Je me couche tôt, parce que j’ai de grosses journées. Mais, comme chaque fois que je dois absolument dormir, ça ne marche pas. Mon chéri me rejoint plus tard, le chat aussi. Au bout de cinq minutes, ils ronflent. Pas moi.
Ce qui m’agite la veille d’événements stressants s’appelle de l’insomnie passagère. Une personne sur trois partage avec moi ce désagrément épisodique, à cause de préoccupations, de problèmes de santé ou d’une mauvaise hygiène de vie ou de sommeil. Mais 1 sur 10 le vit en mode chronique – pour que ce soit considéré comme tel, les symptômes doivent se répéter au moins trois nuits par semaine pendant au minimum un mois. Les femmes y seraient-elles plus sujettes que les hommes ? « En laboratoire de sommeil, on n’observe aucune différence entre les deux sexes », indique le Dr Bernard Guay, médecin consultant au Centre d’étude des troubles du sommeil de Québec. Son explication ? « Il y a une part de subjectivité dans l’insomnie. Bien des insomniaques dorment plus qu’ils ne le croient. »
J’ai plusieurs amies qui sprintent toute la journée et qui devraient, le soir venu, sombrer dans le coma. Mais non, elles restent les yeux grands ouverts dans le noir. Les spécialistes parlent d’hypervigilance. Un trouble touchant les anxieuses et les perfectionnistes qui ne parviennent pas à décompresser à l’heure du coucher.
Un motif de consultation très répandu, selon Laura Creti, psychologue et chercheuse à la Clinique d’insomnie Montréal de l’Hôpital général juif. « On a tous besoin d’une période d’apaisement de 30 minutes à une heure avant d’aller au lit. C’est la base de l’hygiène du sommeil », dit-elle. On en profite pour fermer l’ordinateur, la tablette ou le téléphone, car la lumière bleue émise par ces appareils stimule le système nerveux. Mais où trouver ces précieuses minutes ? Si on court jusqu’au moment du dodo, c’est qu’on a trop de choses à faire. Il faut placer le sommeil en haut de sa liste de priorités, insiste Roger Godbout, psychologue et chercheur responsable de la Clinique d’évaluation diagnostique des troubles du sommeil de l’Hôpital Rivière-des-Prairies. « Si nécessaire, couchez les enfants plus tôt ! »
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Mais parfois l’insomnie s’accroche. La cause ? « Souvent, la peur de ne pas dormir. On s’étend, on ne dort pas, on panique et on sécrète du cortisol, une hormone de stress qui garde éveillé », répond Laura Creti. Il est préférable de consulter son médecin dans ce cas. Au besoin, celui-ci pourra nous diriger vers une clinique du sommeil pour un bilan de tous les facteurs susceptibles d’être en cause, de l’hygiène de vie à la gestion du stress en passant par les problèmes psychologiques. « Entre 40 % et 50 % des insomniaques souffrent d’anxiété ou de dépression à différents degrés », rapporte le Dr Guay.
Toutes ces cliniques proposent la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), considérée par les experts comme la plus efficace contre l’insomnie rebelle. Elle consiste à enseigner au patient à changer ses habitudes de vie, son comportement et ses perceptions face à l’endormissement. Pour briser l’équation « lit égale insomnie », les cliniques font aussi appel à la méthode dite de restriction du sommeil. « Il s’agit plutôt d’une restriction du temps passé couché sans dormir, précise Laura Creti. Si on ne s’est pas assoupi au bout de 15 minutes, on se lève et on fait autre chose. Le lit doit rester associé au dodo. » C’est dur de s’extirper des couvertures au milieu de la nuit, et les patients finissent par se fatiguer. Alors la privation de sommeil porte ses fruits : quand ils sont au pieu, ils dorment ! On se penche aussi sur les croyances des insomniaques, parfois convaincus que leurs nuits blanches les mèneront tout droit à la catastrophe. On leur apprend à se calmer à l’aide de techniques de relaxation.
Pourtant reconnue comme la stratégie la plus efficace, la TCC demeure trop peu accessible. Pourquoi ? D’abord, le système de santé cherche à réduire ses coûts. Rares sont les cliniques de sommeil qui l’offrent gratuitement. Ensuite, les médecins sont peu sensibilisés à ces troubles. « À peine quelques heures sont consacrées à l’insomnie dans toute leur formation », dit le psychologue Roger Godbout. Et « comme les docteurs n’ont pas le temps d’éduquer leurs patients en matière de sommeil, ils vont plutôt prescrire un anxiolytique », soulève le Dr Guay.
Voilà qui nous amène aux fameuses « pilules pour dormir ». Prenons les benzodiazépines, une classe qui comprend l’Ativan (lorazépam), le Serax (oxazépam) et le bon vieux Valium (diazépam). On sait aujourd’hui que ces composés entraînent de la dépendance, des troubles de la mémoire et des symptômes de sevrage. De plus, comme des études récentes semblent indiquer qu’il existe un lien entre ceux-ci et la maladie d’Alzheimer, il vaut mieux en effet... les oublier.
D’autres familles de médicaments mieux tolérés peuvent être prescrites. Par exemple, la zopiclone et le zolpiderm (Sublinox), deux molécules qui engendrent peu de dépendance, d’effet rebond et de problèmes de mémoire. « Pendant un suivi de trois ans, on n’a constaté aucun de ces effets secondaires chez nos patients », note le Dr Guay, qui les considère comme les moins mauvais des remèdes. Certaines de mes copines en ont sous la main, juste au cas... « Savoir que ces pilules sont là me permet de relaxer et de m’assoupir », m’a confié l’une d’elles. Encore une fois la hantise de ne pas dormir qui tient éveillée.
C’est la seule plante qui ait un effet réel sur le sommeil. « Son mode d’action ressemble à celui des benzodiazépines, mais en plus modeste », explique Jean-Louis Brazier. Son composé actif est l’acide valérianique, qui réduit l’anxiété. On recommande cependant de ne pas la consommer pendant une période de plus de 15 jours. Il faut diminuer peu à peu son utilisation, sinon l’insomnie reviendra en force. Prendre de la valériane peut être dangereux si notre médecin nous a déjà prescrit des benzodiazépines.
Cette hormone règle nos cycles d’éveil et de sommeil. Elle est sécrétée à partir de 20 h et sa production diminue en fin de nuit. Les données cliniques attestent son efficacité en cas de décalage horaire. « Mais si l’insomnie est provoquée par d’autres causes, ça ne marchera pas. » On prend les comprimés une demi-heure avant le coucher. Il en existe à libération rapide (la forme ordinaire) – qui aident à s’endormir plus vite – et d’autres à libération prolongée – utiles si le décalage cause plutôt des réveils nocturnes.
Il agit sur l’humeur, comme un antidépresseur. Aucun effet sur le sommeil, à moins que celui-ci ne soit perturbé par la dépression. Il est responsable d’interactions médicamenteuses parmi les plus sérieuses, notamment avec la pilule contraceptive, dont il réduit l’efficacité. « Le consommer avec d’autres antidépresseurs peut avoir des conséquences graves », précise le pharmacologue.
Ces plantes sont souvent ajoutées aux tisanes qui contiennent de la valériane. Mais, isolément, elles n’ont aucun effet démontré.
Ils sont tout à fait inopérants. « Si ces comprimés font dormir, c’est grâce à l’effet placebo. Le sommeil, comme la douleur, y est particulièrement sensible. »
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