On a beau bien manger, certains aliments ne nous conviennent pas. Mais s’agit-il d’une allergie, d’une intolérance ou de sensibilité ? Nous avons les réponses.
J’ adore les ananas. Tous les matins, je pouvais manger la moitié de ce fruit exotique. Un jour, une bosse douloureuse est apparue sous ma mâchoire inférieure. Mon médecin était perplexe ; mon dentiste aussi. Puis, j’ai remarqué que la masse était plutôt discrète au réveil et se mettait à enfler à l’heure du petit-déjeuner. « Arrête de te bourrer d’ananas », m’a alors ordonné ma mère. Dans sa jeunesse, ce fruit lui avait valu d’être conduite à l’hôpital avec de violentes douleurs abdominales. Comme les allergies ont souvent une composante héréditaire, j’ai suivi son conseil. Ma bosse suspecte a fini par disparaître.
« Quand l’organisme commence à développer une allergie, on éprouve parfois des symptômes bizarres, comme des picotements ou une enflure des muqueuses, explique le Dr Michel Petit, à la tête de la Clinique d’allergie, à Rosemère. Si on persiste à consommer cet aliment, une réaction beaucoup plus grave peut se produire. » L’asthme, la crise d’urticaire, le boursouflement des yeux, les crampes abdominales sont des réactions du système immunitaire contre une substance qu’il croit dangereuse. Mais il y a pire : une enflure de la gorge, une difficulté respiratoire et une baisse anormale de la tension artérielle indiquent un choc anaphylactique. Sans une injection ou deux d’épinéphrine, cette réaction peut être fatale.
Allergique au pollen, donc aux fruits ?
On peut être allergique à n’importe quel aliment, mais une dizaine de suspects sont le plus souvent cités : les arachides, les noix et leurs huiles, les graines de sésame, le lait, les œufs, les poissons, les fruits de mer, les mollusques, le soya, le blé et la moutarde. On peut aussi souffrir d’une allergie croisée. Par exemple, les personnes allergiques au pollen (ce qui est mon cas) peuvent l’être aussi à certains fruits, comme l’ananas ou le kiwi. « Il est toujours préférable de voir un spécialiste qui confirmera le diagnostic grâce à un test cutané », dit le Dr Petit. S’il se révèle positif, on doit dire adieu à l’aliment incriminé. Car, en ce qui concerne les allergies alimentaires, les traitements de désensibilisation ne sont pas encore au point.
L’intolérance : digestion chamboulée
Si on ressent des crampes abdominales après avoir bu du lait, on ne souffre pas d’allergie mais plutôt d’intolérance alimentaire. La différence ? Une allergie implique le système immunitaire, qui provoque des réactions subites au niveau de la peau, des voies respiratoires et de l’appareil digestif. L’intolérance, elle, se manifeste un certain temps après l’ingestion. La quantité d’aliments nécessaire pour déclencher une réaction diffère aussi. Un microscopique morceau d’arachide peut provoquer un choc anaphylactique. Mais une seule goutte de lait ne causera pas d’intolérance.
En fait, c’est une incapacité à digérer ou à absorber certaines substances qui entraîne cette dernière affection. Les sucres sont souvent en cause. Par exemple, les gens intolérants au lait ne digèrent pas le lactose, sucre du lait – la lactase, enzyme qui sert à assimiler le lactose, leur fait défaut. « Les bébés viennent au monde avec cette enzyme, mais elle a tendance à disparaître avec l’âge », explique le Dr Idriss Djilali-Saiah, immunologiste à l’Hôpital Sainte-Justine. Un adulte sur cinq serait intolérant au lactose. Les manifestations sont connues : ballonnements, crampes abdominales, diarrhée. Dans ce cas, on doit boire du lait sans lactose ou prendre des comprimés de lactase avant de consommer des produits laitiers.
Il existe aussi une intolérance au fructose, sucre que l’on trouve dans les fruits, certains légumes, le miel et les boissons gazeuses. « Les aliments industrialisés sont inondés de fructose de sirop de maïs, explique le Dr Mickael Bouin, gastro-entérologue au CHUM. Or, la capacité d’absorption de notre intestin est limitée et déterminée génétiquement : si nous dépassons ce seuil, nous éprouvons des symptômes comme des ballonnements, de la diarrhée, des gaz. »
La maladie cœliaque, qu’est-ce au Juste ?
Les intolérances au lactose et au fructose engendrent des malaises parfois pénibles, mais ne sont pas dangereuses pour la santé. Par contre, la maladie cœliaque – ou intolérance au gluten, une protéine qu’on trouve dans le blé, le seigle, l’orge, l’épeautre, le kamut – est plus grave. Cette affection se situe en quelque sorte à mi-chemin entre l’intolérance et l’allergie, car le gluten amène le système immunitaire à s’attaquer à l’intestin grêle. Mais, contrairement à l’allergie au blé – qui existe bel et bien et dont les symptômes apparaissent peu de temps après la consommation –, l’intolérance au gluten se manifeste dans le système digestif une heure ou plus après le repas. On ressent alors des ballonnements, des crampes abdominales, qui peuvent s’accompagner de vomissements ou de diarrhée.
À plus long terme, ces attaques répétées finissent par endommager la paroi de l’intestin et les nutriments sont moins bien assimilés. Les personnes atteintes peuvent souffrir d’anémie ou d’ostéoporose, parce que le fer et le calcium sont mal absorbés. La maladie cœliaque augmente aussi les risques de cancer.
Elle est diagnostiquée au moyen d’un prélèvement sanguin et d’une biopsie de l’intestin grêle. Si on soupçonne le gluten d’être la source de ses malaises, il faut passer un test pour éviter des dommages permanents. Car si le diagnostic se confirme, il faut à tout prix bannir le gluten de son assiette. « On a longtemps pensé que cette intolérance existait surtout chez les enfants, note le Dr Djilali-Saiah, mais on diagnostique aujourd’hui cette maladie chez des gens de 80 ans ! »
Les naturopathes avaient-ils raison ?
Mais comment expliquer que, malgré des biopsies et des tests sanguins négatifs, des gens continuent à se plaindre de divers maux après avoir mangé du blé et d’autres produits contenant du gluten ? En 2011, une quinzaine d’experts de plusieurs pays sont arrivés à la même conclusion : ces personnes ont une sensibilité au gluten, et non une intolérance. « Elles éprouvent des malaises digestifs, des douleurs musculaires et articulaires et ont des éruptions cutanées, dit le Dr Djilali-Saiah, qui en rencontre beaucoup dans sa pratique. Mais les prises de sang sont négatives et les biopsies ne révèlent pas de dommages à l’intestin. » Quand elles retirent le gluten de leur alimentation, elles se portent mieux.
Mais si on peut ressentir autant de malaises en étant « sensible » au gluten, cela pourrait-il se produire également avec d’autres aliments ? Depuis des années, des praticiens de médecines naturelles prétendent que l’arthrose, la fibromyalgie, la fatigue, l’eczéma et tout un cortège de maux mal expliqués proviendraient du contenu de notre assiette. Il y a quelque temps, on rejetait cette hypothèse. Aujourd’hui, les spécialistes se montrent plus ouverts.
Des tests inutiles
« Même si on n’a jamais démontré qu’un aliment ou un groupe d’aliments était responsable de troubles comme les douleurs articulaires ou musculaires, c’est théoriquement possible, dit le gastro-entérologue Mickael Bouin. Après tout, la maladie de Crohn, une inflammation auto-immune de l’intestin, s’accompagne bien de douleurs articulaires. » Le Dr Djilali-Saiah est d’accord. « Le problème, c’est que, faute de résultats probants à des tests, les preuves scientifiques ne sont pas là », précise-t-il.
Il arrive que des examens coûteux soient recommandés par des praticiens de médecines douces : ce sont les tests d’IgG alimentaires et le test ImuPro300, prétendument capables de détecter la présence d’anticorps sécrétés en réaction à certains aliments. Selon les fabricants , ces tests sanguins révéleraient des sensibilités et des intolérances qui provoquent de l’inflammation dans l’organisme à l’origine de diverses dysfonctions. Reste qu’en 2012, la Société canadienne d’allergie et d’immunologie clinique a mis la population en garde : ces tests ne sont pas fiables.
Bien des gens peuvent avoir des résultats positifs sans connaître de problèmes de santé. Ou inversement, obtenir un faible taux d’IgG et présenter une allergie pouvant mettre leur vie en danger. « Ce n’est pas parce qu’on développe des anticorps qu’on est allergique ou intolérant », ajoute le Dr Bouin.
Ces tests ne diagnostiquent pas grand-chose et, en plus, ils coûtent très cher (de 400 $ à 700 $). Ce qui n’exclut pas, par contre, l’existence de sensibilités particulières. « Il est possible que nous réagissions mieux à certains aliments qu’à d’autres », note le Dr Michel Petit.
Aussi, les additifs chimiques, les agents de conservation, les colorants et certains sucres artificiels comme le sorbitol peuvent être mal tolérés par l’organisme. « Une façon d’éviter les problèmes d’hypersensibilité est de manger le moins transformé possible », ajoute-t-il.
Notre intestin héberge quelque 100 000 milliards de bactéries, déterminées en partie par ce que nous mangeons. « Certains types de bactéries pourraient libérer des substances susceptibles de mener à des inflammations chroniques silencieuses, conclut le Dr Petit. Mais les recherches en sont encore aux balbutiements… »
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