solo, ou encore habiter plus près de son lieu de travail ;

– La maison est-elle surchauffée ? Y a-t-il des fuites d’aération ? L’organisme Écohabitation offre des services d’accompagnement pour trouver des solutions afin de réduire les factures d’énergie et planifier les travaux de réno.

– Réduire sa consommation de viande, dont la production est énergivore.

– Appliquer les 3RV – réduction à la source, réemploi, recyclage, valorisation –, puis opter pour la consommation écoresponsable dans ses choix d’appareils électroménagers, de peinture, etc.

– Voter selon ses convictions écologiques. Les décisions se jouent beaucoup à l’échelon municipal – verdissement, services de proximité, transport…

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La 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21/CMP11) se déroule à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015.

 

 

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