Porter des bouchons d’oreilles tous les soirs pour dormir, est-ce sécuritaire ? 

Lorsque j'ai entamé ma première année d'université, je partageais ma chambre avec une autre étudiante. Puisque nos emplois du temps n'étaient pas tout à fait compatibles, j'ai commencé à porter des bouchons d'oreilles au lit, par exemple, lorsque ma cochambreuse étudiait tard ou qu'elle devait se lever plus tôt que moi.

Pendant ma vingtaine et ma trentaine, ma «dépendance» aux bouchons s'est confirmée au fil de mes déménagements dans de vieux appartements aux murs en carton et dans des immeubles situés à proximité de rues animées, et quand je dormais à côté de compagnons qui respiraient – et ronflaient – bruyamment. Même quand je me trouvais dans un environnement très calme, comme un chalet ou une chambre d'hôtel bien isolée, je mettais toujours mes fidèles bouchons en mousse orange fluo pour passer une bonne nuit de sommeil. Je sais que certains détestent la sensation d’en porter et d'être privés de leur ouïe. Mais, pour moi, l'effet me rappelle le bruit de « l'océan », quand on pose son oreille contre un coquillage. Ça me calme et me plonge dans un sommeil profond et ininterrompu. 

Depuis que je vis (et dors) dans un environnement calme et stable, je me suis demandé si je devais essayer de me sevrer des bouchons. Je n'ai pas encore réussi. Chaque fois que j'essaie de m'endormir sans eux, j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose et je crains que la qualité de mon sommeil en souffre.

L’audiologiste Shanni Philp, d’Aldershot en Ontario, porte elle aussi des bouchons d'oreille toutes les nuits. « Je ne peux pas m'en passer, avoue-t-elle. Mon mari respire bruyamment. Même lorsqu'il n'est pas là, je continue à les utiliser pour éviter d’entendre le chien qui se promène la nuit, un camion qui passe ou le vent dehors ». L’experte en convient, comme je le craignais : en porter quotidiennement peut entraîner une sensibilité accrue aux bruits nocturnes. « On s'habitue à dormir dans un silence relatif », explique-t-elle.

Remplacez-les souvent

Shanni Philp considère que l'utilisation de bouchons d'oreilles pendant la nuit est sécuritaire, à condition de les remplacer dès que vous remarquez que le matériau s'use ou que les bouchons semblent sales. De mon côté, je dois avouer que j’utilise les miens pendant des semaines, voire des mois… ce qui est beaucoup trop, selon elle. « Les bouchons d'oreilles offerts sur le marché sont conçus pour être utilisés une, deux ou trois fois», dit l’audiologiste. 

Les produits en mousse étant souples et poreux, ils risquent d’introduire des saletés et des bactéries dans l'oreille, ce qui entraîne un risque d’une infection si le conduit auditif est irrité ou égratigné.

Une solution sur-mesure

Si vous avez l'habitude d'utiliser régulièrement des bouchons d'oreilles, Shanni Philp estime qu'il est préférable d'investir dans une paire en silicone, moulée sur mesure. « Chez les personnes qui ont de petites oreilles, les bouchons en mousse ont tendance à mal tenir et à tomber pendant la nuit », note-t-elle. Le silicone étant moins poreux que la mousse, il peut être lavésavec de l'eau et du savon doux. 

Les modèles sur mesure nécessitent une visite chez un audiologiste pour réaliser un moule de vos conduits auditifs, qui sera ensuite envoyé à un spécialiste pour la fabrication. À la clinique de Shanni Philp, Aldershot Audiology, une paire de bouchons d'oreilles moulée en silicone sur mesure coûte 175 $ et dure jusqu'à dix ans. Certains régimes d'assurance maladie peuvent prendre en charge cette dépense.

Et les écouteurs Bluetooth ?

Si les bouchons en mousse ne suffisent pas pour enterrer les bruits ambiants, une autre solution consiste à utiliser une paire d'écouteurs Bluetooth pour le sommeil à suppression du bruit, comme ceux de Quiet On ou de Loop Earplugs. Certains sont dotés de fonctions telles que la réduction active du bruit et la lecture de bruits blancs.  

La docteure Janet Chung, oto-rhino-laryngologiste (ORL) – c'est-à-dire un médecin spécialiste de la tête et du cou, notamment des oreilles, du nez et de la gorge – de la Faculté de médecine Temerty de l'Université de Toronto, indique qu'il n'existe pas beaucoup d’études sur la sécurité lié au port de dispositifs Bluetooth dans les oreilles pendant la nuit. Elle s'inquiète toutefois de la densité du matériau dont ils sont faits. « Si vous dormez sur le côté, le plastique dur peut frotter contre votre conduit auditif et provoquer des ulcères de pression ou des abrasions dans l'oreille, ce qui peut entraîner des infections, par exemple, explique la médecin. Je ne pense pas que ce soit nécessairement dangereux, mais cela dépend de chaque patient », nuance-t-elle.

Attention aux blocages

Que vous utilisez des bouchons en mousse, en silicone sur mesure ou des écouteurs Bluetooth suppresseurs de bruits, Dre Janet Chung mentionne que l’obstruction du canal auditif par du cérumen, c'est-à-dire une accumulation (ou bouchon) de cire dans l'oreille, est un autre conséquence possible. Le cérumen s’écoule normalement de l'oreille pendant la mastication et le sommeil, mais porter des bouchons peut empêcher cette élimination naturelle de se produire. « Les bouchons d'oreille peuvent non seulement empêcher le cérumen de s'écouler, mais aussi l'enfoncer dans l'oreille », indique-t-elle. Les symptômes d'un bouchon de cire sont les suivants : douleur, démangeaison, perte d'audition et sensation de blocage dans l'oreille. Votre médecin de famille, une infirmière en pharmacie ou un audiologiste peut retirer l'accumulation de cérumen si vous êtes confronté à ce problème. 

Apprendre à s’en passer

Selon Dre Janet Chung, l'anxiété liée à la dépendance aux bouchons d'oreilles peut quant à elle nécessiter une thérapie. « La thérapie cognitivo-comportementale peut être utile pour les patients anxieux de ne pas porter de bouchons d'oreille », soutient-elle. Pour vous aider à vous en passer, vous pouvez aussi utiliser une machine à bruits blancs, ce qui vous permettra tout de même d'entendre les autres bruits importants, comme celui d'un détecteur de fumée. 

Essayez sinon de réduire progressivement l'indice de réduction du bruit (IRB ou NRR pour noise reduction ratings en anglais) des bouchons d'oreilles que vous utilisez. « Diminuez-le lentement de façon à ce qu'il y ait un peu plus de bruit qui soit introduit », recommande la médecin. Les bouchons que j'utilise actuellement ont un indice de 32, ce qui est recommandé pour les travailleurs de chantier. Elle suggère de viser un IRB de 10 à 25 et de les porter qu'en cas d'absolue nécessité. 

J'essaie peu à peu de suivre les suggestions de Dre Janet Chung, en passant de  bouchons d’un IRB de 32 à 30. (Je sais que cela ne semble pas beaucoup, mais la mousse est moins dense et la sensation est différente). Je tente aussi de me mettre au lit sans en porter, non pas dans le but de m'endormir, mais simplement d'habituer mes oreilles aux sons ambiants de la pièce. 

L'exercice pourrait prendre un certain temps, et il se peut que je n'abandonne jamais complètement les bouchons d'oreilles. Dre Janet Chung dit que ce n'est pas grave si je ne le fais pas. « Règle générale, je pense qu'il est sécuritaire de continuer à les utiliser tous les jours, convient-elle. Mais gardez l'œil ouvert, ajoute la médecin. Remplacez-les souvent et n'utilisez pas une cote de réduction de décibels trop élevés. »

La version originale (en anglais) de cet article a été publiée sur chatelaine.com. Elle a été traduite et adaptée par l’équipe de Châtelaine en février 2025.