L'édito

Grandir dans la nature

Notre numéro de juin met à l’honneur les vertus de la nature et le retour (tant attendu) des beaux jours. Pour moi, ils évoquent à tous coups les étés de mon enfance…

crystelle-infoVite, dehors ! J’ai 10 ans et je me répète cette phrase en chaussant mes runnings à la hâte. Je ne veux pas être en retard à la partie de baseball de rue, devant la maison de mon deuxième voisin. Les adultes ne comprennent pas pourquoi on s’acharne à jouer là, juste en haut d’une pente. Nos balles y roulent constamment et les automobilistes ne nous voient qu’à la dernière minute. Mais on se fout pas mal des quelques voitures qui passent dans notre petit quartier de campagne. Il faudrait être très malchanceux pour se faire « lutter ». C’est Sébas qui a les mitts et les bâtons ; normal qu’on joue devant chez lui. Je dois me presser, d’ailleurs, si je veux avoir un bon gant. Pas le cheap qui a l’air en plastique ni le vieux, trop souple et troué. Idéalement le noir, qui a l’air d’appartenir à un vrai joueur. Mais c’est un souci purement esthétique, car le baseball ne m’intéresse pas vraiment. Je joue correct, sans plus. Je préfère grimper sur la clôture de perches et inventer des cris de ralliement avec les autres filles du coin. Mes amies viennent de l’autre côté de l’étang (aussi bien dire de l’autre bout du monde), alors elles se joignent rarement à la bande.
La partie finie, Sébas, Francis et moi allons continuer notre cabane chez ce dernier. Le terrain à l’arrière de sa maison est complètement boisé et il n’y a pas trop de conifères. Un critère important quand on choisit un terrain de jeu. Les sapins et les épinettes sont trop fournis pour y grimper et ils attirent les mouches. En plus, les mères nous chicanent si nous revenons tout collés de sève. Pas la mienne, mais j’ai peur qu’elle doive me couper une couette si je mets de la gomme dans mes longs cheveux. Déjà que j’ai la fâcheuse habitude de revenir le visage sale et le pantalon déchiré aux genoux.

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On a installé un contreplaqué dans un bouleau, pour faire une plateforme, et cloué quelques planches en guise de barrière. Il y a des cordes sur les grosses branches, pour nous aider à monter. Une fois en haut, on mâche des Bazooka Joe en riant trop fort des blagues à l’intérieur de l’emballage. La vérité, c’est que, deux fois sur trois, on ne les comprend pas. Francis parle de la flobe de son père, camionneur, et Sébas boit ses paroles en lançant quelques « ayoye, man ! ». Ennuyée, je dévie la conversation en annonçant aux gars que j’ai exploré encore plus loin la forêt derrière chez moi. J’ai dépassé le gros cap de roche et découvert un chemin secret, tout en haut. Il n’en faut pas plus pour que le 10 roues prenne le bord et que j’aie toute leur attention. Évidemment, c’est à ce moment qu’un cri trop connu vient crever notre bulle : « Sébastien, viens souper ! » Soupir collectif. C’est le premier à partir, mais on sait que tout le monde devra suivre. De mon côté, rien ne presse, car on mange à l’heure des nouvelles. Une aberration pour bien des familles du coin.

Photo: iStock

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Francis m’accompagne vers la maison et garde pour lui ses sujets de gars. Il me demande si je suis toujours sa blonde, car un autre m’a choisie comme première fille dans son équipe au ballon brûlé à l’école. Un signe qui ne trompe pas. Je le rassure sur son statut et, ce détail évacué, on planifie l’excursion du lendemain vers Le-Chemin-Secret. Il nous faudra des sandwichs au fromage, de l’eau, ses jumelles camo-comme-celles-à-la-guerre et les walkies-talkies de Sébas – qui ne marchent pas vraiment, mais nous donnent de l’attitude.

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Lorsqu’il quitte ma cour, je salue intérieurement mes arbres, à qui j’ai donné des noms devenus trop bébé pour les dire à voix haute. Dans la maison, une odeur connue mais étrangère depuis des mois m’accueille, telle une vieille amie. La rumeur entendue au baseball était donc vraie : le stand à patates est ouvert !


Racontez-moi ce qu’évoque pour vous le retour de la belle saison. Un après-midi extatique sur la chaise longue, un verre de rosé à la main ? L’odeur de la terre fraîchement retournée ? La sloche trois couleurs du dépanneur ? Écrivez-moi ou répondez directement sur notre page Facebook.

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