Il y a trois étapes pour trouver l’amour à la course à pied.
1) Enfiler ses runnings
2) Sortir
3) Courir
– Ah ah ah, tu me niaises.
– Non, non, je te jure !
– Rencontrer quelqu’un alors que t’as les cheveux plaqués par la sueur sur une face rouge vin, pas de mascara, le bouton à vif et le bourrelet moulé dans mon short en lycra ?! Sérieux ?
– Oui.
– Pis ça marche ?
– Ça pleut autour de moi, des amoureux qui se sont rencontrés en courant.
– J’te crois pas.
– Crois-moi, fille. Les endorphines, c’est plus fort que le Roquefort.
– Oui, mais quand même, quand j’ai une « date » avec un gars, je m’arrange, je me fais belle, je porte une jolie robe, je dissimule mes défauts, je m’avantage, je…
– Et ça donne quoi ?
Silence…
– En plein ça.
– Tu veux dire que, que, que… ?
– Qu’il y a des gars qui s’en foutent de la fille « arrangée » et qui préfèrent la fille d’action, euphorique dans l’effort et glorieuse dans sa sueur ? Oui.
Silence… (Eh boy, on brasse des grosses certitudes ici).
– Mais, mais, mais… c’est qui, ces gars là ?! Des sans desseins, des loosers, des excentriques ?
– Je pense pas qu’on puisse qualifier un gars qui court 42.2 km de « looser ». Pour l’excentricité, je te l’accorde, y’a un peu de ça (bon, il y a beaucoup de « ça », mais faut pas le dire, ça pourrait effrayer et on est sur la bonne voie). Et puis, c’est pratique, sur une piste, tu vois tout d’un gars.
– Tout? Tu parles de leur body en short ?
– Je parle de leur rapport à l’effort, à l’orgueil, à l’humilité, à la compétition, aux directives du coach, au fait de se faire dépasser par une fille, comment ils sont quand ils arrivent premiers, comment ils sont quand ils arrivent derniers, leur capacité à encourager, à offrir un conseil bienvenu, ou à le retenir quand il n’est pas sollicité. Tu vois tout je te dis. Même qu’au septième intervalle dans la zone rouge – c’est quand t’es pus capable de respirer – si tu regardes attentivement, tu peux même voir son rapport avec sa mère. (un temps, interminable, une cohorte d’anges passent, ils jouent de la harpe). C’est ça qu’il y a de bien avec l’effort, y’a pas un masque qui tient.
– Et c’est censé être séduisant ?!?
– Non, c’est censé être authentique. C’est pas ça qu’on veut, de l’authentique ?
Silence (eh boy, on repart une brassée de grosses certitudes).
– Et tu sais quoi ?
– Non, mais j’ai peur de ce que tu vas dire.
– Une fois glorieuse dans ta sueur, euphorique dans ton effort, et le carpe diem à fond dans l’action, tu vas t’en sacrer comme de ta première brosse à dent de l’effet que tu fais aux gars.
– Et c’est supposé me faire trouver l’Amour, ça ?!
– Non.
– Ah !
– C’est supposé te mettre dans des meilleures dispositions pour rencontrer quelqu’un.
Et sur ces subversives paroles, elles s’en furent dans une boutique de course pour trouver chaussures à leurs pieds.