Ronde, et alors?

Lettre ouverte à celles qui ne veulent plus entendre parler de surpoids

Le sujet du surpoids en est un qui soulève les passions, tant positives que négatives. Joanie Pietracupa est bien placée pour le savoir.

Joanie-bandeau

Chères lectrices,

Je m’avoue un peu surprise par vos réactions à mes plus récents billets de blogue. Surtout à celui de la semaine dernière qui portait sur Adele et sa grande splendeur. À un point tel que j’ai décidé de mettre quelques trucs au clair.

Quand l’équipe de Châtelaine m’a gentiment proposé de rédiger un blogue taille plus, au mois de mai dernier, je me suis empressée de dire oui. Châtelaine est une marque mythique dans le paysage des magazines féminins d’ici et son site web m’a semblé être la vitrine parfaite pour aborder la question de la diversité corporelle en 2015.

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Dans mon premier billet, je me suis présentée, un peu gênée. J’ai entrouvert la porte de mon cœur pour vous laisser voir une petite partie de ma relation tordue avec mon corps et l’image qu’il projette à mes yeux et dans la société. Plus je pianotais sur mon clavier, plus j’avais l’impression de trop en faire ou pas assez. Allais-je réussir à toucher au moins une personne? À l’inspirer, à la faire réfléchir ou à ouvrir son esprit? Allais-je plutôt dégoûter la société? Qui allait peut-être penser à tort que j’encourage l’obésité et la sédentarité? Il y a eu un peu des deux. Des femmes qui louangeaient mon travail et disaient se reconnaître dans mes propos. D’autres qui maudissaient mes chroniques qui leur semblaient faire l’éloge de l’embonpoint.

Ça, je m’y attendais un peu. Le sujet du surpoids en est un qui soulève les passions – tant positives que négatives. Tout le monde a une opinion sur la matière et surtout, tout le monde semble devoir la partager à tout prix avec le reste des habitants de la planète Terre. Je comprends, vraiment: on est dans un pays de libre expression et c’est l’un de nos plus beaux privilèges en tant qu’êtres humains. Et chacun a le droit à ses propres pensées, ses propres convictions et ses propres préjugés, aussi. Même que je me plais beaucoup plus que je ne l’aurais cru à lire des opinions diamétralement opposées aux miennes. Ça me fait découvrir une autre réalité et j’ai l’impression d’en apprendre plus sur la communauté dans laquelle je vis et, ultimement, je ressors plus intelligente (ou du moins plus instruite) de l’expérience. Même quand vous énoncez un commentaire cliché sur Facebook ou Twitter du genre «Tous les gros le sont parce qu’ils mangent du junk food en vrac et se tapent des marathons de séries télé sur Netflix à longueur de journée». Oui, même à ce moment-là.

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Ce qui m’a réellement surprise, c’est plutôt le nouveau mouvement «On as-tu fini d’entendre parler de la question du poids et de la diversité corporelle?», que je sens naître en ce moment. Par exemple, j’ai pu lire comme réaction à mon billet sur Adele (ou du moins en réaction à mon titre de billet sur Adele, parce que je doute que vous lisiez toujours mes textes en entier avant de les commenter, ma bande de «snorounes»), les messages suivants: «Si c’est si peu important, le poids, pourquoi est-ce qu’on le souligne constamment?», «Ah, la la! Pourquoi faire des articles à toutes les fois qu’une fille grasse se trouve ben correcte?» et «On vas-tu finir un jour de parler du foutu poids?».

C’est à ces femmes-là que je m’adresse aujourd’hui. Les filles, je ne rêve que d’une chose (ou presque), dans la vie. Comme vous, je souhaite qu’on puisse un jour arrêter de devoir parler de la diversité corporelle. Parce qu’elle serait devenue banale et qu’on l’aurait acceptée pour ce qu’elle est vraiment: représentative de la société actuelle. Pourquoi écris-je le mot «devoir»? Parce que je crois qu’on est encore obligées d’en parler, malheureusement. Il y a des tonnes de femmes rondes un peu partout dans le monde qui se font harceler à coups de regards désapprobateurs, de commentaires désobligeants, des remarques déplaisantes et de paroles blessantes, à l’occasion ou au quotidien. Je le sais, ça m’est souvent arrivé. Ici même, dans les rues de Montréal. Vous ne me croyez toujours pas? Écoutez cette vidéo de l’«humoriste» Nicole Arbour qui encourage le fat shaming ou lisez cet article qui raconte que des hommes distribuent des cartes «anti-gros» à certaines femmes dans le métro de Londres. Ça vous surprend? Tant mieux. Tant mieux si vous n’avez jamais eu à vivre de telles confrontations alors que vous n’avez jamais demandé d’approbation ou l’opinion d’une seule personne. Tant mieux si votre entourage entier est ouvert à la diversité sous toutes ses formes. C’est ce que je souhaite pour tout un chacun d’entre nous, plus fort que tout.

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Aussi, je me permets de vous rappeler la mission que je me suis donnée en acceptant de signer ce blogue: encourager toutes les femmes à se sentir bien dans leur peau, peu importe leur taille ou leur silhouette. Les pousser à être confiantes et sûres d’elles, peu importe leur apparence. Les aider à retrouver la motivation pour manger sainement et bouger souvent si elles l’ont perdue quelque part sur le chemin de leur petite routine. Ouvrir leurs esprits à la différence et à l’autre et leur faire réaliser que chaque personne a mille histoires, et que chaque histoire a mille versions. Qu’on est toutes «pognées» ensemble ici sur Terre, alors aussi bien apprendre à vivre, laisser vivre et faire preuve de savoir-vivre pour cohabiter avec succès.

Pourquoi fais-je tout ça? Parce que j’aime les gens. Parce que je vous aime, vous. Toutes vous. Même quand vous me faites un peu de peine. Même quand vous me faites grincer des dents. Même quand vous me faites rire contre votre gré. Surtout quand vous me faites rire contre votre gré. C’est pourquoi je vous dis merci. Merci d’avance. De me lire, jusqu’au dernier mot (hum, hum!), de semaine en semaine, mais aussi de bien vouloir embarquer avec moi dans mon mouvement prodiversité. Parce qu’on aura peut-être un jour la chance de pouvoir arrêter d’en parler, mais pas maintenant, pas encore.

Allez, un dernier p’tit coup. À la vôtre!

Joanie

À écouter: Châtelaine, la balado: Être ronde et s’aimer telle quelle à l’ère des réseaux sociaux

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