La top de l'heure Ashley Graham figure sur l'un des trois covers de l'édition spéciale maillots du Sports Illustrated. On peut aussi la voir sur la page couverture du Maxim d'avril 2016. Trois mannequins (dont Ashley, qui vit de toute évidence l'année de sa vie!) posent avec fierté pour la campagne publicitaire #ThisBody, de la marque Lane Bryant. Une pub télé que les chaînes américaines ABC et NBC ont d'ailleurs récemment refusé de diffuser, aux États-Unis. Une flopée de top-modèles (dont Denise Bidot, Nadia Aboulhosn et Tess Holliday) illustrent des articles du genre «Trop grosses pour l'industrie de la mode?» ou «Tous les corps sont beaux à leur façon!», publiés dans de grands magazines d'ici et d'ailleurs. Mais qu'ont en commun toutes ces filles à la plastique irréprochable, aux courbes voluptueuses et au sex-appeal assumé? Elles sont représentées dans ces différents médias à moitié (et parfois même complètement) nues.
Qu'on se comprenne bien: je n'ai rien contre la nudité. Encore moins la nudité féminine. Je trouve ça beau, le corps d'une femme. Magnifique. C'est plein de rondeurs, de vallées, de creux, de force, de vulnérabilité, de douceur et de caractère. Qu'il soit maigre, mince, rond, gros ou tout autre qualificatif, je le trouve beau. Ce que je m'explique mal, c'est pourquoi les mannequins taille plus finissent presque toujours à moitié à poil lors d'une séance photo.
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Vous me direz peut-être que la plupart des top-modèles, peu importe leur taille ou format, sont souvent dénudées, en raison de l’hypersexualisation du corps de la femme dans les médias, le cinéma ou la publicité. Oui, c'est vrai. Mais je ne parle pas que des tops taille plus qui font la couverture du Maxim ou du Sports Illustrated, ici. Parce que c'est logique que les femmes y soient vêtues de lingerie fine ou de micro bikinis. C'est l'essence même de ce type de publications: présenter des filles sexy et désirables en petite tenue. Ça, je le sais. Je parle surtout du fait que seules les mannequins rondes se retrouvent presque toujours à poil dans des dossiers mode ou socio pop ayant pour sujet la diversité corporelle (je pense ici à certains dossiers présentés par le ELLE France et le Glamour, dans les dernières années). Et dans des pubs qui n'ont absolument rien à voir avec la nudité, comme la campagne #ThisBody, de Lane Bryant. Le but n'est-il pas de vendre des vêtements de grande taille? Qu'est-ce qui explique donc que les trois filles en vedette dans cette publicité télé soient entièrement nues? Ça m'échappe.
Je comprends que pour «normaliser» la diversité corporelle, il faut montrer des corps de toutes les formes, sous toutes leurs coutures. Je comprends aussi que pour démystifier le surpoids, il faut en parler, en reparler et en parler encore, jusqu'à ce que tout soit dit sur le sujet et que l'on n'ait plus jamais besoin d'en faire mention, ou presque. Je comprends également que voir des femmes nues et bien dans leur peau, belles et franchement sexy, avec et non malgré leur embonpoint, peut aider des milliers d'autres femmes (moi la première!) à s'assumer et à se sentir bien dans leur peau. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi le corps des rondes ne semble attrayant que s'il est déshabillé.
Peut-on se réapproprier nos corps et arrêter d'en faire trop? C'est une enveloppe corporelle, après tout, pas un OVNI! Il n'y a rien à voir, à découvrir ou à apprendre, ici. C'est une silhouette comme une autre, peut-être plus enrobée, je le concède, mais très similaire à toutes les autres silhouettes, sans être identique. A-t-on réellement besoin de scruter chaque courbe et chaque pli à la loupe pour comprendre ce que nous avons devant les yeux? Faut-il vraiment observer chaque centimètre carré de peau pour saisir qu'on a affaire à une vraie fille en chair? Sommes-nous voyeurs ou incrédules? Des détracteurs ou des angoissés?
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J'ai hâte que les mannequins taille plus puissent enfin jouer leur rôle à 100 %: présenter des tenues à la mode, sur des passerelles, dans les médias ou les campagnes publicitaires. J'ai hâte qu'elles ne soient plus «obligées», ou presque, de se dénuder pour justifier leur titre, voire leur existence. J'ai aussi hâte qu'on arrête de trouver ça «courageux», une fille ronde qui enlève des pelures sur son fil Instagram ou dans la vraie vie. C'est une question d'acceptation et de confiance en soi (et parfois même un peu d'exhibitionnisme), pas de courage.
Mais comme je sais que les choses prennent du temps à évoluer et à changer, dans notre société, je vais prendre mon mal en patience et continuer à me laisser inspirer et à accepter toujours un peu plus mes livres en trop en regardant la belle Ashley Graham se rouler dans des draps en portant un itsy bitsy teenie weenie ensemble de lingerie.
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Ex-rédactrice en chef des magazines ELLE Québec, ELLE Canada et VÉRO, Joanie Pietracupa est aujourd'hui journaliste et autrice. Elle collabore avec Châtelaine, à titre de rédactrice mode, beauté et culture, depuis plusieurs années.
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