Ma parole!

Du recul

Que peut-on dire face aux attentats de Paris? Devons-nous toujours nous prononcer sur tout, dans l’urgence? Geneviève Pettersen se pose la question.

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Du recul, c’est de ça dont j’avais besoin pour vous parler des attentats parisiens. Comme tout le monde, j’ai assisté à l’horreur en direct vendredi soir. Ç’a commencé sur mon fil Twitter. On parlait d’une fusillade. Après, ç’a été Facebook, puis les notifications émanant de La Presse et de Radio-Canada ont commencé à assiéger mon téléphone intelligent. Il se passait quelque chose de grave. De très grave. Et toute la planète avait les yeux rivés sur la France.

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On n’a pas compris tout de suite ce qui se déroulait vraiment à l’intérieur des murs parisiens. On ne savait rien mais, déjà, plusieurs médias et quidams y allaient de leurs analyses et de leur interprétation. Vite, comme chroniqueuse, j’ai ressenti la pression de dire quelque chose moi aussi. Après tout, c’est mon travail de partager mes pensées sur mille sujets avec vous. Comme tout le monde, j’imagine, j’ai ouvert ma radio, allumé ma télé. Je n’y ai rien appris de nouveau.

Mandatory Credit: Photo by REX Shutterstock (5398787b) The Eiffel Tower lit up in the red, white and blue of the French flag Tributes to the victims of the Paris terrorist attacks, Paris, France - 18 Nov 2015

La tour Eiffel était illuminée en rouge, blanc et bleu du drapeau français, en hommage aux victimes des attaques terroristes. Photo: REX/Shutterstock

 

Dans les jours qui ont suivi les attaques, j’ai lu et relu beaucoup d’articles sur Daech (le groupe État Islamique). Je voulais me faire une tête et le temps pressait. Je ne voulais pas être la dernière à chroniquer sur le drame. J’étais dans une impasse parce que, dans ce cas-ci, c’était vraiment « Damn if you do, damn if you don’t ». Autrement dit, ç’aurait été étrange et inapproprié si j’avais écrit un billet sur un sujet quelconque, comme le bordel dans le garde-robe de ma chambre, mettons. En même temps, je n’allais quand même pas partager avec vous mon interprétation « boboche » des événements, encore moins écrire un texte larmoyant sur comment j’ai été touchée par l’horreur, la vraie, vendredi dernier.

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Je venais de mettre le doigt sur mon malaise. C’est de ça qu’il s’agissait au fond, de l’espèce d’indécence qu’il y avait à s’approprier le drame et à tirer la couverte chacun de son bord. Les « experts », chroniqueurs et personnes du public ronronnaient sur différentes plateformes à propos des événements, se battaient à savoir qui allait émettre l’opinion la plus « originale », la plus humaine ou la plus éclairante. Comme s’il y avait une course au commentaire qui allait devenir le plus viral. Puis il y a eu les hecto-tonnes de commentaires racistes, et la petite xénophobie larvée a fait son entrée par la grande porte. Mon dieu que j’étais découragée. J’avais honte. Honte de nous. J’étais mortifiée à l’idée qu’on se serve de ces attentats terroristes pour se faire du capital médiatique ou pour s’attirer des clics de sympathie. Je n’en revenais pas non plus que les discours racistes aient leur place aux bulletins de nouvelles, sur Twitter et à la radio. Je ne savais pas plus ce que j’allais écrire à propos de Paris. Mais j’ai su, à ce moment là, ce que je n’écrirais pas. Je n’allais pas participer à ce cirque et à cette indécence. J’allais me la fermer et prendre du recul. J’allais avaler ma pilule d’horreur de travers, avec même pas de verre d’eau, et je n’allais surtout pas vous recracher l’espèce de bouilli qui allait inévitablement ressortir de moi au bout de quelques jours. Oui, je choisis de me taire. Parce que comme dirait ma mère, vaut mieux parfois se taire que dire des niaiseries.

 

Pour écrire à Geneviève Pettersen: genevieve.pettersen@rci.rogers.com
Pour réagir sur Twitter: @genpettersen
Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)

 

 

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