«Vindredi », 5 à 7, sortie de filles, rien de mal à prendre un verre… Un peu comme si la liberté avait un petit goût de Cosmopolitan, depuis la série Sex and the City. Et les fabricants l’ont compris. L’arrivée chez les détaillants de boissons aromatisées aux fruits ou de vins au nom coquet – Cupcake, Ladybug – le prouve. Le marketing vise les femmes, c’est évident, selon Catherine Paradis, analyste principale au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, organisme qui étudie la consommation d’alcool et de drogues des Canadiens. « Je n’ai rien contre le fait que les produits soient adaptés de cette façon. Ce qui me vexe, c’est quand des publicités utilisent le prétexte de l’égalité des sexes pour nous inciter à boire comme des hommes. Là, c’est pervers et non éthique. »
Résultat : nous buvons trop, et de plus en plus. La proportion de Québécoises d’au moins 18 ans qui ont déclaré avoir consommé plus de cinq verres en une seule occasion au cours d’une année est passée de 7,7 % en 2000-2001 à 11 % en 2009-2010.
[custom_content]
Catherine Vincent, médecin spécialiste des maladies du foie, constate les ravages de ce changement. « Quand j’ai commencé ma pratique il y a 15 ans, les femmes hospitalisées pour des problèmes liés à l’alcool étaient rarissimes. Maintenant, c’est courant », dit-elle.
Qu’est-ce qui nous pousse à boire plus qu’avant ? Des chercheurs ont d’abord avancé que c’étaient notre entrée sur le marché du travail et la multiplication de nos rôles qui avaient engendré notre goût accru pour l’alcool. Bien sûr, l’appel du gin tonique se fait peut-être entendre un peu plus fort lorsqu’on a passé sa journée à gérer des dossiers stressants, puis sa soirée à jongler avec la marmaille…
Les données les plus récentes tendent toutefois à prouver que la conciliation travail-famille n’est pas en cause. « Une mère de deux jeunes enfants ne va pas se saouler dans son salon un mercredi soir, explique Catherine Paradis. Par contre, dans un bar, avec ses amies et un DJ qui hurle que les shooters sont à 2 $, il est possible qu’elle dépasse la limite. » Trop boire serait donc une question de contexte. Et ce n’est pas sans impacts sur notre santé.
Les décès attribuables à l’alcool ont augmenté de 26 % chez les femmes depuis 2001 au pays. Et le nombre d’hospitalisations qui y sont liées a atteint 25 000 en 2017, soit 3 % de plus que l’année précédente.
Pourtant, lorsqu’on parle d’excès, les Québécois ne s’inquiètent que de deux choses : l’alcoolisme et la conduite avec facultés affaiblies, estime Hubert Sacy, directeur général d’Éduc’-alcool, organisme qui prône la modération. Il existe pourtant bien d’autres risques, dont l’augmentation des probabilités de cancer de la cavité buccale, de l’œsophage, du côlon, du rectum, du foie et du sein...
Pour les femmes, les écueils sont plus nombreux. Cardiopathie, AVC, hépatite… Elles sont plus susceptibles de développer ces maladies que les hommes si elles ne respectent pas la limite de deux verres quotidiens, et pas tous les jours. De quoi y songer avant de se servir un troisième verre !
Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
Après des études en chant classique au Conservatoire de musique de Québec, Andréanne Moreau a complété son baccalauréat en journalisme à l'Université du Québec à Montréal (UQÀM) et est devenue journaliste dans les hebdos locaux de TC Média, sur l'île de Montréal. C'est là qu'elle s'est fait remarquer pour ses portraits et ses reportages près du style du magazine et a été recrutée par Châtelaine. Pendant trois ans, elle y a couvert l'actualité féministe mondiale dans la section Planète Femmes, la santé et l'activité physique. Elle a également réalisé quelques longs reportages, notamment au sujet de la grossophobie médicale, de la libido et de l'anatomie féminine. Andréanne met maintenant sa plume au service de l'Orchestre Métropolitain et de son chef d'orchestre Yannick Nézet-Séguin, pour qui elle est conseillère en communications et relations publiques.
ABONNEZ-VOUS À CHÂTELAINE
Joignez-vous à notre communauté pour célébrer la riche histoire du magazine Châtelaine, qui souligne ses 65 ans en 2025. Au programme : de nouvelles chroniques, une couverture culturelle élargie, des reportages passionnants et des hommages touchants aux femmes inspirantes qui ont eu une influence positive et durable sur notre société.