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Cafard, coup de blues, ennui, mélancolie, vague à l’âme… Quel que soit le nom qu’on lui donne, cette déprime passagère finit généralement par passer. Or, il arrive que cet état traduise une douleur plus profonde et durable; que nos bleus persistent et passent sournoisement au noir. Nous voilà en pleine dépression.
Si votre premier réflexe devant un proche déprimé est de lui dire de se secouer ou de lui faire la morale, sachez que si cette personne est aux prises avec un épisode de dépression majeure, ces paroles teintées de jugement s’avéreront non seulement inutiles, mais contribueront à alourdir un fardeau de culpabilité déjà lourd à porter. Demandez-lui plutôt comment elle se sent, et soyez à l’écoute.
Retournez-vous aussi la question et répondez-y le plus honnêtement possible. Selon Valerie Taylor, psychiatre en chef au Women’s College Hospital de Toronto, rares sont ceux – hélas – qui prennent le temps de faire le bilan de leur santé mentale. Conséquemment, explique-t-elle, « les gens ne savent pas reconnaître qu’ils commencent à aller moins bien, et ne prennent pas la pleine mesure de l’impact que peut avoir cette dégradation de leur santé mentale sur toutes les sphères de leur vie – de leurs relations interpersonnelles à leur emploi, en passant par leur capacité à prendre plaisir à leurs activités quotidiennes ».
Manque de connaissances quant à la dépression ou aux troubles anxieux, peur d’être stigmatisé ou étiqueté négativement : plusieurs facteurs peuvent expliquer que nombreux sont ceux qui n’iront pas chercher l’aide dont ils ont besoin. Plutôt que d’admettre qu’ils sont déprimés, ils préféreront minimiser le problème en disant qu’ils sont simplement « stressés, fatigués ou épuisés », ajoute madame Taylor. Or, bien qu’ils puissent être liés, le stress et la dépression sont deux choses bien différentes.
Voici quatre signes pouvant indiquer une détresse émotionnelle plus sérieuse, ainsi que quelques stratégies à appliquer afin d’améliorer votre bien-être émotif et psychologique.
Comment distingue-t-on le stress de la dépression? Généralement, les gens sont capables de continuer à performer même quand ils subissent un grand stress. Mais quand la pression devient dépression, on ressent souvent une grande apathie physique et mentale. La tâche la plus banale – comme se lever, prendre sa douche, aller travailler, manger ou voir des amis – nous semble alors un défi insurmontable. « La dépression altère notre fonctionnement », explique la psychiatre. Si votre humeur vous empêche d’accomplir vos activités habituelles ou d’y prendre plaisir, que ce soit dans votre vie personnelle ou professionnelle, cela pourrait fort bien indiquer que vous êtes déprimé.
L’insomnie ou les troubles du sommeil sont aussi un symptôme à ne pas négliger. Assailli de pensées envahissantes, vous passez vos nuits à vous retourner dans votre lit : qu’elle soit due à un inconfort physique ou mental, cette incapacité à profiter d’une nuit de sommeil réparatrice ne fera qu’exacerber votre sentiment de fatigue et d’abattement, vous entraînant ainsi dans un cercle vicieux. Même si l’idée d’avaler un somnifère peut être tentante, celui-ci ne fera bien souvent que camoufler la manifestation d’un problème plus sérieux. « L’un des premiers symptômes qui affectent ceux qui entrent dans un état dépressif, c’est que la qualité de leur sommeil est perturbée », affirme madame Taylor.
Vous vous surprenez à ressasser encore et encore votre dernière discussion houleuse avec votre mère, un collègue ou un ami? Même en compagnie d’autres gens, vous n’arrivez pas à passer à autre chose? Vous ne pouvez vous empêcher d’alimenter les affres de votre amertume et de votre colère, qui prennent alors des proportions démesurées? Il pourrait bien s’agir là d’un signe que vous avez affaire à plus qu’une simple déprime passagère, selon la psychiatre. Ces pensées obsessives – ou ruminations – peuvent mener à la dépression ou indiquer que celle-ci a déjà commencé à faire son nid. Si votre incapacité à faire taire ce discours interne négatif affecte vos relations personnelles, vous devriez aller chercher de l’aide sans tarder.
Pas étonnant que certaines entreprises offrent maintenant des « congés de santé mentale » à leurs employés. Nombreux sont ceux qui, aux prises avec un épisode de dépression, sont incapables de se présenter au travail ou prétendent être malades afin d’échapper à leurs obligations professionnelles. D’autres iront travailler, mais manifesteront leur profond mal-être par une baisse draconienne de productivité. « On parle alors de présentéisme » par opposition à l’absentéisme, explique madame Taylor.
Si vous êtes envahi de pensées négatives ou obsessives, certains principes de thérapie cognitivocomportementale pourraient vous aider à reconnaître et à transformer les émotions et déclencheurs à l’origine de vos comportements destructeurs. L’une des techniques de TCC les plus efficaces pour réfréner les pensées négatives consiste à les confronter à un raisonnement rationnel. « Les gens souffrant de dépression voient souvent tout en noir et blanc, ou perçoivent les situations à travers une lentille déformante », explique la psychiatre. Pour combattre ce symptôme, prenez l’une de vos perceptions négatives et tentez de prouver que celle-ci est fondée. Vous avez l’impression d’être seul et de n’avoir personne sur qui compter? Efforcez-vous de le prouver. Demandez-vous : « Suis-je réellement seul au monde? N’y a-t-il vraiment personne vers qui je peux me tourner? » Le but de cet exercice intellectuel est d’entraîner les gens à « appuyer leurs réflexions sur des faits concrets », ajoute-t-elle. La plupart du temps, ça leur permet de prendre conscience que celles-ci ne sont pas nécessairement justifiées.
La dernière chose qu’une personne déprimée a envie d’entendre, c’est bien : « Sors donc te dégourdir les jambes et prendre l’air, un peu! » Or, aussi peu tentant que puisse vous sembler ce conseil, il pourrait vous faire le plus grand bien. En effet, plusieurs études ont établi un lien entre la pratique d’une activité physique régulière et le bien-être émotionnel. Certains experts recommandent aussi l’exercice physique en tant que thérapie complémentaire pour les gens souffrant de dépression mineure ou modérée. Apporter quelques changements à votre alimentation peut aussi avoir un énorme impact sur votre vie. La diète méditerranéenne, par exemple, a notamment été associée à une diminution du risque de dépression.
« La plupart des employeurs offrent des ressources confidentielles en santé mentale par l’entremise de programmes d’aide aux employés », explique madame Taylor, qui recommande vivement à ceux qui y ont accès de profiter pleinement de ce service privé. Sinon, parlez de ce que vous ressentez à votre médecin de famille. Renseignez-vous aussi sur les différents traitements offerts sur le marché. Il existe une foule d’approches, comme la thérapie cognitivocomportementale ou l’acupuncture, pouvant contribuer à votre mieux-être à long terme. De plus, n’hésitez pas à en parler à vos proches. Ayez confiance qu’ils seront là pour vous, tout comme vous seriez là pour eux. Et surtout, rappelez-vous que chaque jour des gens guérissent de la dépression et que vous avez – en vous et autour de vous – toutes les ressources nécessaires pour vous en sortir. Le plus difficile est bien souvent de faire le premier pas.
Si vous croyez que vous souffrez de dépression, n'attendez pas avant de demander de l'aide.
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