Photo: Julien Faugère
N’en déplaise à Laurence, Stéphane s’en va. Et il lui « laisse » la maison familiale, sachant qu’elle devra se dépatouiller avec la réaction de leur fille si elle décide de vendre. S’ensuit la belle (quoique dépaysante) histoire d’une redécouverte de soi vécue avec un certain sens de l’aventure. Un projet de réno, une nouvelle famille choisie, quelques adorables chatons et même un séducteur scandinave : tous les éléments sont réunis pour que débute un nouveau chapitre de vie exaltant.
Je voulais raconter une histoire de communauté, mais en ce qui concerne le personnage, c'est que je me suis demandé où je me placerais, moi, dans le monde si, à mon âge, je me retrouvais célibataire. Ce n’est pas la même chose à 25 ans.
Les autres livres que j'ai écrits mettent en scène des filles qui sont dans la vingtaine ou le début de la trentaine. À 48 ans, c'est complètement différent. Donc, je me demandais où est-ce qu’on se retrouverait, moi ou les filles de mon âge, si ça nous arrivait ?
Je trouvais que c'était une façon d'aborder ce que c’est qu’être libre, d'être heureuse, de s'épanouir. Au départ, la narratrice a cette espèce d'idée qu'il faut que la liberté soit totale et absolue. Elle s'en rend compte que, finalement, ce n'est pas ce qui lui convient, à elle.
Je sais que ça m'habite, ce désir de liberté radicale. Je voulais trouver une situation où un personnage pourrait penser comme ça, mais choisir autre chose.
Je voulais vraiment raconter l’histoire d’une communauté choisie, en quelque sorte. Dans sa famille, Laurence est entourée de femmes. Elle a sa fille, sa mère, sa meilleure amie.
Je voulais l’entourer de figures ayant différentes opinions, différentes inclinaisons, différentes énergies. Je trouve ça le fun que des personnages masculins soient positifs, mais qu’ils ne sortent pas tous du même moule.
J'ai Marcus et Norm [NDLR un couple gai], j'ai Jean-Christophe [NDLR : un enseignant, père d’un adolescent]. Même le personnage de Leif [NDLR : le fameux séducteur scandinave], a des côtés positifs, lui aussi. Je voulais vraiment montrer comment on choisit une communauté et qu’il faut de tout dans le groupe. La diversité est souvent représentée comme quelque chose qui n'est pas vraiment nuancé, mais je trouve que ça peut l'être aussi.
Oui, c'est sûr. Je pense qu'en fait, j’y reviens souvent dans mes réflexions. Je trouve qu'on manque de nuances, de perspectives, de recul dans notre discours collectif, dans nos vies personnelles.
Là, c'est comme si j'avais fait une espèce de transposition littérale de cette idée-là, avec une véritable vue et de l'espace. Laurence a besoin de tout ça, et ça se manifeste par « j'ai besoin de voir loin ».
D’ailleurs, c'est vrai que ça fait du bien. Chez moi, on voit loin. Je trouve que c'est sain, mais je sais que tout le monde ne peut pas s'acheter un bout d'horizon. Mais ça m'aide, moi, d'en avoir un vrai.
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Oui, nos décisions suscitent beaucoup de critiques. Dans le livre, les proches de Laurence le font de manière, je pense, à la protéger. J'hésite toujours à généraliser, mais disons qu'il y a certainement [une].
Surtout quand une fille part toute seule, comme le personnage du roman. C’est plus confrontant, je pense, pour les gens. Si c’est un gars qui décide d’aller vivre tout seul, tout le monde va l’encourager. Pour une fille, ce sera : « oui, mais, es-tu sûre ? Qu'est-ce que tu fais ? C'est donc bien bizarre. » De la même manière qu'une fille qui dit ne pas vouloir d'enfant, ça passe plus difficilement qu’un gars qui dit la même chose.
Je voulais trouver une façon d'en parler sans être moralisatrice. C'est correct de le dire sans tomber dans l'apitoiement. Je ne pense pas que Laurence s'apitoie pas sur son sort, mais elle remarque quand même [qu’on remet en question ses désirs].
Tu sais, tu es d'abord une maman. Ton choix de vie, qu'est-ce qu'il va faire à ta fille ? C’est sûr qu’on y pense, peu importe si les enfants sont adultes.
Moi, j'ai une fille biologique, et mon chum a deux grands enfants que je connais depuis qu'ils sont petits. Ça rentre encore en ligne de compte. À 25 ans et 22 ans, ils font encore partie du calcul.
Je voulais aussi mettre en scène des personnages de jeunes adultes parce que je trouve que c'est une génération qui est très inspirante. Ils sont très ouverts, plus qu’on l’était.
Je trouve ça confrontant, mais dans le bon sens du terme. Je trouve ça très sain d'en avoir autour de moi.
Moins maintenant parce que je suis entourée d’autres femmes, mais quand j’ai commencé à écrire pour la télévision, il y a 25 ans, il n’y en avait pas tant, donc je me retrouvais souvent comme la fille de service, celle qu'on engage dans l’équipe du Bye-bye pour pouvoir dire « Heille, on a une fille qui fait le Bye-bye ! »
La narratrice a de réelles convictions, qu’elle exprime dans ses discussions avec son éditeur, mais sur le panel elle se sent obligée de défendre des idées qui ne sont pas les siennes [NDLR : sur la liberté des traductrices de changer des éléments sexistes dans les textes]. Donc, c'est sûr que ça devient moins naturel.
C'est un petit clin d'œil au fait qu'on nous demande souvent de résumer nos opinions en deux lignes, sans déborder de la marge, alors qu’on est à l’âge où les avis sont plus riches et nuancés.
Je n'ai jamais vraiment arrêté. J’écris un peu tout le temps. C’est tellement plus confortable d’écrire un roman qu’un essai. Il y a beaucoup de dialogues, et c’est du feel good. Je prépare un plan avant de commencer. Une fois que je sais où je m'en vais, je comparerais ça à une promenade.
Oui, c'est du travail, mais il se fait dans le plaisir et dans la fluidité. Pour moi, ce n'est pas exigeant. Une fois que j’ai mon plan, il suffit de le suivre. Certains auteurs disent qu’ils suivent les personnages, et c'est vrai: tu commences à écrire puis tu entends leurs voix.
Pas pour le moment, mais j'aimerais ça. Ça faisait longtemps que je n’avais pas écrit un roman [NDLR Volte-face et malaises est sorti en 2012], mais en écrivant Plage Laval, je me suis dit : « Mon Dieu, j'aimerais faire juste ça, des livres ! »
Plage Laval, de Rafaële Germain, Libre Expression, 2025, 430 p.
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Julie est rédactrice en chef de Châtelaine et signe l’infolettre gourmande C’est exquis. Elle baigne dans l’univers du magazine depuis plus de 25 ans, ayant notamment été à l’emploi de Protégez-Vous et de L’actualité. Sa plus grande passion? La cuisine. Elle est même allée jusqu’en Italie pour apprendre à confectionner des pâtes comme les nonnas.
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