Des conseils pour femmes lessivées rêvant de retrouver leur fougue de tigresses, il en pleut dans les magazines féminins. Dans ce fatras, comment distinguer le sérieux de l’ésotérique ? Deux cernées sceptiques ont cherché des trucs corroborés par la science. Et les ont testés.
Oui, oui... Nous aussi, on est tannées de se le faire dire. C’est paradoxal mais, selon de doctes études, pour avoir plus d’énergie, il faut en dépenser. En gros, l’exercice accroît la capacité des cellules à générer du carburant et donne du pep à l’oxygène, qui joue un rôle crucial dans la production d’énergie. Ça fouette le sang, quoi. S’activer est aussi la seule manière prouvée d’augmenter les heures de sommeil profond, soit le plus réparateur (en autant qu’on fasse de l’exercice en fin d’après-midi ou en début de soirée). Bonne nouvelle : marcher d’un pas vif 30 minutes 5 fois par semaine suffit. Par « pas vif », on entend 120 pas à la minute – minimum.
Marie-Hélène Effet vivifiant garanti, c’est épatant ! À tel point que j’ai décidé d’en faire une priorité, aussi essentielle à ma survieque dormir et manger. Mais bon, pour être franche, ce n’est pas ma première déclaration du genre.
Crystelle: Vivifiant peut-être. Mais entre le boulot qui s’étire, la routine devoirs-bains-dodo, la vie, je mets ça où dans ma journée ? (Remarque, si c'est pour me donner ce popotin, je vais peut-être redoubler d'efforts...)
La précieuse petite bête logée dans le crâne est gloutonne : elle avale 20 % de nos réserves d’énergie chaque jour (traiter de l’info, c’est forçant !). Mais comme elle ne peut en stocker, contrairement aux autres organes, on doit veiller à la rassasier toute la journée – sous peine de traîner de la patte. D’où l’importance de prendre au moins trois repas par jour. La bête ne se contente pas de n’importe quoi : du glucose seulement. Il lui en faut environ 120 grammes par jour (en comparaison, une tranche de pain contient 15 grammes de glucides, la grande famille des sucres dont fait partie le glucose). « Voilà pourquoi il faut éviter les régimes éliminant les glucides, dit Nathalie Jobin, nutritionniste associée à l’Université de Montréal. Ils obligent le corps à convertir les protéines et le gras en glucose pour le cerveau. De l’énergie inutilement dépensée qu’on pourrait investir ailleurs. » Une autre façon de se garder alerte : boire de l’eau. C’est prouvé, elle contribue à améliorer les performances physiques et intellectuelles.
L’énergie, ça ne s’achète pas ! Une dose d’énergie à 25 $ la caisse ? On aimerait y croire. Ce serait magique. Mais ne soyons pas dupes : les études n’ont pas réussi à confirmer le pouvoir prétendument tonique des suppléments tels que le ginseng, le guarana, le ginkgo biloba, la vitamine B12. On trouve ces ingrédients dans les boissons énergisantes, dont l’effet stimulant est indéniable, mais c’est la bonne vieille caféine qui en est responsable. Quant aux barres énergisantes, elles n’apportent pas plus de carburant qu’une friandise, selon une étude de l’Université d’État de l’Ohio.
Marie-Hélène: Boire un verre d’eau tire de la léthargie, ai-je constaté ces dernières semaines. Le hic : je passe la moitié de la journée au petit coin. Mais CC m’assure que l’organisme s’habitue.
Crystelle: C’est le truc le plus efficace pour moi parmi tous ceux testés pour ce dossier. J’avais déjà l’habitude de boire beaucoup d’eau (oui, MH, le corps finit par mieux gérer cette abondance de liquide), mais le fait de prendre des collations riches en glucides (fruits, noix, produits céréaliers) me donne le oumph ! nécessaire pour continuer le travail.
La cause la plus commune de la fatigue persistante est le stress. On ne s’en doutait pas une miette... Les explications éclairantes de Marie-France Marin, chercheuse en neurosciences à la Harvard Medical School de Boston et collaboratrice au Centre d’études sur le stress humain, à Montréal.
Pourquoi le stress nous met-il à plat ?
Quand nous détectons une menace pour notre survie, les glandes situées juste en haut des reins (les surrénales) sécrètent deux hormones : l’adrénaline et le cortisol. Ce mécanisme inné est très exigeant : il mobilise toutes nos énergies pour le combat. Ça en laisse moins aux systèmes digestif et reproducteur, ce qui explique les problèmes de digestion et la perte de libido en période de stress.
Ce qui nous stresse ne « menace » pourtant pas forcément notre survie... C’est vrai. Mais le cerveau ne voit pas la différence entre un stresseur absolu, qui met vraiment notre vie en jeu – se trouver face à un ours dans le bois –, et un stresseur relatif – composer avec la nouveauté et l’imprévu, avoir peu ou pas de contrôle sur une situation, sentir son ego menacé. Le corps réagit autant dans les deux cas. Le hic, c’est qu’on est soumis au deuxième type à longueur de journée dans nos sociétés modernes (certaines personnes plus que d’autres, cela dit). On accumule donc beaucoup d’hormones de stress. Et on se couche là-dessus ! Pas étonnant qu’on ait parfois du mal à dormir...
Comment s'en débarasser? En dépensant l’énergie mobilisée pour le combat, comme à l’époque où on chassait le mammouth. Faire deux fois le tour du pâté de maisons après une discussion contrariante au bureau, par exemple. Un autre truc : la « respiration bedaine ». Gonfler le ventre au maximum provoque une distension du diaphragme, ce qui freine la réponse au stress. Chanter a un effet semblable ! Enfin, rire indique au cerveau qu’on n’est pas en danger de mort. Il cesse ainsi de générer des hormones de stress. Même chose quand on imagine un plan B face à une situation hors de notre contrôle (la possibilité de perdre son emploi, par exemple). C’est une façon de dire : « OK, je peux m’en sortir. » Le stress est en grande partie une question d’interprétation.
Au retour du lunch, alors que macère dans l’estomac le repas trop épicé de la cantine, on privilégie les tâches peu exigeantes – du genre ménage de la boîte de courriels et classement de la paperasse sur le bureau. Comme on voittout de suite le résultat de ses efforts, ça donne du courage pour le boulot plus coriace à venir. D’autre part, le psychologue français Patrick Estrade soutient que les objets qui ne sont pas à leur place dans notre environnementsont autant de « présences » accaparant plus ou moins consciemment notre attention. Ça nous bouffe de l’énergie.
Marie-Hélène: J’ai toujours fait ça, mais je pensais que c’était de la procrastination ! Dorénavant, j’aurai bonne conscience...
Crystelle: Hum, ranger son poste de travail tous les jours comporte un risque de modéré à élevé de vous faire paraître obsessif, mais c’est certainement satisfaisant. Je me demande toutefois s’il ne s’agit pas seulement d’une question de personnalité. Certains semblent bien vivre dans le chaos...
Communier avec la nature aurait un pouvoir régénérateur, selon une vieille théorie appelée « biophilie » (un biologiste de Harvard a écrit un bouquin là-dessus dans les années 1960). Des psys américains ont d’ailleurs mené une expérience révélatrice auprès de deux groupes en 2008. Les uns devaient marcher dans un environnement urbain, les autres, dans la nature. Ensuite, examen pour tout le monde. Les participants du deuxième groupe ont mieux réussi, sans doute parce que leur cerveau était plus reposé, avancent les chercheurs. C’est qu’une balade dans un espace vert est moins exigeante qu’en ville – le paysage est plus cohérent sur le plan visuel, il y a moins de distractions, moins de bruit aussi.
Marie-Hélène: Pour moi, c’est la meilleure façon de combattre la fatigue intellectuelle. Quand je n’écris plus que des platitudes, je vais marcher là où il y a des arbres, des tamias et des moineaux. Au début, je rumine et je ne vois rien, mais, peu à peu, la beauté m’absorbe. Au retour, je pose un regard neuf sur mon travail, je trouve des solutions, je suis moins anxieuse.
Crystelle: On peut ressentir cet effet en ville aussi, tant qu’on prend conscience des moments où on est en contact avec un bout de nature. Dès que je mets le pied dans un parc, mes épaules se relâchent, je respire plus profondément et mes sens s’éveillent.
Écouter de la musique rythmée qu’on aime pendant 10 minutes avant d’exécuter une tâche cognitive – traiter de l’information, mémoriser, communiquer – rend un peu plus performant, dit Nathalie Gosselin, professeure en neuropsychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Le coup de pep proviendrait des émotions que nous fait vivre la musique. Il faut toutefois y porter attention pour que ça marche, précise Jonathan Bolduc, professeur en éducation musicale à l’Université Laval. Prolonger l’écoute ne donne rien : mieux vaut répéter les séances de 10 minutes pendant la journée.
Marie-Hélène: Super efficace. Je pratique cette méthode depuis l’université. Parmi mes chouchous : le Clavier bien tempéré de Bach et ses Concertos pour clavecin. Pour citer Jonathan Bolduc : « La musique baroque, c’est le disco du 17e siècle ! »
Crystelle: J’écoute de la musique tous les matins dans l’autobus. Depuis quelque temps, je garde les chansons les plus rythmées pour la fin du parcours. Bonne humeur assurée en arrivant au bureau ! Mes « classiques » : Radio Radio, Marie-Pierre Arthur et les listes de lecture de la catégorie Waking Up Happy de l’application Songza.
On les tient pour acquis, nos muscles de la posture. Ils font le boulot discrètement. Et pourtant, ils sollicitent de l’énergie, dit Denis Fortier, physiothérapeute au CHU Sainte-Justine. Plus encore quand on a la colonne recourbée, les épaules arrondies, la tête projetée vers l’avant, les fesses sur le bout de la chaise... L’effort supplémentaire qu’on leur demande aboutit en tensions, voire en douleurs qui nous minent. Une posture bien alignée implique le moins possible de contractions musculaires. Par exemple, au bureau, on s’organise pour que le bas de notre dos soit soutenu – on glisse un coussin ou un chandail roulé dans le fond du dossier. L’écran d’ordinateur doit être face à nous (pas de tête tournée !) et le clavier, à la hauteur du nombril. Enfin, on n’oublie pas d’inspirer et d’expirer : ça relâche les épaules tendues.
Marie-Hélène: Aveu : j’ai été incapable de corriger ma (très mauvaise) posture au quotidien. Trop absorbée par la tâche, je n’y pensais même pas. Denis Fortier m’avait prévenue : c’est un défi de prendre conscience de la manière dont on se tient, parce que nos muscles travaillent de façon automatique. On le réalise souvent trop tard, quand ces derniers sont en burnout.
Crystelle: Beau défi, en effet. Pour y arriver, j’ai dû créer des alertes courriels qui me ramenaient à l’ordre à trois moments dans la journée. Impossible, cependant, de constater une réelle incidence sur mon niveau d’énergie.
À moins de s’appeler Gregory Charles, dormir au moins six heures par nuit est essentiel pour être sur le piton (la moyenne nationale est de 7 h 30). À partir de la puberté, c’est tout à fait normal de se réveiller la nuit; idéalement, on vise un ratio de sommeil de 85 %. Quelques conseils de Régine Denesle, directrice de la clinique d’insomnie au Centre d’études avancées en médecine du sommeil : - On se couche à la même heure toute la semaine, à l’exception du week-end, où les fantaisies sont permises – on n’est quand même pas au monastère! Autrement, ça produit le même effet que le décalage horaire. - Pas d’ordi ni de téléphone intelligent au moins une heure avant de plonger dans les draps, à cause des ondes bleues dites « éveillantes » qu’émettent ces écrans. Il existe toutefois des lunettes spéciales qui filtrent cette lumière. - Pas de dodo d’après-midi après 15 h. Ça risque de gâcher votre nuit. Par contre, s’assoupir de 10 à 20 minutes en début d’après-midi peut repartir la machine. En Europe, particulièrement en Angleterre, de grandes entreprises mettent désormais des salles de repos à la disposition des employés. - Certaines personnes ressentent de la fatigue même si elles dorment comme des bébés. Il faut voir alors si la cause est d’ordre physique – troubles hormonaux, anémie, conséquences d’une mononucléose – ou d’ordre psychologique – frustrations au boulot, tensions à la maison, etc.
La fatigue, c’est out La fatigue n’a pas toujours été perçue comme un « problème » qu’il faut traiter (elle s’inscrit aujourd’hui au palmarès des bobos les plus souvent énumérés dans le bureau du médecin). Au Moyen Âge, c’était plutôt le signe positif qu’on avait atteint ses limites et qu’on méritait un bon repos. C’est l’industrialisation qui a changé les perceptions : les entreprises rêvant de travailleurs productifs de l’aube jusqu’à minuit, les études se sont multipliées pour comprendre comment accroître leur énergie.
Péter le feu, ce n’est pas qu’affaire de sommeil, de grains entiers et de course à pied. Ça se passe aussi entre les deux oreilles, révèlent quantité d’études. Parmi les moteurs les plus puissants de l’énergie : la motivation. On fait quoi quand elle a décampé? Les pistes de trois scientifiques.
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