Photo: Julien Faugere
Ma vie a été longue. C’est loin, 100 ans. J’ai vécu tout ça, et je m’en suis sortie pas mal bien. C’est donc possible pour une petite fille qui était supposée être une ménagère de se démarquer. Je dois avoir un front de bœuf !
J'ai beaucoup défendu l'égalité entre les hommes et les femmes, pendant des années et des années. Là, je me suis mise à vieillir et à me dire que ça n’avait pas de sens le sort qu’on réservait aux personnes âgées. On vieillit sans modèle, comme si l’on s’en allait vers la mort sans aucun plaisir. C’est mon nouveau cheval de bataille – est-ce que ce sera le dernier ? Je ne sais pas. Mais maintenant, c’est mon plus important.
L’idée est née pendant la pandémie. À ce moment-là, avec l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, j’ai lancé un projet pour inviter les personnes âgées à écrire leur autobiographie. J’en ai reçu 2400, c’est extraordinaire ! J’ai appris à quel point les vieux étaient rejetés et quel potentiel ils avaient. Je me suis dit qu’il fallait que je les aide. Le secret pour bien vieillir, c’est être utile aux autres.
Je l’ai écrit pour les vieux, mais j’aimerais que les jeunes le lisent ! Je suis tannée d’entendre des femmes de 30 ans dire qu’elles ne veulent pas vieillir, qu’elles ne veulent pas avoir l’air de ça. Il faut changer la vision qu’on a de la vieillesse.
Ce sont des tabous. En ce moment, chez les jeunes, c’est très fort l’idée de ne pas vieillir. On ferme les yeux sur la vieillesse, on ne veut pas la voir. Mais si tu ne vieillis pas, c’est que tu es déjà mort. Je ne suis pas une victime de la vieillesse.
LIRE AUSSI:
Il faut des lois qui les écoutent ! J’ai fait faire un sondage CROP pour savoir ce que veulent les personnes âgées. C’est vieillir chez soi, ne pas déranger les enfants, alors qu’il y a 100 ans, l’aînée de la famille était désignée bâton de vieillesse pour les parents. Aujourd’hui, on ne veut pas de bâton de vieillesse, on veut se soutenir soi-même.
C’est un grand tabou, oui. Je crois que ça vient beaucoup du fait que les enfants ne veulent jamais entendre parler de la sexualité de leurs parents. Dans ma famille, il y en a qui n’aiment pas ça que j’emploie le mot « pénis ». Pour beaucoup de gens, les personnes âgées ne sont pas supposées faire l’amour; c’est réservé aux jeunes. Moi, ce que je dis, c’est que faire l’amour, c’est trop important pour confier ça à des jeunes ! (rires)
Je me dis qu’ils se trompent de personne ! Après, je me dis que ça jette un baume sur la Janette blessée. Pendant des années, j’ai été traitée de cochonne, parce que j’employais les vrais mots. J’ai été traitée de raciste, il n’y a pas très longtemps. J’ai été abîmée, parce que je dérangeais beaucoup. Maintenant, je sens bien que j’ai marqué les gens. On me donne des hommages avant ma mort et je trouve ça le fun!
Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
Constance Cazzaniga collabore au magazine Châtelaine depuis l'été 2024. Comme journaliste pigiste, vous pouvez la lire dans différents magazines québécois et dans les cahiers spéciaux du Devoir, notamment. Anciennement cheffe de la section culturelle au journal Métro, elle se spécialise en culture, société et art de vivre, avec un intérêt marqué pour la mode, la beauté et la gastronomie. Vous la croiserez peut-être dans une salle de spectacle, en train de lire un essai féministe avant la levée du rideau.
ABONNEZ-VOUS À CHÂTELAINE
Joignez-vous à notre communauté pour célébrer la riche histoire du magazine Châtelaine, qui souligne ses 65 ans en 2025. Au programme : de nouvelles chroniques, une couverture culturelle élargie, des reportages passionnants et des hommages touchants aux femmes inspirantes qui ont eu une influence positive et durable sur notre société.