Nutrition

Alimentation végane: «Moi, je ne pourrais pas me passer de fromage»

«Devenir végane est de loin le changement le plus radical que j’aie fait dans ma vie. Un changement qui s’est effectué par étapes», nous explique Élise Desaulniers dans son tout dernier billet de blogue.

On est en 2008, l’année de Slumdog Milionnaire et de l’élection de Barack Obama. Je viens de lire un essai sur les questions d’éthique animale et je ne peux plus justifier ma consommation de viande. Je commence par adopter un régime végétarien; à l’époque je ne connais même pas le mot «végane»! Et puis c’est une conversation toute banale avec mon amie Émilie qui ébranle un grand pan de mes convictions: «Paraît que les vaches, elles ne produisent pas naturellement du lait. Elles le font parce qu’on les force à le faire. Tu es au courant?» J’ai honte, j’aurais dû savoir ça. Pourquoi les vaches seraient-elles différentes des autres mammifères? Pour donner du lait, il faut qu’elles donnent des veaux. Et que faisait-on des vaches vieillissantes? De la viande. Mon petit monde enchanté de végétarienne s’effondre.

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Photo: iStock

Pendant mes études, je me nourrissais exclusivement de fromage sur des biscuits soda. Devenue adulte, je me fais des grilled cheese en rentrant du travail et gagne enfin assez d’argent pour me payer de «bons» fromages québécois et importés. Mais si je veux être cohérente, je dois arrêter de manger du fromage. Ce n’est qu’un nouveau pas, mais il me semble impossible à franchir. Je peux très bien vivre sans jambon ou poisson, mais je n’imagine pas mon monde sans cheddar, gruyère, cantal ou chèvre. Le fromage est partout dans ma vie.

Comme beaucoup d’autres avant moi, je ferme les yeux et me bouche les oreilles. Je ne veux pas d’un monde sans fromage. Je cherche ensuite des fromages bios en essayant de me convaincre que ça peut faire une différence. Puis je me rends à l’évidence: la vie des vaches ne compte pas moins que celle des autres animaux et d’un point de vue environnemental, viande ou fromage, c’est un peu la même chose. J’arrête d’en acheter. Je commence à demander «sans fromage» au resto. J’ai quelques rechutes, mais peu à peu, mes envies disparaissent.

À LIRE: Et si les plats végés devenaient l’option par défaut?

«Pire que ça, c’est de la Vaseline»

Le docteur Neal Barnard, fondateur du Physicians Committee for Responsible Medicine (PCRM), est spécialiste des questions de dépendances alimentaires. Il vient de faire paraître The Cheese Trap  où il ne mâche pas ses mots lorsqu’il décrit le fromage: «Bourré de calories, riche en sodium, contenant plus de cholestérol que le steak et saupoudré d’hormones – pire que ça, c’est de la Vaseline. Certains aliments font engraisser, d’autres créent une dépendance. Le fromage fait engraisser et crée une dépendance.»

Comment le fromage peut-il créer une dépendance? À cause de la protéine du lait, la caséine, qui contient des opioïdes. Quand les bébés (humains ou veaux) tètent leurs mères, ils reçoivent leur petite dose de drogue qui les récompense et les calme. Une tasse de lait de vache contient 7,7 g de protéines, dont environ 80 % de caséine. Le problème émerge quand on transforme le lait en fromage: la concentration de protéine est multipliée par 7 pour atteindre 56 g par tasse. Barnard, qui n’a pas peur d’utiliser un langage imagé, parle de crack laitier, rien de moins.

À cette hypothèse, j’ajouterais que notre goût est aussi celui de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs du pléistocène pour qui les denrées étaient rares. Celles qu’on trouvait manquaient de gras et de sel. Devant une pièce de viande charnue, il ne fallait pas hésiter, car notre survie en dépendait. L’évolution s’est donc chargée de «sélectionner» les goûts adaptés à ce type d’environnement. De nos jours, la situation est évidemment différente: il suffit généralement de passer à l’épicerie pour trouver tout ce dont on a besoin. Pourtant, on a toujours à peu près les mêmes papilles gustatives et le même cerveau que nos ancêtres. Or, le fromage, c’est justement gras et salé. Dans 100 g de roquefort, par exemple, on trouve 31 g de lipides et 1 809 mg de sel.

Les Producteurs laitiers du Canada nous encouragent à consommer fromages et autres produits laitiers pour prévenir une foule de maladies. Mais les spécialistes indépendants ne partagent pas tous cet avis. Même s’il est extrêmement difficile d’établir une corrélation entre produits laitiers et problèmes de santé, on sait par exemple que boire du lait augmente le risque de cancer du sein ou de la prostate sans pour autant protéger contre l’ostéoporose. Une importante étude de la Harvard T.H. Chan School of Public Health montre aussi que remplacer les matières grasses laitières par des graisses végétales (huile de coco) ou des graisses polyinsaturées (huile de tournesol, de pépins de raisin, de noix…) fait respectivement chuter le taux de maladies cardiovasculaires de 10 % et 24 %.

De façon plus générale, l’American Dietetic Association rappelait l’automne dernier qu’un régime végétalien est adéquat à tous les stades de la vie et qu’il peut contribuer à la prévention et au traitement de l’obésité, des maladies cardiaques, du diabète et du cancer.

À LIRE: Alimentation végétalienne: 5 questions à une nutritionniste

Se donner la chance d’essayer

Le Dr Martin Juneau, cardiologue et directeur du Centre de médecine préventive et d’activité physique, n’hésite pas à recommander l’adoption d’un régime végétalien à ses patients: «Avec ça, on ne les revoit plus jamais et ils ne veulent pas revenir en arrière. Si les trois quarts des cardiaques étaient végétaliens, on n’aurait plus de patients! L’ex-président Bill Clinton – quadruple pontage coronarien – était condamné par la médecine; il a adopté le végétalisme grâce au Dr Ornish et perdu 40 livres. Il devrait être mort, et cela fait 10 ans.»

Martin Juneau mentionnait aussi récemment que la majorité de ses collègues n’était vraiment pas au fait des dernières études en nutrition. C’est souvent par méconnaissance ou par paternalisme («Les patients ne feront jamais ça, à quoi bon leur en parler!») que les cardiologues privilégient l’approche traditionnelle, lourdement médicamentée, aux simples changements d’habitudes alimentaires.

Il peut être difficile pour les professionnels de la santé qui n’en ont pas fait l’expérience eux-mêmes de parler d’alimentation végétalienne. C’est peut-être pourquoi 19 infirmières associées à l’Université George Mason en Virginie ont décidé de s’y initier. Elles ont participé à un Défi végane 21 jours tout en se soumettant à une étude minutieuse sur leur santé. Les résultats de leur expérience viennent d’être publiés dans The American Journal of Nursing. La viande, les produits laitiers et les œufs ont été exclus de leur diète, de même que les aliments très transformés comme la farine, le sucre, et l’huile. Au début du programme, les participantes ont noté leurs poids et leurs niveaux de cholestérol. Elles suivaient ensuite les recettes proposées dans différents programmes ou leurs propres recettes. Elles n’étaient pas limitées quant au nombre de calories ingérées.

Comment ont-elles réagi? Les trois quarts d’entre elles ont vu leur taux de cholestérol diminuer et la moitié ont vu leur poids diminuer de 4,4 livres en moyenne. Alors que seulement 11 % étaient satisfaites de leur niveau d’énergie et 6 % de leur santé en général avant le programme, ces proportions sont passées respectivement à 41 % et 44 %. Enfin, et c’est peut-être le plus important, les infirmières qui ont participé à l’étude voient maintenant l’alimentation végétalienne comme une option viable pour prévenir et traiter les maladies chroniques.

Au Québec, ce sont près de 15 000 personnes qui ont participé aux différentes éditions du Défi végane 21 jours. Elles l’ont fait pour leur santé, l’environnement, les animaux – et bien souvent, tout ça en même temps. Comme les infirmières américaines, elles se sont donné une chance d’essayer. Elles ont découvert de nouvelles recettes, de nouveaux restos et ont réalisé qu’il était tout à fait possible de vivre sans poisson, viande, œufs et, surtout, sans fromage.

À LIRE: Resto: 10 adresses véganes

Cinq trucs pour remplacer le fromage:

  1. Faites votre propre fromage de noix en quelques minutes avec des noix de cajou trempées. Vous pouvez aussi apprendre à faire des fromages cendrés et même de la mozzarella en consultant les recettes publiées dans le dossier «Fromages végétaux» dans le dernier numéro du magazine Véganes.
  2. Ajoutez de la levure alimentaire et de nouvelles herbes à vos salades, pâtes, pizzas.
  3. Essayez le nouveau fromage végétal de Pizza Pizza!
  4. Le houmous et les avocats ajouteront un peu de moelleux dans vos sandwichs.
  5. Découvrez les fromages végétaux faits près de chez vous. Celui de Gusta, par exemple, est génial gratiné. Celui de Veg nature fera fureur à l’apéro. Le gruyère de Zengarry est délicieux en fondue.

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Élise Desaulniers est l’auteure de Je mange avec ma têteVache à lait et Le défi végane 21 jours. Elle est également derrière Le défi végane 21 jours.

 

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