Près de 500 000 albums vendus, au moins 550 spectacles, 200 chansons, 14 premières places au palmarès radio, 12 fois le Centre Bell… Et une participation remarquée à la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Vancouver en 2010.
Il s’en est passé des choses dans la vie de Marie-Mai Bouchard depuis les steppettes qu’elle exécutait sur les marches de la maison familiale, à Varennes. À l’époque, elle s’imaginait déjà faire son entrée par un grand escalier métallique pour arriver sur une scène ostentatoire, avec pétards et fumée. « J’ai l’impression d’avoir vécu cinq vies dans les dernières années », résume-t-elle, alors que nous conversons dans le bureau de Julie Snyder, aux Productions J. Nous sommes au début de février, tout juste quelques semaines après sa séparation d’avec son mari et collaborateur Fred St-Gelais. En d’autres mots, la peinture n’a pas eu le temps de sécher sur les murs.
Nul doute, la rupture est encore plus pénible quand tout le monde et son voisin se permettent de la commenter publiquement, comme si c’était une affaire d’État. Cela explique peut-être les trois couches de protection dont semble se vêtir Marie-Mai pendant l’entrevue.
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À l’heure de ces grands chambardements, mes questions sur ses projets professionnels tombent à plat. Sa carrière d’auteure-compositrice-interprète, elle l’a bâtie main dans la main avec son ex. Il n’est pas exclu qu’ils continuent à faire de la musique ensemble, mais elle se refuse à toute supputation sur l’avenir. « Je ne suis vraiment pas prête pour faire un autre album, dit l’artiste de 31 ans. Ce qui est extraordinaire, par contre, c’est ce privilège que j’ai de pouvoir prendre mon temps pour explorer d’autres styles. J’ai livré à fond pendant 12 ans, et là, je pense que le moment est venu de me poser des questions. Je suis rendue où, musicalement ? Et en tant que femme ? Comment ai-je envie de m’exprimer ? »
Ce besoin de rebrasser les cartes a émergé pendant un road trip de six mois en Californie, l’an dernier. C’étaient les premières longues vacances qu’elle s’accordait depuis le tsunami Star Académie, en 2003. Là-bas, elle confie avoir découvert un « autre monde », voire une autre Marie-Mai. « Tout ce que je connaissais, c’était mon métier. J’étais ce que je faisais dans la vie. Quand on me demandait quels étaient mes hobbys, j’étais prise au dépourvu. » Tout à coup, la bête de scène survoltée s’est retrouvée sans horaire, flânant çà et là, goûtant des plaisirs simples. Révélation: il n’y a pas que la chanson qui rende sa femme heureuse.
Dans la foulée s’est profilé un ardent désir d’autonomie. « J’ai quitté mes parents pour intégrer le show-business du jour au lendemain. Là aussi, tout le monde s’occupe de toi, tu es prise en charge. Par exemple, comme j’ai toujours eu des chauffeurs pour m’emmener du point A au point B, je ne sais pas conduire. Et puis la maison, c’était Fred qui l’entretenait, il aimait ça. Aujourd’hui, j’ai envie de faire des rénos, de cuisiner, d’obtenir mon permis… » Ses affaires vont bon train, d’ailleurs : elle réussit à merveille son chili et fait d’excellents petits-déjeuners, assure-t-elle.
Mais ce dont elle est surtout fière, c’est d’avoir su rester honnête envers elle-même, en musique comme en amour. Même quand ça implique des virages casse-gueule. Pour ne pas vivre dans le déni. « C’est sûr que ma rupture me déstabilise. Tu peux perdre tes fondations… Sauf qu’on grandit énormément là-dedans. Depuis un mois, je me vois devenir une nouvelle personne. Je me fais de plus en plus confiance. J’assume mes choix, mes décisions. »
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Son prochain chantier: apprendre à modérer ses transports sur le plan professionnel. Sa passion pour la musique la démange tant qu’elle répond « oui » à tout ce qu’on lui propose, fatiguée pas fatiguée, étirant l’élastique au maximum. Les jours de congé où l’on s’habille en mou se transforment invariablement en séances d’écriture.
« Je ne tiens pas ma place pour acquise. Je me mets une tonne de pression sur les épaules. Mon père, qui est aussi auteur-compositeur, a déjà tenté sa chance dans la musique. Il a eu la tâche ingrate de me préparer à ce milieu exigeant. Je me suis conditionnée à bûcher fort pour être au top. Je vis chaque prestation comme si c’était la dernière. »
Tout de même, il y a du bon à prendre son gaz égal. « Il faudrait que je sois capable de décrocher sans partir pendant six mois. Avant mon voyage aux États-Unis, c’est fou à quel point j’étais vidée. Maintenant, je vais concentrer mon énergie sur des projets auxquels je crois à 300 %. »
Vieillir dans un univers qui ne fait pas de cadeau aux pattes-d’oie et aux seins tombants n’effraie pas une miette l’égérie des produits cosmétiques Annabelle. Le strass et les paillettes, son « moi magnifié », comme elle l’appelle, c’est super sur scène, ça fait partie de son personnage d’artiste. Mais autrement, elle s’aime aussi au naturel.
Son visage s’attendrit lorsqu’elle parle de sa mère, qui a renoncé à la teinture et au maquillage. « Depuis, c’est comme si elle était libérée du poids de plaire. Je la trouve encore plus belle comme ça – et ce n’est pas peu dire. J’espère lui ressembler. J’aime la maturité. »
Quant au regard des autres… Bof. La chanteuse a été initiée de bonne heure à la cruauté des commentaires sur Internet, le début de sa carrière coïncidant avec l’avènement des blogues. « Il y a 10 ans, ça m’empêchait de dormir. Aujourd’hui, on voit tellement de bashing sur les réseaux sociaux que je n’y porte plus attention. Pour certains, je ne serai jamais assez mince, assez belle, assez bonne. Alors je m’applique à faire de la musique pour ceux qui m’aiment. »
Et ceux qui l’aiment l’adorent – il n’y a qu’à lire, pour s’en convaincre, les commentaires dithyrambiques de ses 110 000 abonnés sur Instagram. Le lien de Marie-Mai avec ses fans, des jeunes filles surtout, a toujours été intense. Elle en connaît beaucoup par leur nom, se rappelant même qui est venu à tel ou tel de ses spectacles. Elle prête aussi l’oreille à leurs confidences.
« En 12 ans de métier, j’ai vu des jeunes filles devenir des femmes, avoir des enfants, décrocher leur job de rêve, se casser la gueule, parfois. » Tout en elle s’ouvre à cette pensée. Ses yeux s’animent, une certaine émotion perce dans sa voix. Dès Star Académie, elle a senti que ses fans s’identifiaient à elle d’une façon particulière. Elle n’a jamais joué les vedettes distantes, n’hésitant pas à leur raconter ses propres difficultés – son parcours scolaire terni par un trouble déficitaire de l’attention, par exemple.
« Je veux être là pour elles. C’est mon carburant – sans ça je change de job. Au-delà des chansons et des spectacles, ce qui m’importe vraiment, c’est l’influence que j’aurai eue sur cette nouvelle génération. J’espère être un bon modèle et leur inculquer la confiance en soi, la détermination. C’est une sorte d’appel que je ressens. »
Marie-Mai est en résidence au Capitole de Québec du 10 au 26 mars.
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Ce qu’elle écoute en ce moment
Troye Sivan, BANKS, Halsey… « J’aime me tenir au courant de tout ce qui sort. Mes goûts sont éclectiques. Je pense que ça se reflète dans ma musique. » Dans la série de spectacles présentés en janvier au Théâtre St-Denis, à Montréal, et du 10 au 20 mars au Capitole de Québec, elle y va d’une interprétation très théâtrale de Smells Like Teen Spirit du défunt groupe Nirvana, avec orchestration de violon, à la manière de Florence and the Machine. « C’est la première fois que j’ose faire quelque chose de plus assumé sur le plan vocal. J’avais envie de sortir de mon typique “on saute partout, on a de l’énergie, on danse”. Je veux continuer à explorer de nouvelles avenues. » Parce que, comme elle le disait déjà lors de ses auditions à Star Académie, en 2003 : « À un moment donné, faut que j’avance. La pire chose à faire, selon moi, c’est de ne pas essayer ! »