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Société

Médiation familiale : les meilleurs conseils pour bien se préparer

Votre ex est devant vous, dans le bureau du médiateur. Cette personne que vous avez tant aimée vous en veut beaucoup, aujourd’hui. Ou vice versa. Bienvenue à la négociation la plus intense de votre vie. Et voici comment arriver fin prête.
Conseils médiation familiale

Photo : Mironov Konstantin/iStock

Après plusieurs mois de tergiversations, Véronique a dû se rendre à l’évidence : sa relation avec Antoine, l’amour de sa vie, était terminée. La nouvelle maman avait l’impression d’élever seule leur fille de deux ans et n’en pouvait plus de réclamer du changement.

Comment détricoter 25 ans de vie commune? Comme la moitié des parents québécois qui se séparent, Véronique et Antoine ont opté pour une médiation familiale financée en partie par le gouvernement du Québec. Ce processus, qui vise à trouver un terrain d’entente sans passer devant un juge, permet aux ex-conjoints d’éviter beaucoup de stress et des frais importants. « Le but de la médiation, c’est de viser l’équité entre les parties », résume l’avocate Louise Monette, qui est médiatrice familiale depuis 17 ans. En pratique, toutefois, ce n’est pas toujours aussi simple, comme Véronique l’a appris à la dure.

La tentation peut être grande de conclure une entente bancale pour passer rapidement à autre chose ou éviter la confrontation. Or, il importe de garder en tête qu’il faudra vivre longtemps avec l’entente conclue. Voici comment bien se préparer au processus.

Le bon choix?

Pour désengorger les tribunaux et faciliter une résolution pacifique des séparations, l’État prend en charge les cinq premières heures de consultation pour les couples avec enfants, qu’ils soient mariés ou en union de fait. Pour les couples sans enfants, ce sont les trois premières heures qui sont couvertes. Guidés par l’un des 1173 médiateurs accrédités par le ministère de la Justice – souvent un avocat ou un notaire, mais parfois un psychologue ou un travailleur social –, les ex-conjoints tâchent de s’entendre sur le partage du patrimoine ou la garde des enfants. Leurs décisions seront notées dans un contrat de séparation ou dans une entente qui sera ensuite homologuée par un juge.

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Économiquement et émotivement, la médiation a des effets positifs à long terme : « Les bons médiateurs enseignent des techniques de communication, des trucs pour dénouer des impasses futures », souligne Elisabeth Godbout, professeure adjointe à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval.

Est-ce le bon choix pour tous? « C’est une bonne idée si vous êtes en état de prendre des décisions pour vous-même, que vous avez une sécurité émotionnelle, qu’il n’y a pas d’enjeu de peur, de contrôle », nuance Me Claudine Cusson, qui est présidente de l’Association des médiateurs familiaux du Québec, mais qui partage son expérience à titre personnel.

Ingrid et son ex-conjoint étaient des candidats idéaux pour la médiation. Après mûre réflexion, Ingrid avait conclu que l’amour qu’elle avait pour Gabriel s’était tari. Malgré sa tristesse, son mari s’est tout de même montré bon joueur et a vu lui aussi les avantages d’aller en médiation : « On voulait régler la situation rapidement et on sentait qu’on était capables de se parler. » Il n’est pas nécessaire d’être en bons termes pour réussir à se mettre d’accord, souligne Jacqueline LaBrie, travailleuse sociale et pionnière de la médiation au Québec : « Même lorsque les ex-conjoints [ont] diamétralement opposées, s’ils ont la volonté de s’entendre, ça peut marcher. »

Il vaut cependant mieux éviter de se lancer dans le processus si l’une des parties a un problème de santé mentale important ou si l’on ressent un déséquilibre des forces. Y avoir recours dans un contexte de violence conjugale mérite aussi une sérieuse réflexion. « Négocier une entente équitable devient une mission impossible, voire dangereuse », explique Elisabeth Godbout.

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Les conditions gagnantes

Disons-le d’emblée, la médiation est rarement une partie de plaisir. Selon Elisabeth Godbout, «il faut beaucoup de bonne foi et de maturité. » Et il vaut mieux ne rien précipiter. « On était encore dans le tourbillon des émotions, se souvient Véronique. Après les rencontres, la journée était foutue. » Les médiatrices d’expérience interviewées le savent : quand une des parties ne collabore pas, c’est souvent parce que la colère est trop grande. « Plus le temps passe, plus la poussière retombe, mieux les gens arrivent à s’entendre », dit Elisabeth Godbout.

La médiation est une négociation. « Ce n’est pas de la thérapie, souligne Jacqueline LaBrie. Je ne donne pas d’avis juridique et je n’agis pas comme un arbitre. » Son rôle, explique-t-elle, consiste à « ouvrir le dialogue entre [les] pour qu’ils arrivent par eux-mêmes à trouver des arrangements qui leur conviennent ».

Les médiatrices consultées recommandent d’envisager quelques candidats afin d’en trouver un qui convient aux deux parties. Poser des questions au professionnel, sur son souci de neutralité ou son approche de résolution de conflits, peut aider à se faire une idée. Claudine Cusson recommande de considérer notamment le profil professionnel du médiateur. Des enjeux de garde complexes, par exemple, peuvent faire opter pour une travailleuse sociale, qui pourra aider à prendre en compte l’impact de la formule choisie sur le développement de l’enfant et son attachement à ses parents.

Et par la suite, rien n’oblige à rester, rappelle-t-elle. « Si après une première rencontre, vous êtes mal à l’aise, il vaut mieux reconsidérer votre choix. » Il faut penser à long terme, explique-t-elle : on aura possiblement besoin de revoir le médiateur plus tard, pour réévaluer la pension alimentaire, par exemple. L’État couvre les dépenses pour deux heures et demie de médiation chaque fois qu’une révision de l’entente est nécessaire.

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Avant le jour J

En attendant la première rencontre, il faut se préparer. La trousse très complète du Centre de justice de proximité du gouvernement propose, notamment, des modèles de lettre pour inviter son ex-conjoint à la médiation.

Consulter un avocat-conseil, dans un service juridique communautaire gratuit, par exemple, peut être judicieux. « Ça ne veut pas dire que vous allez à la guerre, insiste Claudine Cusson. Ça veut dire que vous arrivez bien préparé. » Entre les rencontres, le juriste pourra aussi vous aider à évaluer les implications des solutions discutées.

Médiation familiale Photo : Priscilla Du Preez/Unsplash

À éviter : conclure des ententes informelles avant la médiation. « Certaines personnes restent amères après avoir réalisé qu’elles ont renoncé, par ignorance de leurs droits, à beaucoup d’argent. De plus, le juge pourrait refuser d’homologuer l’entente », explique Claudine Cusson. Mieux vaut se préparer en réfléchissant à ses besoins et ses priorités.

Il est possible de mettre fin à la médiation en tout temps. Des solutions de remplacement existent, comme le droit collaboratif, qui consiste à négocier par l’intermédiaire d’avocats, en mode coopération. La voie juridique classique est choisie par environ 13 % des couples.

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Quand ça se corse

Comme toutes les négociations, la médiation peut mener à des blocages. Véronique en a fait l’expérience. Antoine, qui n’était pas ravi de se séparer, ne coopérait pas du tout. « Il ne démontrait aucune ouverture et n’apportait aucune proposition à la table. »

Un bon médiateur sait remédier à ces mauvaises dynamiques. Ingrid l’a vécu : « Parfois, elle nous a forcés à envisager le point de vue de l’autre. Elle m’a rappelé de faire confiance aux qualités de père de mon ex. » Le médiateur doit pacifier la discussion, explique Louise Monette. « Je ne veux pas que ça dégénère. Il faut améliorer la façon dont ces gens-là communiquent ensemble. »

En cas de blocage, on peut avoir envie de parler en privé avec le médiateur. Les professionnelles interviewées acceptent ce type de demande, mais en informent l’autre partie, à qui elles accordent un temps de discussion équivalent. Certains médiateurs refusent systématiquement ces apartés, au nom de la neutralité, et d’autres y vont au cas par cas. Constatant elle aussi un blocage, la médiatrice de Véronique a accepté d’en discuter seule avec elle. « Cet entretien m’a soulagée. Elle m’a proposé des solutions, comme d’y aller progressivement en ce qui concernait la garde de la petite. »

Si la médiation est éprouvante émotivement, si on a besoin de soutien, « un thérapeute peut vous aider à voir sur quoi vous avez du pouvoir et sur quoi vous n’en avez pas », explique Jacqueline LaBrie.

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Dans le bureau de la médiatrice, Léa a dû composer avec la colère de son ex, blessé parce qu’elle le quittait pour un autre homme. Pour éviter de jeter de l’huile sur le feu, elle a renoncé à une pension alimentaire pour elle-même, à laquelle elle avait pourtant droit. « J’ai acheté la paix, et je l’achète encore. Même si ma situation économique s’est détériorée, je préfère ne pas demander de révision de la pension pour les enfants. »

« Acheter la paix » peut être tentant, par culpabilité, par peur d’attiser la colère de l’autre, pour éviter que les enfants souffrent. En médiation, faire des concessions, parfois importantes, est inévitable, reconnaît Jacqueline LaBrie : « Ça demande de la générosité, de penser à l’avenir de chacune des personnes et des enfants. » Cependant, il faut demeurer vigilant et ne pas accorder de concessions excessives, pour de mauvaises raisons.

Comment savoir si l’on fait des compromis qu’on risque de regretter? Il faut considérer à la fois ses droits et ses réelles motivations. « Demandez-vous si cette paix, vous la payez trop cher », suggère Claudine Cusson. Aura-t-elle réellement l’effet escompté? La regretterez-vous? « Parce qu’il y en a qui achètent la paix, mais qui ne l’ont pas. Ça n’en valait pas la peine. »


Les femmes qui ont accepté de témoigner pour ce reportage l’ont fait avec un prénom d’emprunt pour préserver la vie privée de leur famille.

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Catherine Pelchat est journaliste indépendante. Elle est passionnée par les enjeux de société, et tout particulièrement par ceux qui touchent les femmes. Son travail de journaliste est nourri par une multitude d’expériences: diplômée d’histoire américaine, elle a aussi été, dans une vie parallèle, recherchiste pour des documentaires et des émissions de télévision. Elle aurait besoin d’au moins trois vies pour faire le tour de tout ce qu’elle veut apprendre.

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