Société

Retour sur le Sommet des femmes

Lise Payette en rêvait depuis longtemps : une rencontre réunissant conférencières et panellistes à l’instar des grands sommets politiques et économiques. Les 3 et 4 mars dernier, son rêve est devenu réalité. Quoi retenir de cette première édition?

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Lise Payette

Lise Payette caressait depuis longtemps l’idée d’organiser un Sommet des femmes. En fait, elle y pensait depuis la fin des années 1970, alors qu’elle était ministre au Parti québécois, sous René Lévesque. «Les féministes ne veulent enlever aucun droit aux hommes, soutient-elle. Elles en veulent aux privilèges qu’ils se sont octroyés et qui empiètent sur nos droits», a répété plusieurs fois durant l’évènement, l’auteure, politicienne et icône du féminisme québécois.

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En 2015, on célébrait le 75e anniversaire du droit de vote des femmes au Québec. Depuis, Projet 75 a travaillé à l’organisation de ces deux jours de conférences et d’ateliers. L’objectif? Évaluer la situation actuelle et faire des recommandations au gouvernement. « Ce ne sont pas des demandes, mais bien des exigences », affirmait Martine Desjardins lors de la cérémonie d’ouverture, le 3 mars, en référence au manifeste rédigé par Projet 75 et soumis aux différents partis politiques. D’ailleurs, ce sont des dons de particuliers et des commanditaires qui ont permis la tenue de ces rencontres, point d’argent public.

Un sommet sur quoi?

Trois grands thèmes étaient abordés durant ces deux jours: le pouvoir social, économique et politique des femmes. Entre de (très) nombreuses références amusées à la fameuse déclaration de la ministre de la Condition féminine, Mme Lise Thériault, quelques enjeux ont dominé les discussions, notamment l’importance de la conciliation travail-famille.

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Parmi les moments forts de la conférence d’ouverture, la courte allocution d’Elsie Lefevbre, conseillère municipale dans Villeray, dont l’aplomb a été accueilli chaleureusement. Élue sous les couleurs du PQ à l’âge de 25 ans, elle devenait en 2004 la plus jeune députée de l’Assemblée nationale. « Oui aux quotas! a-t-elle lancé. On a assez attendu, et il faut commencer quelque part. Davantage de femmes au sein de nos gouvernements, c’est davantage d’élues qui comprennent les besoins des citoyennes et légifèrent en conséquence. »

Le féminisme en 2016

Ouvert, inclusif et intersectionnel : tel est le féminisme défendu par les conférencières. « On doit laisser place aux différences d’opinions au sein du mouvement, affirmait la féministe et syndicaliste Véronique De Sève. Pour moi, le féminisme, c’est l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi entre toutes les femmes. » Une chose était sur toutes les lèvres: la gent féminine est plus déterminée que jamais à porter ses luttes et, quoiqu’on puisse penser en lisant l’actualité, assument pleinement son féminisme.

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Une belle diversité régnait parmi les intervenantes, dont faisaient partie Maitée Labrecque-Saganash et Michèle Audette, deux éminentes militantes pour la cause des femmes autochtones. Une grande fierté pour mères et grands-mères de leur famille et de leur communauté a émané de leur discours : « L’égalité était déjà acquise chez les peuples autochtones, a expliqué Michèle Audette, et le féminisme y était bien vivant. » Le message est clair : les femmes des Premières Nations ont la ferme intention de reprendre le pouvoir qui leur revient de droit.

Photo: Gabrielle Lisa Collard

Kerlande Mibel |Photo: Gabrielle Lisa Collard

 

L’inspirante Kerlande Mibel a abordé pour sa part l’afroféminisme dans l’un des discours les plus emballants du Sommet (qui aurait grandement bénéficié de plus de temps que les 10 courtes minutes allouées à chaque conférencière). « On n’a pas besoin de sauveur, a-t-elle dit. On vit notre combat à notre manière, avec nos différences, mais côte à côte avec les autres féministes. »  Selon elle, les femmes noires parlent de plus en plus de leur réalité et célèbrent leur beauté et leurs forces.  Elles osent maintenant prendre la place qui leur revient au sein du mouvement féministe.

On apprenait aussi grâce à deux des 50 fiscalistes les plus influentes du monde, Brigitte Alepin et Allison Christians, de quelles façons les lois fiscales désavantagent les femmes, notamment en retardant leur retour au travail après un congé de maternité ou quand elles désirent se lancer en affaires. « Pourquoi n’a-t-on pas fait les progrès espérés? », a demandé Allison qui ajoute que les filles souffrent également de l’inéquité salariale et qu’elles sont en minorité dans les postes de pouvoir.

On aurait aimé entendre parler davantage de femmes homosexuelles et trans, de féminisme chez les jeunes et dans la culture pop, des lois entourant la violence sur internet (gamergate, revenge porn…), et de féminisme par la diversité corporelle et des droits des travailleuses du sexe, mais pour cette première édition, c’était un bon départ.

Et la réponse politique?

Les organisateurs avaient convié les partis politiques à venir prendre la parole. Si Philippe Couillard et le Parti libéral brillaient par leur absence, François Legault a monté sur la scène en mode charmeur, intimidé de prendre la parole devant une telle assemblée. « Je dois me sentir comme les femmes se sentent trop souvent! Tous les hommes devraient vivre ça, c’est très formateur! », lançait-il à la blague avant de prendre des engagements sur la parité au sein de la CAQ et de remercier Mme Payette pour son impact positif sur les hommes de sa génération, qu’elle a « bousculé dans leurs certitudes ».

François Legault, le chef de la CAQ | Photo: Gabrielle Lisa Collard

François Legault, le chef de la CAQ | Photo: Gabrielle Lisa Collard

Il fut suivi de Pierre-Karl Péladeau avec des promesses semblables, qui a profité de l’occasion pour rendre hommage à celles qui occupent des postes de pouvoir au sein de Québécor, et ce, depuis plusieurs années, a-t-il dit. Françoise David, de Québec solidaire sous une pluie d’applaudissements, mettait la touche finale avec une déclaration sans équivoque : « On va faire ça vite. Notre réponse au manifeste, c’est oui. »

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