Lâchée lousse

Le cerveau du poisson rouge

Une étude menée au Canada pour Google a déterminé récemment que l’Homo sapiens 2.0 a désormais une capacité d’attention de huit secondes, explique Louise Gendron. Une seconde de moins qu’un poisson rouge dans son bocal.

Lache_lousse

Tous les jours, l’humanité met en ligne 500 millions de gazouillis sur Twitter, 70 millions de photos sur Instagram et 432 000 heures de vidéos sur YouTube. Je répète, tous les jours. Me semblait bien, aussi, que je commençais à avoir du mal à fournir.

Vous aussi, d’ailleurs. Une étude menée au Canada pour Google a déterminé récemment que l’Homo sapiens 2.0 a désormais une capacité d’attention de huit secondes, soit quatre de moins qu’en 2000. Et une de moins qu’un poisson rouge dans son bocal.

(Cela dit, je me méfie des affirmations sur les facultés cognitives des animaux : le web est plein de vidéos de bestioles occupées à des choses qu’on croyait impossibles. Des éléphants qui s’intéressent à la musique, des corneilles fabriquant un outil…)

Mais je m’égare. C’est d’ailleurs ça le problème : on s’égare. Ce serait la faute aux médias sociaux et à tous ces bidules intelligents qui sollicitent notre attention partout et toujours, à l’information qui nous inonde de partout, aux interminables listes de choses à faire qui constituent l’essentiel de notre vie.

Notre pauvre cervelle, pas du tout conçue pour gérer ces zillions d’informations, souvent plus insignifiantes les unes que les autres, perd l’habitude et, disent certains spécialistes, jusqu’à la capacité de se concentrer.

Au bout de huit secondes environ, on abandonne la tâche en cours pour fouiller dans son sac, texter son chéri, partir dans la lune ou aller voir ce qui s’est passé sur Facebook depuis sa dernière visite, il y a une minute et demie.

C’est pour ça que les réalisateurs de cinéma découpent leurs histoires en plans de quelques secondes et que, probablement, vous m’avez déjà lâchée une fois ou deux depuis le début de votre lecture.

Le psychiatre américain Edward Hallowell a baptisé « trait de déficit d’attention » ce dysfonctionnement neuronal, qui, dit-il, se répand à la vitesse grand V dans les sociétés technologiquement avancées. Contrairement au trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (le fameux TDA/H), qui est d’origine génétique, le trait de déficit d’attention est entièrement dû au bain de stimulus et d’exigences dans lequel nous passons notre vie.

Submergée par ce déluge, notre matière grise s’affole comme une mouche enfermée la nuit dans un magasin de luminaires et finit par surchauffer. C’est la panique à bord.

Notre cerveau rationnel se fait alors supplanter par le cerveau « primitif », celui qui gère les fonctions vitales comme la respiration et le rythme cardiaque et qui prend les commandes dès qu’il perçoit un danger mortel (la tarentule dans la tente ou la 60e alerte de notre iPhone). Dans ces conditions, produire une idée brillante ou simplement suivre un raisonnement devient vraiment difficile.

Ça se guérit, docteur ? Il semble que oui. Première étape : dompter l’ennemi. Se donner comme règle de ne consulter sa boîte courriel que trois fois par jour, par exemple. Ou d’éteindre son téléphone pendant les périodes de travail.

Deuxième étape : muscler sa capacité de concentration comme on fait des abdos. Par intervalles et progressivement. Mais sans lâcher.

À LIRE: Quelques trucs pour nourrir son cerveau

Joe Robinson, spécialiste américain de l’efficacité au travail, propose par exemple de programmer une minuterie sur son téléphone ou son ordi. Et de s’imposer 10 minutes de concentration suivies de 2 minutes de pause. Puis d’allonger graduellement la période d’attention. Jusqu’à pouvoir lire un article au complet par exemple…

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Photo: Plainpicture / Image Source

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