Santé

Le plaisir de changer ses habitudes – oui, vraiment !

Mieux manger, bouger davantage, être plus présente auprès de sa famille… Malgré notre bonne volonté et des essais répétés, on peine parfois à se défaire de mauvais plis ou à améliorer nos habitudes. Les trois clés du succès, selon les experts? Des objectifs réalistes – petits pas plutôt que bouchées doubles –, de l’indulgence et, surtout, du plaisir!

Photo: Stocksy/Léa Jones

Sans aspirer à la perfection (on laisse ça à Meghan Markle), qui n’aimerait pas arriver à troquer quelques-unes de ses mauvaises habitudes contre de plus saines? Mais pourquoi est-ce si difficile de lâcher la cigarette ou de modifier sa routine? Presque invariablement, on revient à la case départ au bout de quelques heures, jours, semaines… Que faut-il donc faire pour changer pour de bon? Réponse des experts: avant toute chose, avoir du fun!

Se remettre au sport 

Les études sont formelles: même les plus téléphages d’entre nous, incrustées dans leur sofa depuis des années, peuvent apprendre à avoir du plaisir en faisant de l’exercice. Car le sésame du changement, c’est l’agrément!

« Il faut arrêter de se cogner au même mur. Nos cerveaux sont programmés pour obtenir une récompense instantanée », affirme Michelle Segar, psychologue et autrice du livre No Sweat: How the Simple Science of Motivation Can Bring You a Lifetime of Fitness  [traduction libre: Comment la science de la motivation peut vous aider à être en forme pour le reste de votre vie sans suer].

Autrement dit, chaque fois que la tentation de regarder District 31 en pyjama au lieu d’aller nager devient trop forte, il faut se rappeler l’état de bien-être qu’on ressent après avoir bougé et l’impact positif de l’exercice sur notre humeur ou nos petits bobos. En se concentrant ainsi sur les bienfaits immédiats que procure l’entraînement plutôt que sur des objectifs abstraits à long terme, comme la perte de poids, on apprivoise ce mode de vie plus sain. On en devient même accro!

« Le sport aide à se concentrer, à être plus productive, plus heureuse et moins stressée », rappelle Michelle Segar, qui a abondamment étudié les liens entre l’exercice et la motivation en tant que directrice d’un centre de recherche sur l’activité physique et la santé à l’Université du Michigan.

Cette recherche de bien-être implique évidemment de privilégier des activités physiques qu’on aime vraiment, conseille Chloé Rochette, cofondatrice de Happy Fitness, une entreprise québécoise qui aide les femmes à bouger et à mieux s’alimenter. « Ça peut être la marche, la natation ou un cours de danse avec des amis. Quelque chose qui nous apporte du bonheur et de la fierté au quotidien. »

Le plaisir n’exclut pas pour autant de se fixer des objectifs. Mais attention: les cibles doivent respecter le gros bon sens. S’engager à courir 5 km tous les jours au saut du lit ne peut mener qu’à un échec retentissant.

On oublie donc le « tout ou rien ». Courir 15 minutes parce qu’on manque de temps vaut mieux que de ne pas courir du tout. Arriver en retard à un cours d’aérobique est mieux que de ne pas s’y présenter. « Il faut ajouter du mouvement partout où on le peut. Marcher 5 minutes jusqu’au métro compte. Ça fait 10 minutes de plus par jour ou 70 minutes par semaine, ce n’est pas rien », ajoute Chloé Rochette.

Ces dosettes d’exercice ont aussi un effet motivant, selon elle, puisque c’est à force de se fixer de petits objectifs réalistes – et de les atteindre – qu’on finit par avoir envie d’en faire plus.

Autre secret du succès: on amorce le changement dès maintenant! Le reporter à lundi prochain, au début du mois qui vient ou à la nouvelle année qui commence n’a rien de magique, estime l’entraîneuse. « J’ai l’impression que les gens finissent par abandonner parce qu’ils voient le changement comme temporaire, en prévision d’un mariage ou d’un voyage, par exemple. Il faut modifier son approche et se demander comment améliorer sa vie à partir d’aujourd’hui, et pour toujours », dit-elle.

Mieux s’alimenter 

Manger mieux? Cela passe par l’établissement d’objectifs réalistes et atteignables. Ici aussi, l’ingrédient clé (sans mauvais jeu de mots!) n’est autre que le plaisir, basé sur des motivations concrètes au quotidien, estime la nutritionniste Caroline Cloutier. Par exemple, prendre conscience que, lorsqu’on mange bien, on se sent plus légère et on a plus d’énergie en fin de journée. Se concentrer sur ces bénéfices immédiats et agréables est bien plus efficace à long terme que n’importe quelle stratégie alimentaire sophistiquée.

Caroline Cloutier rappelle que, trop souvent, on modifie son alimentation pour perdre du poids en fonction d’un événement spécial. « Mais une fois cet objectif atteint, qu’est-ce qui va nous motiver à continuer à bien manger? Et si on ne parvient pas à notre but, le découragement nous gagne et on est portée à abandonner nos bonnes résolutions. » Tout cela sans parler de tous ces régimes détox supposément miraculeux – impossibles à tenir à long terme – dont on nous rebat les oreilles chaque début d’année.

La suggestion de la nutritionniste: « Faisons place à la découverte d’aliments plutôt que de nous acharner à en proscrire certains. » Elle conseille, par exemple, de choisir une nouvelle sorte de pain de blé entier, mais de continuer à manger des pâtes blanches, si c’est ce qu’on préfère. Ou de goûter une protéine végétale, comme le tempeh, originaire d’Indonésie, produit à partir de fèves de soya fermentées. « Pourquoi ne pas essayer une recette par semaine ou par mois? » Tranquillement, la diversité s’installe et de nouveaux aliments sains s’intègrent tout naturellement et pour de bon à nos menus.

Manger un biscuit (ou deux…) est loin d’être la fin du monde, puisqu’on vise l’équilibre, et non la perfection, à long terme. Cela dit, un peu d’introspection ne fait jamais de mal, selon Monique Brillon, psychologue et autrice du livre Changer avec la psychothérapie. « Si, intérieurement, manger mon sac de chips me réconforte à ce point, ce sera toujours difficile de me modérer. » Dans ce cas, il pourrait y avoir lieu de creuser davantage cette dépendance, plus émotionnelle qu’alimentaire, auprès d’un spécialiste.

Mieux dormir

Jouir de davantage d’heures de sommeil? Voilà une excellente résolution, estime Sophie Poulin, inhalothérapeute et directrice adjointe des soins du sommeil chez Biron Groupe Santé, entreprise québécoise offrant de nombreux services en soins de santé.« Bien dormir est aussi important que de bien manger ou faire de l’exercice. C’est la base de la santé », affirme-t-elle. La fatigue ne fait pas que creuser les rides et les cernes. Elle augmente aussi les risques de souffrir de dépression et d’une foule de maladies, dont le cancer et les troubles cardiovasculaires. Et, même en excluant la maladie, pensons à tout le plaisir dont on se prive dans la vie quand on n’a ni entrain ni énergie!

Heureusement, mieux dormir est assez simple. « Le principal facteur à améliorer, c’est l’environnement », dit Sophie Poulin, qui conseille une chambre sombre, fraîche – de 15 à 21 degrés, selon les experts – et à l’écart du bruit.

Elle recommande aussi d’établir une routine, comme on le fait pour les enfants. « Ça fonctionne vraiment bien », assure-t-elle. Le programme pré-dodo type: de 30 à 60 minutes avant de se coucher, on s’adonne à une activité relaxante, comme écouter de la musique, prendre un bain, ou lire – à condition que ce ne soit pas sur une tablette ou un téléphone intelligent, qui émettent de la lumière bleue empêchant le cerveau de sécréter la mélatonine dont on a besoin pour s’endormir. On évite les boissons caféinées et alcoolisées quelques heures avant d’aller au lit. Et si le sommeil ne vient pas, malgré tout? On se lève et on refait la routine.

Diminuer sa consommation d’alcool

L’alcool est intimement associé au plaisir, à la détente, aux bons moments entre amis. Pas étonnant qu’on ait tant de mal à s’en passer, même si on sait qu’un verre de vin contient plus de 100 calories (autant qu’un verre de lait au chocolat!), même si on a lu mille fois que l’abus risque d’avoir des effets sur la santé mentale et physique, l’attention, la mémoire et l’humeur.

« Le meilleur conseil qu’on puisse donner, c’est de ne pas viser l’abstinence totale, mais bien une réduction raisonnable, un verre à la fois », dit la Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. On y arrive en se fixant des objectifs concrets et mesurables. Non pas « boire moins de vin » (trop vague, on a essayé!), mais plutôt une limite précise, par exemple 2 verres par jour et un maximum de 10 par semaine – ce qui équivaut à une consommation modérée selon Éduc’alcool.

« C’est important de miser sur la qualité, et non la quantité », conseille pour sa part la nutritionniste Caroline Cloutier. Elle suggère de remplacer l’alcool par une infusion ou une eau pétillante, servie dans une belle coupe, garnie de feuilles de menthe ou de morceaux de fruits. On préservera ainsi le rituel qui entoure les boissons alcoolisées.

Chaque avancée compte, même une diminution d’un ou deux verres par semaine, selon la psychologue Christine Grou. « En thérapie, dit-elle, je donne souvent l’exemple de ceux qui gravissent l’Everest. Ils doivent monter puis redescendre sur une certaine distance plusieurs fois pour s’acclimater. Parfois, les gens ont l’impression de reculer, et je leur réponds que ce n’est que pour mieux avancer. »

Arrêter de fumer

« C’est facile d’arrêter de fumer. Je l’ai fait des centaines de fois », disait l’écrivain américain Mark Twain. Quiconque a déjà cessé de fumer sait, en effet, à quel point cette dépendance est tenace. Aussi, même si nos essais répétés se sont tous soldés par un échec, il ne faut pas nous décourager, selon Claire Harvey, porte-parole du Conseil québécois sur le tabac et la santé.

« Chaque fois qu’on est tombée, on en a appris un peu plus sur nous. Et ce n’est pas parce qu’on n’a pas réussi dans le passé que cette fois ne sera pas la bonne », dit-elle. Des chercheurs de l’Université de Toronto indiquaient en 2016 qu’il faut en moyenne une trentaine de tentatives avant de parvenir à écraser pour de bon.

« La dépendance à la nicotine est aussi forte que celle qu’entraîne l’héroïne. Il ne faut pas hésiter en parler à son pharmacien, qui peut suggérer un produit pour atténuer les symptômes de sevrage », fait valoir Claire Harvey. Elle ajoute qu’on peut doubler, voire tripler, ses chances de réussite si on jumelle ce traitement pharmacologique à une aide psychologique.

Elle conseille de déterminer une date d’arrêt et de s’imposer des limites petit à petit, à mesure que cette échéance approche. « On retarde la première cigarette quotidienne, par exemple, ou on se fixe un objectif de 20 cigarettes maximum la semaine qui vient, puis 10 seulement la semaine suivante. »

Autre truc éprouvé: établir une liste des déclencheurs qui nous poussent à fumer et les actions qui peuvent remplacer la cigarette (faire de l’exercice lorsque l’on est stressée, par exemple). Et encore une fois, ne jamais oublier le plaisir! « Il faut se récompenser. Arrêter de fumer est un exploit. On peut se payer une belle sortie au restaurant ou des gâteries avec l’argent qu’on économise tous les mois », souligne Claire Harvey.

Privilégier les moments en famille 

Happée par le boulot, l’école, les tâches domestiques ou les engagements sociaux, on réalise trop souvent qu’on ne passe pas assez de temps en famille et que ce plaisir manque à notre bien-être…

« C’est le lieu des relations les plus significatives, le siège de notre sécurité affective et un facteur important de santé mentale », avance la psychologue Christine Grou. (À se répéter comme un mantra, la prochaine fois que le petit fera le bacon à l’épicerie!) Pour changer les choses, il n’y a qu’une solution: faire de son cocon familial une priorité. « C’est se demander ce qui est plus important aujourd’hui », dit la psychologue. Si un enfant a besoin, maintenant, de se confier après une dure journée à l’école, le lavage de la salle de bain ne peut-il vraiment pas attendre au lendemain?

« On parle beaucoup du temps de qualité, mais il y a aussi le temps de quantité, renchérit Stéphanie Deslauriers, psychoéducatrice et auteure du livre Le bonheur d’être un parent imparfait. Quand j’étais jeune, j’écoutais parfois la télé pendant que ma mère était dans la cuisine. On n’était pas nécessairement en interaction, mais juste de savoir qu’on était ensemble, ça faisait du bien. »

Même les moments obligés du quotidien, comme la préparation des repas, l’heure du bain ou la lecture avant le dodo peuvent devenir des espaces privilégiés pour rire et se parler un peu. On peut faire participer les enfants à la préparation d’une recette qu’ils aiment, par exemple. « C’est le fun, lécher les fouets! » lance Stéphanie Deslauriers.

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